La cause de la mort
tragique de Rémi Fraisse est politique. Elle s'explique par le
précédent de la résistance écologique organisée contre la
construction de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes près de Nantes.
Qu'est-ce que la
différence entre la guerre et le maintien de l'ordre ? A la guerre,
l'objectif recherché est d'anéantir, tuer l'ennemi. Dans le
maintien de l'ordre, l'objectif est de le faire partir. Dans les
années soixante ou soixante-dix je me souviens comment des
manifestants s'étonnaient à Paris. « Tu te rends compte ! La
police a barré et bloqué toutes les rues et en a oublié une ! »
C'était frappant, ce contraste entre le barrage policier de tout un
ensemble de voies publiques, parallèlement à une grande et vaste
rue rigoureusement vide de toutes présences en uniformes ! Il ne
s'agissait en aucune manière d'un « oubli ». C'était en
fait la voie laissée libre pour que les manifestants puissent s'en
aller !
Les moyens mis en œuvres
pour faire partir les manifestants sont multiples. Grenades
lacrymogènes, charges de police, barrages hermétiques ou filtrants
empêchant les regroupements de manifestants, etc. Pour s'y entrainer
existe en France, à Bourg-Lastic, une petite ville artificielle où
policiers et gendarmes jouent le rôle de manifestants ou de
policiers. C'est là que les policiers sud-coréens à la veille des
jeux olympiques de Séoul vinrent s'entrainer. Tout cet entrainement
concerne le milieu urbain.
A Notre-Dame-des-Landes
la police a été confronté à un cadre totalement différent :
campagnard, champêtre et forestier. Et à des manifestants
extrêmement motivés. Or, l'entrainement en milieu urbain ne
correspondait rigoureusement pas aux conditions rencontrées. Comment
« faire partir » d'une vaste étendue des manifestants se
dispersant, se regroupant, ne se décidant pas à partir ? Menant une
espèce de guérilla ? On a vu alors des gendarmes mobiles courirent
en forêt. Déverser des quantités énormes de gazs lacrymogènes.
Face à des manifestants ricanant, sûrs de leur bon droit et
résistant, par exemple, en occupant des arbres ! Plantant des
légumes, se mettant tout nus pour aller à quatre pattes renifler le
bas des boucliers des policiers. Que faire en pareil cas ?
La police chercha à
utiliser la méthode qui s'était révélée très efficace en
d'autres endroits. Des gendarmes en civils se mêlant aux
manifestants, mirent soudain des brassards gendarmerie, pour arrêter
des militants écologistes pris en flagrant délit de caillassage de
la police. Et zou ! Au trou, pour six mois, ça devait impressionner,
faire peur et déguerpir les autres. Échec total ! Avec concert de
ricanements et protestations, lettres et colis de soutiens aux
emprisonnés. Les autres écologistes ne partirent pas du terrain
d'affrontement de Notre-Dame-des-Landes. Résultat, défaite du
gouvernement, non encore reconnue officiellement. L'aéroport
contesté ne sera pas construit.
Les politiques n'aiment
pas perdre. Arrive sur le devant de la scène la question de la
retenue d'eau de Sivens. « Comment cette fois-ci vaincre les
protestataires ? » se demandent les politiques.
Raisonnement lambda :
« utilisons d'emblée du matériel très violent, comme ça,
ils dégageront ! » Instructions d'être « très fermes »
est donnée aux forces de gendarmerie envoyées à Sivens. Et
d'utiliser des grenades offensives. Qui sont en fait des engins de
guerre et pas de maintien de l'ordre. Cette décision est prise très
certainement au plus haut niveau, au minimum à Matignon, sinon à
l'Élysée. Les gendarmes mobiles suivent les ordres. On connait la
suite. Vraisemblablement s'étant logée entre le dos et le sac à
dos de Rémi Fraisse, une grenade offensive le tue net. Les gendarmes
mobiles ont exécuté les ordres donnés. La responsabilité de ce
qui est arrivé est gouvernementale au plus haut niveau. Et marque un
tournant politique fondamentale aujourd'hui en France.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 19 novembre 2014
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