Il y a des mois, j'ai
commencé à vivre nu. Bien sûr, pas en permanence, seulement quand
je suis seul, comme à l'instant où j'écris ce texte. Je ne
prétends rien imposer aux autres. Mais, considérant le caractère
abusif, orienté, faux, artificiel, sexualisant du port permanent de
vêtements, j'ai décidé de ne plus être habillé à chaque fois
que c'est possible. C'est-à-dire hors de la présence ou la vue des
tiers et sans éprouver la morsure du froid.
A l'issue de mois de
cette expérience je me suis débarrassé d'un conditionnement dont
j'ai par la même occasion pris conscience : la castration
visuelle masculine. J'avais remarqué qu'au début de mon
expérience nudique j'éprouvais largement celle-ci comme à
caractère sexuel. Je n'en ai fait subir aucun effet sur les autres.
C'est resté une question entre moi et moi. Avec le temps, cet aspect
sexe s'est estompé. Et finalement il y a deux jours j'ai compris par
où j'étais passé.
L'absence effective la
plupart du temps de regard sur son sexe déforme la conscience
masculine. Le membre masculin - qui est une partie du corps comme une autre, la
main, le nez ou l'oreille, par exemple, - se métamorphose alors en
autre chose. Ce qui fait que, à chaque fois qu'il apparaît à la
vue, il est en quelque sorte souligné. Comiquement on pourrait dire
qu'il s'exclame : « Coucou ! Me revoilà ! Vous m'aviez oublié
? Vous savez à quoi je sers ? VOUS SAVEZ A QUOI JE SERS ? »
Il faut du temps de
nudité pour effacer ce conditionnement. Je me disais que j'y avais
mis quelques mois. En faisant hier des recherches dans mon blog
philosophique j'ai vu que j'y avais mis bien plus de temps, au moins
une année.
Changer son comportement
est essentiel pour aller mieux. A force de travailler sur moi, je me
désintoxique de la sexualité, cette farce ignoble qui prétend que
l'homme doit tout le temps chercher à baiser. Même quand il n'en a
pas envie et que la personne qui l'intéresse n'en a pas envie.
En 1986, j'ai connu un
début de déconditionnement. Il n'a pas vraiment duré. C'était à
l'occasion d'un stage de massage à Paris. La dame qui l'organisait
nous avait annoncé au début du stage : « ce n'est pas
sexuel ». Nus en groupe nous devions masser nos partenaires en
évitant les parties génitales. La technique qu'on nous enseignait
était assez spontanée et dérivée du « massage
californien ». Au cours de ce stage, et en marge de celui-ci,
j'ai pu observer des changements dans le comportements des
participants.
Durant ce stage où nous
vivions dans un grand appartement, l'un d'entre nous a justifié
d'une nécessité le fait de nous quitter et rentrer chez lui pour
une nuit. C'était un homme sans caractère particulier à relever,
qui s'était empressé de nous annoncer son homosexualité au début
du stage.
Au moment de son départ,
le stage était largement commencé. Nous avions chacun de nous été
massé et avions massé.
L'homme qui devait nous
quitter momentanément et qui s'était rhabillé s'approche du groupe pour nous dire au revoir.
S'esquisse le mouvement de lui serrer la main. Et puis tout le monde
en rit. Il apparaissait évident à tous qu'on ne pouvait pas
le quitter autrement qu'en lui faisant la bise, tous. Notre
comportement, à chacun de nous avait changé depuis le début du
stage et suite à celui-ci.
Une autre modification de
comportement que j'ai relevé me concernait ainsi qu'une
participante. C'était une grande jeune fille, belle et bien bâtie,
avec des longs cheveux blonds et des yeux bleus. Quand la dame qui
organisait le stage avait appris par sa bouche qu'elle n'avait que
dix-sept ans et était mineure, elle avait fait la grimace mais ne
l'avait pas congédié du stage.
Avec cette jeune fille
blonde, à diverses reprises, en marge du stage, nous nous regardions
et puis nous serrions dans les bras un long instant avec beaucoup de
plaisir. Et, je peux l'assurer en tous cas pour ce que je ressentais
personnellement, sans aucune connotation sexuelle. Au point que je ne
me souviens pas vraiment précisément du contact mais plutôt de la
plénitude de l'impression ressentie.
Au sortir du stage, je
l'ai écrit déjà ailleurs dans ce blog, je n'éprouvais aucun
intérêt pour la pornographie qui m'attirait en temps normal à
travers les couvertures plus ou moins dénudées et suggestives des
magazines affichés aux devantures des marchands de journaux.
Bizarre conséquence
physiologique, j'ai eu au contact de ma petite amie de l'époque des
érections que je qualifierais de ligneuses, tant mon membre dressé
paraissait en bois. Ma petite amie, qui avait eu pas mal d'amants
n'avait jamais vu ça. Ces érections ligneuses n'ont perduré que
sur une période limité, disons quinze jours, puis ont disparu.
Quand je regarde depuis de la pornographie, je constate que certains
hommes y figurent avec une érection moins forte que ligneuse.
Tous ces phénomènes
consécutifs au stage de massages n'ont pas duré. J'ai voulu revoir
la jeune fille de dix-sept ans. Mais que de confusion revenait dans
ma tête ! Pensant la revoir, je commençais à me dire : « oui,
mais il y a le SIDA. » J'étais bien conditionné par la
sottise masculine baise-partout, tout le temps, régnante dans notre
société machiste et coïtolâtre ! J'ai revu la jeune fille une
fois. Il ne s'est rien passé de plus qu'une conversation un peu vide
dans sa chambre. Et nous ne nous sommes pas revus. La magie entre
nous vécue durant le stage était finie. Nous n'avons pas su renouer
avec, ni moi, ni elle.
Ce stage de massages
m'avait ouvert sur toutes sortes d'interrogations. J'avais découvert
le toucher, largement absent dans ma famille. J'ai écrit depuis
plein de fois sur le toucher. J'ai cru que tous les changements
observés dans le comportement des participants au stage venaient
juste du toucher vécu dans son cadre. A présent, je pense que
c'était peut-être plus complexe.
La dame qui organisait le
stage ne se posait pas visiblement de questions. Pour elle ça
paraissait simple : le stage lui apportait 800 francs par
participants et durait un bon weekend. Seule perspective pour les
participants : participer à un autre stage et repayer. Son but était
uniquement lucratif. Il existe semble-t-il une clientèle qui va
ainsi de stage en stage sans se poser plus de questions que ça. Je
peux me tromper. Je ne fréquente pas ce milieu. Ce stage fut la
seule expérience vécue où je l'ai approché.
Par la suite j'ai essayé
d'appliquer dans ma vie des changements. Ainsi, six ans après le
stage, je recevais chez moi une jolie fille. Comme elle est restée
tard, elle a dormi sur le sol, sur un matelas près de mon lit. Le
matin, nous avons commencé à échanger des caresses. Et là, je me
suis dit expérimentalement : « les problèmes paraissent
arriver avec l'acte sexuel. Je vais éviter celui-ci. » C'est
ce que j'ai fait. Nous avons passé un moment fort agréable. Il ne
s'est pas reproduit durant des années, la jeune fille a évité
cela. Puis nous nous sommes revus quelquefois pareillement en
caresses. Au final, c'est la jeune fille qui a voulu arrêter les
séances de câlins. Formatée par une société machiste et
baiseuse, elle voulait que le petit oiseau se mette dans le trou. Et
parvenir comme ça à une relation ainsi institutionnalisée à
travers le « mariage-baise ». On baise, donc on est
« ensemble », et adieu la « solitude » !
Beaucoup d'aberrations
dans les relations humaines ont pour origine des comportements
erronés fruit des conditionnements reçus. S'en émanciper paraît
une piste des plus prometteuses pour arriver à se sentir bien sans
faire de mal aux autres. C'est à travers la vie, pas à travers les
discours, que si nous le voulons, nous nous changeons. Nous nous
améliorons et améliorons d'amour notre monde.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 31 mai 2015
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire