J'ai longtemps pensé que l'homme à la base était
un singe. Mais il a fallu que la vie et la réflexion m'apprennent
pour que je comprenne vraiment jusqu'au bout les tenants et
aboutissants de cette idée. Qui est on ne peut plus juste.
A la base, au commencement de la vie, quand nous
naissons, nous sommes des singes. Et ces singes vont subir une série
de traumatismes originels très violents qui vont nous marquer.
Marquent la société et expliquent bien des choses dans notre
conscience et notre comportement ultérieurs.
Pour identifier ces traumatismes, nous avons quatre
outils de raisonnement :
Le premier est nous imaginer singe. Et, en
comparaison avec une vie simiesque de chimpanzé ou d'une autre
espèce restée authentique et non dénaturée, chercher à voir ce
qui a été dénaturé en nous.
Le second, ce sont nos souvenirs de la petite
enfance.
Le troisième, c'est l'observation des jeunes
enfants. Leurs réactions sont parfois la trace de la Nature
originelle en eux et intacte à leur naissance.
Le quatrième c'est quand nous vient des pensées,
des réactions, des attitudes bizarres pour nous, incompréhensibles
d'emblée et qu'il nous importe d'analyser.
S'agissant des traumatismes originels, j'en avance
une liste, non exhaustive, de dix. Il y en a quantité d'autres.
Ceux-ci m'apparaissent les plus anciens dans notre vie et les plus
traumatisants pour la vie ultérieure.
Le premier traumatisme c'est le traumatisme lingual
: à la naissance, le petit singe est léché par sa mère. Y compris
bien sûr, par la suite, après qu'il a uriné ou déféqué, elle
lui lèche le sexe et le trou du cul. Cette pratique est ignorée par
les humains civilisés.
Le deuxième traumatisme est le traumatisme textile.
Les singes sont nus. Or, les humains civilisés sont systématiquement
habillés. Ainsi, dans une famille classique, il pourra arriver qu'un
humain ignore parfaitement la configuration anatomique des humains du
sexe opposé. De plus, de cet habillage systématique ressortira un
malaise général à l'égard d'une chose qu'on appelle globalement
"la sexualité".
Le troisième traumatisme est le traumatisme sexuel
: chez les singes, on baise en public sans se cacher. Chez les
humains civilisés, cette activité ainsi que pratiquement tout ce
qui y est associé, se fait en cachette et à l'abri du regard des
tiers. Pour un petit singe bien élevé comme je l'ai été, c'est
bien simple : cette activité n'existait pas. Jusqu'au jour où il a
bien fallu que j'admette qu'elle existait. Qu'elle avait été
pratiqué par mon père et ma mère. Et qu'étant au courant, il
m'avait caché ce qu'ils savaient. Quand je les questionnais sur des
sujets que j'ignorais être liés à la sexualité.
Le quatrième traumatisme est le traumatisme BVPCRP.
BVPCRP sont les initiales de presque tout ce qui concerne l'excrétion
: baver, vomir, pisser, chier, roter, péter. Très tôt on nous
apprend qu'il faut éviter ces évacuations naturelles, ou tout au
moins, les faire hors de la vue des tiers. Et se retenir même, au
moins momentanément de les faire. Il ne faut ni toucher, ni jouer
avec les excrétions concernées. A cette liste s'ajoute la morve,
et, bien après notre naissance, les menstrues, la cyprine, le sperme
et le liquide des glandes de Cowper, qui vont également être
assimilée à la saleté et la honte.
Le cinquième traumatisme originel est le second
traumatisme textile : il faudra impérativement s'habiller, ne pas
être nu, vu nu. On devra s'habiller même s'il fait très chaud,
même si les vêtements sont ridicules car visiblement ne servent à
rien de pratique et utile, comme les culottes de bain.
Je me souviens d'un petit garçon âgé d'environ
deux ans. Je l'ai aperçu sur la plage de Palavas-les-Flots au début
des années 1980. Il marchait, les pieds dans l'eau, sa petite
culotte de bain complètement trempée d'eau de mer. Voilà qu'il
s'arrête un instant. L'enlève. La jette au loin avec dégoût. Et
poursuit son chemin.
J'ai vu en vacances en Corse en 1993 d'autres petits
enfants témoigner de l'insupportabilité de l'obligation de porter
des vêtements quand il fait très chaud. Et que cette contrainte
leur apparaissait pour ce qu'elle est : totalement absurde. Mais à
laquelle adultes nous sommes habitués au point d'être souvent gênés
par la nudité.
Le sixième traumatisme originel est le second
traumatisme sexuel : les adultes insisteront sur la nécessité de
cacher en particulier les zones génitales et anale, et même
mammaire chez les très petites filles dont les seins n'ont pas
encore poussés. Et interdiront de se toucher. Ces interdits
catégoriques et mystérieux concerneront une activité que le petit
singe commencera à envisager comme coupable et honteuse. Il n'a pas
idée de l'acte sexuel, qu'on le met déjà en garde contre l'organe
qu'on y emploie. Cette partie de lui-même est déclarée honteuse.
Susceptible de suspicion. Bref, elle n'est pas « une partie du
corps comme les autres ». La médecine d'antan allant dans ce
sens a baptisé le nerf de l'appareil génital « nerf
honteux ». Ce nom est resté. Et l'appareil génital portait
aussi jadis entre autres le nom de « parties honteuses ».
Reflet de cette culture toujours bien présente à
notre époque, cette petite scène vue par moi, en passant à
Asnières-sur-Seine près de Paris, il y a un an environ. Trois
petits garçons marchent dans la rue. Ils ont environ huit ou neuf
ans. L'un d'eux avise dans le caniveau un tampax neuf. Le ramasse et
le montre à ses deux petits camarades. « Les filles se mettent
ça dans le cul. C'est dégueulasse ! » s'exclame-t-il en
jetant l'objet avec dégoût par terre. Pourquoi dégueulasse ? Toute
une éducation à refaire. Les filles, le cul, c'est dégueulasse...
pauvre gamin, tu as et tu auras des problèmes.
Le septième traumatisme originel est le troisième
traumatisme sexuel. La principale activité sexuelle chez les humains
civilisés, c'est la masturbation. En témoigne aujourd'hui le
chiffre d'affaires colossal de la pornographie, qui n'existe
essentiellement que comme un aliment visuel favorisant la
masturbation. La masturbation développée à ce point est le
résultat de la Civilisation qui condamne la nudité, la caresse et
aussi l'acte sexuel, qualifié de « pêché de chair »
par l’Église. Or, même la masturbation de masse, ce pis aller et
ce résultat de la Civilisation sera condamné à être cachée. Les
adultes cacheront aux enfants qu'ils se branlent très souvent, le
feront hors de leur vue.
Quand j'étais petit, je suis un jour tombé sur le
mot « masturbation » dans un ouvrage médical qui
prétendait en faire un maux devant être traité. Intrigué, j'ai
questionné mes parents sur le sens du mot. Mon père, devant ma mère
silencieuse m'a répondu que ça consistait pour quelqu'un à se
frotter le zizi. Et pourquoi donc ? ai-je demandé. « Parce
qu'il est fou », m'a-t-il dit. Or, cinquante ans plus tard, je
lui demandais si, au stalag, où il a été prisonnier de guerre de
1940 à 1943, l'absence de femmes n'était pas trop dur pour les
prisonniers. Et il m'a répondu alors : « il y avait la
masturbation ». M'avouant ainsi son mensonge commis un
demi-siècle auparavant. Il savait bien que les masturbateurs ne sont
pas fous. Et il en avait fait et faisait très probablement encore
partie.
Rares sont les auteurs qui parlent de la
masturbation dans leur biographie, ou leurs œuvres en général. Le
chanteur Antoine, dans ses mémoires, ne cache pas sa pratique de la
chose. Et un autre chanteur français, moins connu et très
talentueux, Manu Lods, y a consacré une très jolie chanson.
Le huitième traumatisme originel est le quatrième
traumatisme sexuel : quand les enfants découvriront la masturbation
comme activité propre et commenceront à la pratiquer régulièrement.
Ils reproduiront le modèle donné par les adultes, en se cachant
pour se branler. La honte sera l'accompagnement classique de cette
activité. A laquelle est associée la pornographie.
Cette absurde honte inculquée fera des dégâts
psychologiques. Une jeune fille m'expliquait à la fin des années
1970 qu'elle avait découvert la masturbation quand elle vivait dans
le logis familial. Pour ne pas être entendu s'y adonnant la nuit
dans son lit, elle se crispait de tout son corps, afin d'éviter de
gémir de manière révélatrice de son activité. Résultat, depuis,
bien des années après, quand elle se branlait, même toute seule
chez elle, elle éprouvait le besoin de se crisper pareil, sinon elle
n'arrivait pas à se faire plaisir. On ne réalise pas tous les
dégâts psychologiques que causent de telles situations. Ayant
découvert seul la masturbation, probablement vers l'âge de treize
ans, je l'ai très longtemps pratiqué ensuite avec honte. Je me
disais à une époque : « je fais ça pour voir, étudier ».
Et cette honte allait de pair avec une peur absurde. Celle d'un jour
me mettre à me masturber et ne plus pouvoir m'arrêter de le faire,
des heures et des jours durant ! « Ça n'est pas une activité »
me disais-je. Bien sûr, ça n'est jamais arrivé. Et c'est seulement
arrivé à plus de trente ans que j'ai pu être débarrassé de ma
honte. C'est arrivé de façon inattendue. J'ai fais toutes sortes de
câlins à la petite amie que j'avais alors. Puis, elle, à son tour,
s'est mise à m'en faire. Et, comme elle ne voulait pas s'accoupler,
elle m'a pris la main et l'a déposé où il fallait pour me faire
comprendre et m'encourager à me satisfaire tout seul. Ce qui s'est
passé, tandis qu'elle regardait. Et incompréhensiblement, cette
histoire, cette façon de faire m'a guéri de ma honte. Qui subsiste
encore certainement un peu. Mais pratiquement plus du tout en regard
de ce qu'elle a été.
Le neuvième traumatisme originel est le traumatisme
verbal, écrit ou dessiné : il sera interdit de parler ou
représenter certaines choses, sans explications logiques à ces
interdits. Les petits enfants relèveront cette bizarrerie et seront
fascinés par les gros mots. Ce qui est gravissime est qu'aux « gros
mots » et grossièretés est associé le sexe. Ce qui signifie
que l'activité sexuelle est assimilée à une déchéance, une
dégradation et non au respect de soi et l'autre ou les autres.
Certains adultes éprouvent le besoin d'insulter leur partenaire
sexuel, le faire s'habiller en prostituée. N'envisager le sexe que
comme une activité vulgaire. Au lieu de se dire : « je vais
peut-être faire de très doux et délicieux câlins avec cette
charmante amie tant aimée » on voit des personnes pourtant
plutôt bien élevés éprouver le besoin de se dire, par exemple :
« je vais me faire cette salope ! » C'est ahurissant et
inquiétant. Heureusement qu'un grand nombre d'hommes, un grand
nombre de femmes, arrive malgré tout à ne pas être des monstres.
Mais la société en produit assez pour marquer gravement le paysage
des amours.
Le dixième traumatisme originel dont j'ai déjà
parlé dans ce blog est le traumatisme causé par le sevrage tactile.
A un moment-donné, les adultes entourant un enfant, arrêtent de le
caresser, parce qu'il est à présent « grand ». Ça
arrive très souvent. Et les caresses ne reparaissent que bien plus
tard, assorties d'impératifs sexuels qui leur sont abusivement
systématiquement associés.
Tous les dérangements profonds entraînés par ces
dix traumatismes originels, amènent quantité de comportements
compensatoires : sexe, alcool, drogue, chrématistique, recherche du
pouvoir, etc. Quelle réponse donner à ces troubles ?
Il faut faire appel à la conscience. Il ne s'agit
pas pour une nouvelle maman, par exemple, de se mettre à lécher son
nouveau né. Et lui lécher le cul et le sexe plein de pisse et de
merde. Et pour tous se balader à poil en permanence. Baiser au vu et
su de tout le monde. Baver, vomir, pisser, chier, roter et péter
sans retenue, etc. Non, il ne s'agit pas bien sûr de cela. Mais nous
avons une conscience. Avoir conscience de nos traumatismes est
important. Et peut nous aider à vivre.
Certaines pratiques rejoignent nos origines. Ainsi
celle consistant à la maternité, à la naissance, à déposer le
nouveau né sur le ventre nu de sa mère.
La conscience du singe vit toujours en chacun de
nous. Et nous souffrons de ne pas la reconnaître et comprendre.
Ainsi, si nous avons envie de voir nu un homme ou une femme, d'être
nu devant cet homme ou cette femme, de prendre cet homme ou cette
femme dans nos bras, de dormir avec, de l'embrasser y compris sur la
bouche, le lécher, nous allons en déduire que nous voulons "faire
l'amour" avec lui ou elle. Alors qu'en fait nous avons juste
envie de ces diverses choses et c'est tout. Elles correspondent à la
nudité simiesque, aux câlins, à la promiscuité, au toilettage
singes qui vivent toujours en nous. Et ne conduisent pas du tout
nécessairement au désir authentique de coït.
Je me souviens avoir entendu à la faculté au début
des années 1970 trois jeunes hommes parlant d'une jeune femme et
évoquant le fait qu'elle n'était pas là parce qu'occupée sans
doute à baiser. Un de ces jeunes hommes, approuvé par les deux
autres disaient : "de toutes façons, ça ne fait jamais de
mal". Sans me l'expliquer pourquoi, je ne ressentais pas les
choses pareillement. C'est seulement dernièrement que j'ai compris
l'origine singe et le contenu de mon désaccord. En fait, le jeune
homme qui parlait ainsi avait complétement tort. Baiser quand on
n'en a pas vraiment authentiquement envie fait beaucoup de tort,
égare et détruit les relations. Le ou la partenaire avec qui on
baise à la suite d'un raisonnement et pas d'un authentique désir,
fini par apparaitre incompréhensiblement insupportable. C'est là
aussi pourquoi on dit que l'amour, au début c'est toujours
bien et souvent plus après. On le gâche sans le savoir en ne
suivant pas sa conscience de singe et en faisant l'homme. Qui croit
que baiser tout le temps et avec le plus de partenaires est le sommet
de la vie. Alors que ce n'en est qu'une pauvre et misérable
caricature. Un délire d'ignorant et d'imbécile qui suit stupidement
le discours de la pensée unique et de la morale débile dominante.
Morale dont une origine possible est ici la volonté
des chefs d'avoir les populations les plus grandes possible sous
leurs ordres pour mieux conquérir, se préserver. Bref, faire la
guerre.
Entretenant la dévastation générale du domaine
amoureux, de nombreux ignorants des deux sexes sortiront des phrases
du genre : « l'appétit vient en mangeant » pour
justifier l'idée erronée de baiser sans vrai désir. A quoi
s'ajouteront d'autres lieux communs du genre : « il faut
profiter de sa jeunesse », « de la vie », etc.
Quand on voit ce que ces ignorants deviennent avec
l'âge, aigris et haineux de la jeunesse dont ils ne font plus
partie, on peut se demander en quoi ils ont « profité de
la vie ». Ou alors, si c'est ça, profiter de la vie. Et ce à
quoi ça abouti, c'est bien triste. Heureusement la vérité est
ailleurs. Et elle est magnifique. Et bien plus abordable et proche
que la bêtise séduisante régnante. Il est tellement plus simple de
s'écouter quand c'est possible. Et c'est très souvent possible. A
condition d'en avoir la volonté et la conscience. Et fuir la
fréquentation de ceux ou celles qui ne vous respectent pas.
Mais l'ignorance de notre nature singe, le refus de
la voir, l'écouter, conduit tous les jours à des désastres. Ainsi,
je regardais l'autre jour la photo d'une très jolie très jeune
fille. Elle est avide de tendresse et d'amour. Et se fait très belle
et attirante. Et songeais que quantité d'hommes qui vont l'approcher
auront l'idée fixe de la baiser, la « posséder »...
Alors que le respect de soi et l'autre commanderait d'écouter le
cœur de cette très jeune fille qui demande des caresses, des
bisous, câlins, tendresse. Et aussi du sexe, mais si et seulement si
désir véritable, authentique et réciproque il y a. Mais croyez
vous que c'est ainsi que raisonneront les jeunes hommes éduqués par
la pornographie ? Non, ils feront les imbéciles, feront souffrir
cette jeune fille et, à terme, souffriront eux aussi. Quel gâchis !
On dit d'une brute : « c'est une bête »,
« il se conduit comme un animal ». Non, il se conduit
comme un humain. Le singe, lui, suit son authenticité. Il n'a pas
besoin de séances chez le psychologue et de tranquillisants,
anxiolytiques, anti-dépresseurs, somnifères et drogues diverses
légales ou non. Il n'a pas besoin d'accumuler des milliards d'euros
en affamant des peuples entiers et entretenant des guerres pour se
sentir le « chef ». Il vit sa vie. Et le peu de violence
entre congénères qu'il peut connaître dans la jungle ou la savane
est à cent mille lieux des violences humaines du débarquement en
Normandie.
Comprendre nos traumatismes, leur nature, rend plus
tolérant pour certaines choses. Ainsi, d'un ancien qui ne contrôle
plus ses fonctions naturels et fait sur lui, on pourra cesser de le
qualifier de « pas autonome », « gâteux »,
« n'ayant plus sa tête ». Non, on parlera de retour au
naturel. Il en sera ainsi aussi de l'énurésie chez certains
adultes. Elle ne sera plus considérée comme honteuse. Le monde y
gagnera dans le domaine du respect de tous et de chacun.
Basile, philosophe naïf, Paris le 8 juin 2014
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