mardi 3 octobre 2017

859 Et quand c'est oui...

De très justes campagnes ont insisté sur le fait que : « quand c'est non, c'est non » s'agissant de femmes auxquelles sont faites d'explicites propositions sexuelles. Ces campagnes réfutaient la vieille et infecte fable patriarcale qui prétend que quand une femme dit « non » à celui ou celle qui sollicite ses « faveurs », au fond elle penserait toujours « oui ». Il suffirait de la bousculer pour parvenir à la vérité, qui serait invariablement la satisfaction sexuelle de la personne solliciteuse.

Quand c'est non, c'est non, nous sommes d'accord. Il est intéressant de voir comment se pose la question quand c'est oui de la part de la femme.

Tout d'abord, remarquons qu'il n'existe aucune manière simple, polie et « correcte » pour dire « oui ». Mis à part le cheminement officiel via une demande en mariage. Ce qui pose problème. Je peux demander ou accepter fort civilement la dégustation d'un gâteau, une sortie au cinéma, mais aller au lit faire des galipettes non. C'est tout particulièrement vrai plus pour les femmes que pour les hommes.

Remarquons ensuite que la femme qui dit oui prend un risque en baissant sa garde. En effet, elle ne peut pas deviner par avance sur quel genre de comportement sexuel elle peut tomber. Des personnes très comme il faut peuvent réserver des surprises pas forcément positives et agréables. On peut découvrir ainsi que quelqu'un d'apparemment équilibré ne l'est pas du tout. Il peut par exemple être sommaire au lit : « six minutes douche comprise » ou encore être violent.

Une difficulté supplémentaire pour dire « oui » tient à l'automatisme du non. Habitué à toujours dire « non », une personne de sexe féminin ou masculin pourra spontanément dire « non » même si après elle en ressentira des regrets. J'en parle en connaissance de cause. Quand j'étais bien plus jeune, un jour, une jeune fille m'a demandé directement si je voulais des petites caresses. J'ai aussitôt et machinalement répondu « non » et m'en suis ensuite mordu les doigts, sans savoir faire machine arrière. Cette jeune fille m'attirait. J'ai en dépit de ça cédé à mon automatisme négatif.

Illustration de la difficulté à dire « oui », j'ai connu une jeune femme qui, ayant décidé d'avoir une aventure avec un ami n'osait rien lui demander. Elle finit par lui demander s'il avait chez lui de l'alcool. Elle espérait parvenir en buvant à se désinhiber et aller droit au but. L'ami n'avait pas d'alcool chez lui. Et l'aventure projetée est tombée à l'eau.

Un obstacle supplémentaire se dresse pour qu'une femme puisse exprimer son désir. C'est que souvent elle justifie ses refus avec des fables et des non-dits. Fable classique, pour repousser un solliciteur importun, elle pourra invoquer sa fidélité à son fiancé. Qu'elle sera en fait toute prête à cocufier sans souci si l'occasion qui se présente lui paraît positive et l'affaire jouable. Avouer à un homme qu'on le désire alors qu'on a joué à la sainte intouchable auprès de lui est un peu difficile et déstabilisant. Et l'avouer n'implique pas forcément la réussite du projet recherché.

Une jeune femme qu'attire un homme plus âgé va passer son temps à expliquer à son entourage qu'il n'en est rien. Qu'il pourrait être « son grand père ». Que le sexe en général ne la passionne pas, etc. Ce discours rendra difficile d'entrer dans le vif du sujet avec la personne ainsi rejetée en paroles. Il faut parfois traverser un véritable no man's land de mensonges accumulés depuis des années pour parvenir au but recherché. Ce n'est pas évident de se dénoncer en quelque sorte ainsi et avouer frontalement qu'on ment allégrement depuis toujours et à tout le monde ou presque. Ce qu'on appelle « le domaine de l'amour » est très souvent aussi le lieu privilégié du mensonge, de la manipulation et de l'hypocrisie. Qui sont trois des plus efficaces tue l'amour qui existent.

Basile, philosophe naïf, Paris le 3 octobre 2017

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