Certainement comme
beaucoup, à mes débuts sur Internet j'étais timide concernant les
sites contenant de la pornographie. J'osais à peine les effleurer.
D'autant plus que j'avais reçu de terribles mises en garde. « Ces
sites sont remplis de virus. Si tu vas dessus tu vas pourrir ton
ordinateur ! » Autant dire : le rendre inutilisable. « Fais
attention ! Ces sites sont conçus de telle sorte que si tu les
visites tu vas payer des sommes formidables ! » Autant dire,
aller voir du cul allait ruiner mon ordinateur et vider mon maigre
compte en banque, voire le mettre dans le rouge !
Et puis, progressivement,
j'y suis venu. J'ai finalement surfé sur un tas de sites
pornographiques. En évitant les choses bizarres. Le pire que j'ai vu
étaient deux sites japonais. Sur l'un était présenté une jeune
fille nue et vivante recouverte de poissons morts. Dans l'autre on
voyait un groupe d'hommes se masturber dans un saladier. Puis, une
femme nue boire le saladier bien rempli au moins à la moitié. Ils
ont du tricher en ajoutant du blanc d'œuf, car une éjaculation fait
au plus 2 à 5 millilitres. Rien de très appétissant en tous cas.
Pour le reste j'ai vu, revu, rerevu... toujours le même genre de
scènes répétées à l'infini. Bien évidemment au début c'était
excitant. J'en profitais pour m'adonner à cette occupation que les
Antillais ont malicieusement baptisé : « seul Dieu te voit ».
Ce plaisir qu'on dit solitaire, mais qu'on ne trouve qu'en pensant à
quelqu'un d'autre.
Et puis, et puis,
progressivement et avec les années, c'est devenu de moins en moins
excitant. Et même souvent pas excitant du tout. Un peu comme si, à
force, la répétition devenait lassante. Mais, la répétition de
quoi, au juste ? J'ai commencé, habitude du chercheur, à regarder
d'un autre œil ces chairs offertes. A les prendre comme un sujet
d'étude. Troquant les jouissances manuelles contre les jouissances
intellectuelles.
Qu'est-ce qui ne collait
pas ? C'est à force de voir et revoir la même vidéo, des fois en
coupant le son, que j'ai fini par comprendre. En fait, les
partenaires sexuels de ces films sont d'une indigence sensuelle
abyssale. Une scène type c'est l'homme qui baise ou se fait faire
une fellation... les bras sagement allongés le long du corps. Il a
devant lui une superbe femme nue et disponible, il la touche
infiniment moins que si c'était son chat, son caniche ou une peluche
quand on est enfant !
Dans les vidéos
homosexuelles que j'ai pu voir, c'est pareil. On dirait que la
surface de peau et muqueuses des gens impliqués se résume à peu de
centimètres carrés. Alors que la peau et les muqueuses d'un humain
font bien en tout deux mètres carrés de surface !
Quand on commence à
visiter les sites pornographiques, on ne réalise pas cette misère.
Mais, à la longue si, en tous cas pour ce qui me concerne. Et alors
ça devient peu excitant, même pas du tout.
En regardant récemment et d'un œil désabusé et critique des produits pornographiques, j'ai réalisé une chose pour la première fois. C'est qu'il y a quarante et un an, quand j'avais vingt-deux ans, avec ma première copine, nous suivions presque exactement les recettes de l'indigente pornographie.
En regardant récemment et d'un œil désabusé et critique des produits pornographiques, j'ai réalisé une chose pour la première fois. C'est qu'il y a quarante et un an, quand j'avais vingt-deux ans, avec ma première copine, nous suivions presque exactement les recettes de l'indigente pornographie.
Essentiellement : entrer
le truc dans le machin, secouer. Faire son petit pipi sexuel. Sortir
le truc du machin. Et, si c'est le soir, dormir. Si c'est le jour, se
rhabiller.
Je sais qu'on ne dit pas
« faire son petit pipi sexuel », on doit dire :
« éjaculer ». Mais, ici, c'est si sensuel que ça me
fait penser plus à la miction qu'à l'amour.
Pourtant, on y prend
goût. Et, quand, au bout de six mois, notre histoire est tombée à
l'eau, la chose me manquait. Comment en était-je venu là ? A avoir
une copine et ignorer même l'existence du clitoris ?
On m'avait poussé. On
m'avait fait comprendre clairement qu'à vingt-deux ans il était
temps que j'en passe par là. Alors, j'étais parti en camping avec
ma copine en me disant : « il faut que j'en passe par là. »
Et la contraception ? J'en ignorais autant dire tout. Et m'imaginais
naïvement que, puisqu'il fallait en passer par là, eh bien je
trouverais du travail pour nourrir le bébé immanquablement à
venir. Il me resterait neuf mois pour entrer à la Poste et commencer
à toucher un salaire.
Et l'amour dans tout ça
? J'avais ma théorie. Elle était simple. Il suffisait de côtoyer
un certain temps une jeune fille. Et on tombait amoureux, point.
C'était ça l'amour. Et comme ça m'inquiétait un peu que je ne
connaisse guère au fond ma douce, j'évitais de la connaître
« trop ». Dès qu'elle abordait un sujet trop sérieux,
où nous risquions de ne pas être d'accord, je l'interrompais. Et,
avec des mots, la faisais taire. Mais revenons-en à nos noces dans
les alpages. Car il s'agissait d'alpages, en Autriche, dans le
Salzkammergut précisément, à Zell am Moos pas loin de Mondsee.
Heureusement que ma
copine, elle, faisait partie des rares jeunes filles qui prenaient
déjà la pilule en France. Au moment où j'allais, pour la première
fois, mettre mon truc dans son machin, elle m'a interrompu. Disant
qu'il valait mieux attendre qu'elle reprenne la pilule. Et
m'apprenant par la même occasion qu'elle l'avait déjà prise. Car
elle avait déjà eu un amant, jeune arabe prénommé Mohamed. Et que
son père à elle lui avait à cette occasion procuré la pilule. A
entendre ce récit, j'ai réagit en faisant à ma copine la plus
banale, sotte et sordide scène de jalousie rétroactive. Disant que
« je ne pourrais plus jamais te faire confiance ! » Quel
âne j'étais ! Elle ne m'a rien répondu et, quelques jours plus
tard, quand elle fut pilulé, j'essayais de mettre le truc dans le
machin. N'y parvenant pas, j'ai dormi, elle aussi. Et, le lendemain,
ce fut elle qui pris l'initiative de le faire non comme le
conseillait les missionnaires, mais comme le font les Trobriandais.
Elle s'est placé au dessus. A l'issue de cette entreprise, je n'ai
pas senti quelque chose de plus que si je m'étais adonné à une
médiocre branlette. Et quand je lui ai demandé ce qu'elle avait
pensé de notre geste sexuel, elle m'a répondu : « autant
faire l'amour avec un bout de bois ». J'ai retenu la date, car
ce jour-là c'était le cinquième anniversaire de l'entrée des
troupes du Pacte de Varsovie en Tchécoslovaquie. Nous étions le
matin du 21 août 1973.
Notre sensualité au lit
était médiocre et axée essentiellement sur le truc dans le machin.
Comme la pornographie, elle n'avait rien de bien enthousiasmante.
Quand on se tourne vers
la sensualité, deux phénomènes sont des plus déstabilisateurs.
Ils consistent à chaque fois à attribuer un caractère « sexuel »,
lié au coït, à deux choses qui en sont largement indépendantes,
quoiqu'on puisse en dire et en penser.
A la base, nous sommes
des singes. La conscience singe vit en nous. En cas de panique, pour
se sauver, on voit les humains se mordre furieusement pour s'ouvrir
un passage. C'est arrivé plus d'une fois. Et notamment dans la
panique qui s'est emparé de la clientèle du self service du ferry
Herald of Free Enterprise qui a chaviré dans le port de
Zeebruges en 1987.
Au nombre de nos bases
simiesques se trouve la toilette effectuée avec la langue. Les
humains retrouvent le plaisir de lécher leurs congénères et être
léché par eux, quand ça ? Uniquement quand ils décident de
s'adonner au « sexe ».
Les humains sont la seule
espèce vivante chez laquelle lécher son prochain est un acte
suspect. Comme caresser en général. Essayez de passer doucement
votre main dans la chevelure d'une femme inconnue dans le métro,
vous verrez le résultat ! Même les gestes tendres les plus anodins
et innocents sont tenus en suspicion; Car ils sont abusivement
systématiquement rattachés au « sexe ». Mais pas
n'importe quel « sexe » : le sexe agressif et dominateur.
Qui nous emprisonne. Qui est au vrai sexe ce que la prison est à un
immeuble normal d'habitation. Le vrai sexe qu'il ne faut pas
confondre avec une autre prison : celle du libertinage et du sexe
obligatoire et « frénétrique ».
Il existe une époque de
la vie où des fois la pratique de la toilette linguale subsiste, au
moins un peu : la très petite enfance. Il n'est pas rare d'entendre
de jeunes mères dirent qu'elles « mangent » leur enfant.
Qui n'a pas entendu des petits bébés littéralement hurler de joie
quand leur maman leur « mange le ventre » ? Comment
s'étonner si les humains adultes ont souvent une telle nostalgie de
l'enfance et un tel amour de leur mère qu'il confine à
d'incompréhensibles et caricaturaux extrêmes ?
Quand, adultes, ils
chercheront une compagne, quantité d'hommes chercheront l'impossible
clone combiné de « la maman » et « la putain »,
triste fantasme qui n'existe pas dans la réalité.
Je connais deux hommes
qui ont déjà un certain âge et sont convaincu qu'intelligents,
avertis et expérimentés comme ils sont, ça y est, ils vont la
trouver, cette « maman-putain ». Ils ne la trouvent pas.
Et, à force de la chercher et en parler ensemble, ils finissent par
trouver l'amour entre eux deux. Va-t-il jusqu'au coït ? C'est du
reste secondaire, bien que fort possible. A les voir et écouter,
tous leurs amis, y compris homosexuels, voient bien quels sont leurs
sentiments réciproques !
On parle beaucoup des
phéromones. Mais je n'ai jamais entendu parler de l'alimentation des
sentiments d'amour par l'ingestion de substances superficielles
dégagées par l'épiderme de l'être aimé et ingérées par le
biais de la toilette.
Toilette linguale
originelle ô combien caricaturée par la triste pornographie !
J'étudiais l'autre jour une vidéo pornographique où une jeune dame
s'acharnait littéralement à sucer le zizi d'un monsieur en essayant
visiblement en insistant d'en extraire l'albumine. Qui est le
principal constituant du sperme. Rien n'y faisait. En dépit de sa
conscience professionnelle, la jeune dame n'y parvenait pas. C'est
ABSOLUMENT normal. Pourquoi voulez-vous que la toilette soit un
excitant sexuel ?
Mais, probablement une
des pires choses que notre Culture ai commise, c'est d'avoir condamné
la « nudité » assimilée elle aussi au « sexe ».
Savez-vous qu'il est
interdit aux humains de recevoir d'autres humains chez eux, de
regarder par la fenêtre ou depuis leur pas de porte et de sortir de
chez eux ? Comment ça ? Mais si, essayez à Paris, nu, de recevoir
des visites, aller à la fenêtre ou sur le pas de votre porte, ou
sortir dans la rue ! Vous ne pouvez pas. Vous ne pourrez pas. On vous
arrêtera, enfermera, internera, condamnera, dénoncera,
pourchassera. Or, être nu est l'état normal de l'être humain. Au
point que ça ne devrait pas plus être précisé que dire : « il
est sorti de chez lui avec ses cheveux sur la tête » ou « sans
cheveux, puisqu'il était chauve ».
On ne mesure pas
l'immensité du traumatisme général, de la
déformation de leur conscience, causés aux humains par la gymnophobie régnante.
La société où nous vivons prône l'horreur de la « nudité ».
Au point que nous sommes effectivement horrifiés bien souvent par
elle ! Et que cette horreur fabriquée artificiellement sert à
justifier le maintien du statu quo !
Les adeptes du vivre nu
en sont réduits à s'organiser des structures fermées, dites « camp
naturiste », « club naturiste ». Et, dans leur
presse, abondent les discours cherchant à justifier le « vivre
nu ». Mais, c'est le monde à l'envers ! S'il fallait des camps
et des clubs fermés, ça devrait être pour ceux qui exigent de se
couvrir ! Et c'est à eux de justifier leur délire ! Le résultat de
la gymnophobie, c'est de « spécialiser » la nudité
comme un annexe du « sexe ». Un délire alimente l'autre.
Non pas que « faire l'amour » soit un délire. Mais la
façon dont les humains abordent globalement l'amour est le plus
souvent très délirante. Au point que les gens équilibrés doivent
rester discrets s'ils ne veulent pas être ostracisés.
Si vous déclarez, par
exemple, ne pas être passionné par la recherche systématique et
obsessionnelle de l'acte sexuel avec une personne du sexe opposé,
vous vous attirez aussitôt la remarque : « tu es peut-être un
homosexuel qui s'ignore ». Et, pourquoi donc ? Parce que la
recherche permanente et obligatoire de la baisouille ferait
soi-disant partie du paquetage obligatoire de l'humain « normal »
!
Un jour, quand j'étais
en vacances, et bien heureux d'être à la campagne chez un couple
d'amis, ils m'ont littéralement « cuisiné ». Pourquoi ?
Parce que me sachant célibataire ils étaient choqués par mon
comportement. Au lieu de passer mon temps à me lamenter sur ma
« solitude » j'étais heureux de vivre, tout simplement.
Ça n'était pas normal pour eux ! J'aurais dû geindre à longueur
de journée. Et ça les aurait rassuré ! Comme est pesant le poids
des conformismes. Ces amis me voulaient du bien et s'inquiétaient...
de ce que visiblement je ne souffrais pas à longueur de journée !!
Un phénomène qui
enferme et coupe des autres est d'imaginer par avance l'amour. Il
devient alors comme un projet, qui se complique avec le temps et les
expériences vécues. Or, il ne faut pas imaginer, c'est à dire
inventer l'amour. Il faut, tout simplement, accepter de le découvrir.
Et laisser l'autre éventuel, qui pourra vous aimer, le découvrir
aussi. On fait généralement le contraire. On invente tout. Et puis
on se demande si l'autre correspond au produit de votre belle
imagination. La vie est toujours plus belle, riche et surprenante que
nos anticipations. Il faut vivre l'instant présent et l'apprécier.
Pas goûter l'instant futur fantasmé et s'inquiéter de sa
différence avec l'instant présent. Mais, allez expliquer ça à un
humain égaré et affamé d'amour ! C'est plutôt difficile.
Pourtant, il faut laisser le temps amener à nous le bonheur. Tout en
nous défiant des faux semblants et des apparences trompeuses. A
commencer par la beauté de ceux ou celles qui ne nous respectent
pas.
Quantité d'individus
n'arrivent jamais à l'âge adulte et restent à gâtiser toute leur
vie dans leur tête. Que penser de ce brillant politique riche et
ambitieux qui se paie un jour les services de plusieurs très jeunes
prostituées de quinze ans ? Il ne comprend rien à la vie. Est
égoïste. Veut s'occuper des autres et diriger le monde. Et ne sait
même pas ce qu'est l'amour ! Agissant ainsi, ne le saura jamais.
Sera malheureux tout en rendant malheureux les autres. C'est de tels
hommes de pouvoir qui dirigent le navire de notre société ! Comment
s'étonner alors s'il finit régulièrement par s'éventrer sur des
récifs et n'arrive jamais à bon port ?
La notion d'âge adulte
est tellement partie prenante de notre culture qu'elle s'inscrit dans
nos lois : majorité sexuelle, majorité légale. Mais il y a un tas
de gens qui ne deviennent jamais adultes ! Et se conduisent en petits
enfants dégénérés, malhonnêtes. Avez-vous vu agir un dragueur
professionnel ? Quand il se prend un râteau, regardez-le bien :
c'est un gamin a qui on a retiré son jouet ! Peu importe s'il en a
dragué quinze : c'est la dernière qu'il voulait et qui lui a
échappé ! Il est « le plus malheureux du monde » !
La seule chose qui
compte, c'est le respect de l'autre. Il ne sait pas ce que c'est.
Quant à l'amour, inutile de lui en parler. Il vous traitera de
rêveur, d'imbécile. Ou, se doutant de ce que vous savez quelque
chose de précieux qu'il refuse et ignore, il vous détestera.
Vivez et laissez-le ne
pas vivre en tâchant d'éviter qu'il vienne vous empoisonner la vie.
La rose de la vie est belle. Essayez autant que possible d'éviter de
vous piquer avec les épines de la sottise. Pour vous diriger, vous
avez la boussole de l'amour et le sextant de l'intelligence.
Servez-vous de l'un et de l'autre. La route juste ne vous est pas
connue. Mais n'est pas impossible à trouver. La carte est en vous.
Lisez-là. Sans hésitation, allez vers les terres inconnues. Et
sachez oublier les soucis. Ne pas vous sentir attristé par les
échecs. Et sortir de l'ombre à la lumière.
L'amour est indéfectible.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 18 juin 2014
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