dimanche 31 mai 2015

383 Se désintoxiquer de la sexualité

Il y a des mois, j'ai commencé à vivre nu. Bien sûr, pas en permanence, seulement quand je suis seul, comme à l'instant où j'écris ce texte. Je ne prétends rien imposer aux autres. Mais, considérant le caractère abusif, orienté, faux, artificiel, sexualisant du port permanent de vêtements, j'ai décidé de ne plus être habillé à chaque fois que c'est possible. C'est-à-dire hors de la présence ou la vue des tiers et sans éprouver la morsure du froid.

A l'issue de mois de cette expérience je me suis débarrassé d'un conditionnement dont j'ai par la même occasion pris conscience : la castration visuelle masculine. J'avais remarqué qu'au début de mon expérience nudique j'éprouvais largement celle-ci comme à caractère sexuel. Je n'en ai fait subir aucun effet sur les autres. C'est resté une question entre moi et moi. Avec le temps, cet aspect sexe s'est estompé. Et finalement il y a deux jours j'ai compris par où j'étais passé.

L'absence effective la plupart du temps de regard sur son sexe déforme la conscience masculine. Le membre masculin - qui est une partie du corps comme une autre, la main, le nez ou l'oreille, par exemple, - se métamorphose alors en autre chose. Ce qui fait que, à chaque fois qu'il apparaît à la vue, il est en quelque sorte souligné. Comiquement on pourrait dire qu'il s'exclame : « Coucou ! Me revoilà ! Vous m'aviez oublié ? Vous savez à quoi je sers ? VOUS SAVEZ A QUOI JE SERS ? »

Il faut du temps de nudité pour effacer ce conditionnement. Je me disais que j'y avais mis quelques mois. En faisant hier des recherches dans mon blog philosophique j'ai vu que j'y avais mis bien plus de temps, au moins une année.

Changer son comportement est essentiel pour aller mieux. A force de travailler sur moi, je me désintoxique de la sexualité, cette farce ignoble qui prétend que l'homme doit tout le temps chercher à baiser. Même quand il n'en a pas envie et que la personne qui l'intéresse n'en a pas envie.

En 1986, j'ai connu un début de déconditionnement. Il n'a pas vraiment duré. C'était à l'occasion d'un stage de massage à Paris. La dame qui l'organisait nous avait annoncé au début du stage : « ce n'est pas sexuel ». Nus en groupe nous devions masser nos partenaires en évitant les parties génitales. La technique qu'on nous enseignait était assez spontanée et dérivée du « massage californien ». Au cours de ce stage, et en marge de celui-ci, j'ai pu observer des changements dans le comportements des participants.

Durant ce stage où nous vivions dans un grand appartement, l'un d'entre nous a justifié d'une nécessité le fait de nous quitter et rentrer chez lui pour une nuit. C'était un homme sans caractère particulier à relever, qui s'était empressé de nous annoncer son homosexualité au début du stage.

Au moment de son départ, le stage était largement commencé. Nous avions chacun de nous été massé et avions massé.

L'homme qui devait nous quitter momentanément et qui s'était rhabillé s'approche du groupe pour nous dire au revoir. S'esquisse le mouvement de lui serrer la main. Et puis tout le monde en rit. Il apparaissait évident à tous qu'on ne pouvait pas le quitter autrement qu'en lui faisant la bise, tous. Notre comportement, à chacun de nous avait changé depuis le début du stage et suite à celui-ci.

Une autre modification de comportement que j'ai relevé me concernait ainsi qu'une participante. C'était une grande jeune fille, belle et bien bâtie, avec des longs cheveux blonds et des yeux bleus. Quand la dame qui organisait le stage avait appris par sa bouche qu'elle n'avait que dix-sept ans et était mineure, elle avait fait la grimace mais ne l'avait pas congédié du stage.

Avec cette jeune fille blonde, à diverses reprises, en marge du stage, nous nous regardions et puis nous serrions dans les bras un long instant avec beaucoup de plaisir. Et, je peux l'assurer en tous cas pour ce que je ressentais personnellement, sans aucune connotation sexuelle. Au point que je ne me souviens pas vraiment précisément du contact mais plutôt de la plénitude de l'impression ressentie.

Au sortir du stage, je l'ai écrit déjà ailleurs dans ce blog, je n'éprouvais aucun intérêt pour la pornographie qui m'attirait en temps normal à travers les couvertures plus ou moins dénudées et suggestives des magazines affichés aux devantures des marchands de journaux.

Bizarre conséquence physiologique, j'ai eu au contact de ma petite amie de l'époque des érections que je qualifierais de ligneuses, tant mon membre dressé paraissait en bois. Ma petite amie, qui avait eu pas mal d'amants n'avait jamais vu ça. Ces érections ligneuses n'ont perduré que sur une période limité, disons quinze jours, puis ont disparu. Quand je regarde depuis de la pornographie, je constate que certains hommes y figurent avec une érection moins forte que ligneuse.

Tous ces phénomènes consécutifs au stage de massages n'ont pas duré. J'ai voulu revoir la jeune fille de dix-sept ans. Mais que de confusion revenait dans ma tête ! Pensant la revoir, je commençais à me dire : « oui, mais il y a le SIDA. » J'étais bien conditionné par la sottise masculine baise-partout, tout le temps, régnante dans notre société machiste et coïtolâtre ! J'ai revu la jeune fille une fois. Il ne s'est rien passé de plus qu'une conversation un peu vide dans sa chambre. Et nous ne nous sommes pas revus. La magie entre nous vécue durant le stage était finie. Nous n'avons pas su renouer avec, ni moi, ni elle.

Ce stage de massages m'avait ouvert sur toutes sortes d'interrogations. J'avais découvert le toucher, largement absent dans ma famille. J'ai écrit depuis plein de fois sur le toucher. J'ai cru que tous les changements observés dans le comportement des participants au stage venaient juste du toucher vécu dans son cadre. A présent, je pense que c'était peut-être plus complexe.

La dame qui organisait le stage ne se posait pas visiblement de questions. Pour elle ça paraissait simple : le stage lui apportait 800 francs par participants et durait un bon weekend. Seule perspective pour les participants : participer à un autre stage et repayer. Son but était uniquement lucratif. Il existe semble-t-il une clientèle qui va ainsi de stage en stage sans se poser plus de questions que ça. Je peux me tromper. Je ne fréquente pas ce milieu. Ce stage fut la seule expérience vécue où je l'ai approché.

Par la suite j'ai essayé d'appliquer dans ma vie des changements. Ainsi, six ans après le stage, je recevais chez moi une jolie fille. Comme elle est restée tard, elle a dormi sur le sol, sur un matelas près de mon lit. Le matin, nous avons commencé à échanger des caresses. Et là, je me suis dit expérimentalement : « les problèmes paraissent arriver avec l'acte sexuel. Je vais éviter celui-ci. » C'est ce que j'ai fait. Nous avons passé un moment fort agréable. Il ne s'est pas reproduit durant des années, la jeune fille a évité cela. Puis nous nous sommes revus quelquefois pareillement en caresses. Au final, c'est la jeune fille qui a voulu arrêter les séances de câlins. Formatée par une société machiste et baiseuse, elle voulait que le petit oiseau se mette dans le trou. Et parvenir comme ça à une relation ainsi institutionnalisée à travers le « mariage-baise ». On baise, donc on est « ensemble », et adieu la « solitude » !

Beaucoup d'aberrations dans les relations humaines ont pour origine des comportements erronés fruit des conditionnements reçus. S'en émanciper paraît une piste des plus prometteuses pour arriver à se sentir bien sans faire de mal aux autres. C'est à travers la vie, pas à travers les discours, que si nous le voulons, nous nous changeons. Nous nous améliorons et améliorons d'amour notre monde.

Basile, philosophe naïf, Paris le 31 mai 2015

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