Il existe au moins trois
types de sentiments très particuliers et différents qui attachent
les humains entre eux. L'un serait de se sentir congénères. On
pourrait appeler ça « la congénarité », le sentiment
d'appartenir à une même espèce, juste cela ou presque. Elle nous
fait définir l'autre de diverses manières : c'est une connaissance,
un voisin, un collègue de bureau, une rencontre de vacances...
Ensuite existerait
l'amitié. Et enfin, l'amour. Comment le définir ? Cherchez à
définir le goût du sucre, la couleur rouge, la mer, si vous ne
l'avez jamais vu. C'est impossible. Il le faut le gouter, le voir.
L'amour, c'est pareil, il faut le vivre pour comprendre ce que c'est.
Le besoin d'amour
insatisfait amène toutes sortes de comportements qui égarent,
éloignent ou tiennent en tous cas à distance de l'amour.
Parmi ces comportements
erronés, certains, fréquents, peuvent être cités ici :
Croire que l'amour c'est
de l'amitié plus du « sexe ». C'est à dire de l'amitié
plus de la pratique sexuelle, ou considérée telle, comme, par
exemple, le bisou sur la bouche. Certains très jeunes gens et très
jeunes filles considèrent ainsi qu'ils « pratiquent le sexe »
juste en s'embrassant sur la bouche.
Une autre démarche
erronée consiste à croire que l'amour c'est de la jalousie plus du
sexe. C'est à dire de la pratique sexuelle, ou considérée telle,
plus de la jalousie.
Une troisième démarche
erronée c'est croire que l'amour consiste en une relation où on
prend de grandes décisions à la va vite, comme emménager ensemble
ou déclarer à la cantonade que dorénavant « on est
ensemble ». En avalisant éventuellement cette proclamation par
une cérémonie en mairie, par exemple. Cérémonie qu'on appelle
« mariage » et qui n'est pas forcément l'amour.
On peut, bien sûr,
combiner ensemble plusieurs démarches erronées.
Pour que l'amour
surgisse, il faut deux choses qui ne se décident pas. Et une qui se
décide plus ou moins :
Les deux choses qui ne se
décident pas sont : un terrain favorable. Et un minimum de confiance
réciproque. Celle-ci naît avec le temps, si le terrain est
favorable. Sans elle, il n'y a pas d'amour.
La troisième chose
indispensable et qui se décide plus ou moins, c'est : respecter
l'amour.
Respecter l'amour
signifie éviter les obstacles qui sont essentiellement :
Le sexe artificiellement
ramené. On baise sans désir véritable et authentique parce qu'on
croit devoir le faire.
La jalousie, qui est une
forme de haine destructrice, d'expression du manque, voire de
l'absence de confiance. Celui ou celle qui est très jaloux ne sait
pas. Et n'arrivera pas à aimer.
Les grandes décisions
prises à la va vite, comme annoncer très vite à la cantonade qu'on
est « ensemble », etc. Ou encore, par exemple, emménager
ensemble alors qu'un des deux n'en a pas trop envie et se laisse
entrainer, pousser par l'autre.
Manquant d'amour, que
font les humains qui les égare et empêche l'amour de venir à eux ?
Diverses conduites
existent :
Se droguer, c'est à dire
être amoureux d'une substance : alcool, tabac, haschich, héroïne,
etc. ou d'une pratique stupéfiante : jouer aux courses, passer sa
vie à faire des jeux sur un ordinateur ou être pendu en permanence
à son téléphone pour échanger des banalités, etc.
Devenir amoureux d'autre
chose que d'êtres humains. Par exemple être amoureux de son
travail, en faire sa vie au point qu'arrivé à la retraite on meurt
rapidement ou on se suicide. On peut aussi tomber amoureux de
l'argent, du « pouvoir », de la « célébrité »
qu'on recherche à tous prix. Soit en fréquentant ou cherchant à
fréquenter des personnages « célèbres ». Soit en
cherchant à tout prix à le devenir nous-mêmes.
On peut aussi cultiver
l'idée absurde d'un « monde idéal ». Ce rêve est
l'expression de l'amour qui nous manque et de ce manque que nous
n'identifions pas comme tel. Sinon, n'importe quel individu un tant
soi peu sensé, en considérant les faits historiques et le
comportement des autres, en déduit très facilement qu'avec des
humains qui ne sont pas idéaux on ne saurait imaginer la naissance
d'une société idéale. S'agissant de cette croyance, il existe des
exemples anciens. Par exemple, certains Espagnols rêvaient jadis
d'un pays imaginaire qu'ils appelaient « El Dorado ». Ou
ils rêvaient de parvenir jusqu'aux « sept cités de Cibola ».
Plus récemment, dans les années 1920, la Russie était un pays
ruiné par la guerre civile, affamé, en ruines et vivant sous une
terrible dictature. Pourtant, des dizaines de millions d'hommes et
femmes intelligents, sensibles, lucides, de par le monde, en
arrivaient à croire que la Russie c'était le Paradis sur Terre. Ils
manquaient d'amour. Et le manque d'amour rend souvent incapable de
percevoir la réalité si elle nous fait mal.
Parfois, ce monde
rêvé se résume à une fabuleuse « vie à deux »
où « le Grand Amour » arrangerait tout comme par
miracle. Ou alors ce serait « le Grand Sexe », une
pratique sexuelle également fabuleuse qui assurerait magiquement un
bonheur total. Ou encore, la croyance en la valeur suprême et
transcendantale de « la Beauté ». Un être d'une beauté
considérée comme fabuleuse assurerait par sa seule présence une
félicité absolue. C'est un peu comme si je croyais qu'il me suffit
d'approcher et séduire une femme admirable pour que tout aille bien
pour moi. D'où ma démarche serait, par exemple, d'approcher et
chercher à séduire une fille très jolie, voire une célébrité du
spectacle ou de la chanson, telle Laetitia Casta ou Nolwenn Leroi.
Cette démarche stupide, pitoyable et risible fait que les célébrités
se font très souvent harceler. Et reçoivent des déclarations
d'amour enflammées et des demandes en mariage de parfaits inconnus.
Ce harcèlement conduit les célébrités à s'entourer de barrières
qui empêchent tout le monde de les approcher.
Pour compenser le manque
de l'amour se développent également des comportements déviants.
Par exemple, se délecter de connaître en détails la vie
« sexuelle » des autres, célébrités ou collègues de
bureau. On peut aussi chercher à violer les personnes qu'on a
remarqué comme « désirables » et qui sont loin de
souhaiter une activité sexuelle avec nous. Ou, dans sa démarche de
recherche de « l'amour » ou du moins de ce qu'on croit
être l'amour, on va chercher systématiquement des partenaires très
très jeunes ou très très âgés par rapport à soi. On pourra
aussi fréquenter des soirées libertines, faire de
l'exhibitionnisme, se gaver de pornographie, etc.
L'amour conduit-il
forcément au « sexe » ? Absolument pas, il peut en avoir
besoin, s'en passer, en être exempt, voire être totalement
incompatible. Ça dépend des cas. On peut être authentiquement
amoureux d'un, une, ou plusieurs partenaires sexuels. Et détruire
son amour avec le sexe partagé. Ça arrive fréquemment.
L'amour authentique et
véritable peut exister entre des personnes qui, non seulement ne
pratiquent pas le sexe entre elles, mais de plus n'en ont pas envie. Et
même entre lesquelles ce type de rapports est mal vu, voire
carrément interdit par la loi. Certaines fortes amitiés sont en
fait de l'amour qui ne dit pas son nom. Et certains prétendus
amours ne sont que de l'amitié « bricolée » qu'on
s'efforce vainement à transformer en amour.
Le sexe et l'amour sont
deux choses différentes qui ne vont pas toujours nécessairement
ensemble. S'agissant du « sexe », il faut éviter de se
fabriquer des faux désirs. Comme, par exemple, se dire en pensant à
une femme qui nous plaît pour son allure, sa beauté, son caractère
: « elle est formidable, donc je dois chercher à faire l'amour
avec elle ». Cette démarche est parfaitement stupide et
destructrice, y compris de la naissance d'un éventuel amour entre
cette femme et vous. Amour qui n'inclura pas nécessairement une
activité sexuelle partagée.
Ramener le sexe comme un
cheveu sur la soupe. Cette manière de faire hélas très répandue a
des conséquences dévastatrices en région parisienne et
certainement dans bien d'autres endroits. Les femmes, surtout jeunes
et jolies et se déplaçant seules dans des lieux publics n'osent pas
simplement regarder les hommes ou leur sourire, ou leur parler. Elles
se méfient à juste titre. Car, quantité d'hommes croient que
toutes approches réelles ou supposées sont une ouverture vers un
rapport sexuel impératif. Et s'ils se sentent ensuite contrariés
ils peuvent devenir parfois violents, et même violeurs. Parmi les
hommes qui hypersexualisent les femmes et sont incapable d'avoir des
rapports sains et respectueux avec elles, on trouve des personnes
sensibles, intelligentes, mais totalement abusées par leur mauvaise
éducation et les mauvais exemples qu'ils suivent.
Certaines femmes,
contaminées par cette éducation hypersexualisante ont des
comportements qui rappellent ceux des hommes hypersexualisés. Elles
n'en sont pas plus heureuses pour autant. Les hommes hypersexualisés
les rejettent, car leur comportement sexuel se veut dominateur. Et
ils se retrouvent comme un coq qui drague un coq. Il y a
incompatibilité. On ne saurait mettre ensemble deux coqs dans une
même basse-cour et qu'ils s'entendent ensuite.
Mais même des gens
sensibles et doux se font abuser par leur mauvaise éducation et les
mauvais exemples qui les conditionnent et qu'ils suivent bêtement.
Mon père m'a raconté que, quand il était jeune, dans les années
1920, il avait une amie avec laquelle il s'entendait en tout
merveilleusement bien. Elle n'était ni sa maitresse, ni sa fiancée,
ni sa femme, ni quoi que ce soit de ce genre. Elle était juste une
prodigieuse amie. Et, appréciant cela, il s'est dit : « si
nous nous entendons aussi bien, pourquoi ne pas nous marier ? »
Il a fait sa demande. A
choqué l'amie. Elle a cessé de le voir. Devenu vieux, mon père en
conservait encore des regrets.
Il avait cru que l'amour
signifiait le mariage, donc le sexe.
Moi-même, j'ai failli
briser une amitié en ayant une démarche similaire il y a bien des
années. Une amie me paraissait bien en tout... alors, pareillement
que mon père bien des années auparavant, j'ai fait le même stupide
raisonnement intellectuel. « Si on s'entend si bien, pourquoi
ne pas faire notre vie ensemble ? »
J'ai pondu une lettre de
six pages que j'ai envoyé à cette amie. Cette lettre a bien failli
détruire notre amitié. Elle l'a en tous cas refroidi pour de
longues années.
Laissez venir l'amour à
vous. Ne cherchez pas à le faire venir à vous.
Il est comme un oiseau
qui s'approche timidement de vous. Si vous lui criez d'approcher, il
s'envolera.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 21 janvier 2015
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