Il existe diverses formes de racismes. Racismes se
définissant comme catégorisant certaines personnes comme par
définition inférieures à d'autres, leur niant leur dignité d'être
humain. Les racismes les plus connus se réfèrent au concept de
races, de couleurs de peau. On rencontre aussi des racismes
anti-vieux, anti-jeunes, par exemple. Je voudrais évoquer ici les
racismes anti-gamins, anti-femmes et anti-hommes.
Quand j'avais cinq ans, j'étais, pour la première
et unique fois de ma vie, en vacances dans un centre de vacances
accueillants les familles. Il s'agissait du Centre de vacances UFOVAL
à Lépin-le-Lac, sur le lac d'Aiguebelette, en Savoie. C'était en
1956.
Les enfants étaient pris en charge en groupe, par
des moniteurs. Le directeur du centre et moniteur lui-même
s'appelait Monsieur Vernet. Il y avait trois autres moniteurs. Ils
s'occupaient des enfants : deux dames, une blonde et une brune, et un
homme, visiblement le plus âgé des trois.
Je me souviens parfaitement bien de mon sentiment
concernant ces moniteurs. Deux d'entre eux étaient distants, c'était
les femmes : elles nous traitaient et considéraient comme « des
enfants ». Le troisième, lui, c'était toute autre chose : il
nous considérait comme des individus. Cela, je le ressentais et
l'appréciais. Il nous respectait. Les autres non, nous étions à
leurs yeux quantité négligeable.
Traiter les petits juste comme « des
enfants », c'est témoigner d'un racisme anti-gamins. On n'est
rien, pas grand chose, parce qu'on est « petits ». Et que
peut-on y faire d'être « petits » ? On ne peut pas
décider d'être « grands » ! Résultat : on souffre de
cette situation.
Le moniteur qui nous respectait était en quelque
sorte mon héros. J'aimais cet homme aux yeux duquel je me sentais
exister. Et pas n'être juste qu'une chose dont on s'occupe. Il
acceptait que nous, les enfants, existions. Et ne faisions pas
simplement une sorte de figuration en occupant une place négligeable.
Aujourd'hui, quand un « petit » me
parle, je l'écoute avec attention et cherche à répondre à ce
qu'il me dit. Qu'il ait quatre ou quatorze ans, il mérite d'être
respecté en tant qu'individu. Il n'est pas juste un futur
« adulte ». Un irresponsable qui deviendra
« responsable » le jour de ses dix-huit ans !
Ne pas considérer un gamin comme un être humain,
mais comme un inférieur à l'homme, c'est cela, le racisme
anti-gamins. Respecter un gamin, c'est également reconnaître qu'il
ne sait pas encore tout ce qu'on peut apprendre en vingt, trente,
quarante ou cinquante années de vie.
Quant aux adultes « responsables », il
en est qui font très gamins, sans avoir pour autant l'excuse de la
jeunesse.
Le racisme anti-femme, lui, est institutionnel en
France. Il consiste, par exemple, à payer les femmes, pour le même
travail, en moyenne trente pour cent de moins que les hommes. A leur
refuser de hautes responsabilités, etc. C'est un sujet sur lequel
quantité de choses ont été écrites.
J'ai découvert progressivement un phénomène que
j'avais ignoré durant longtemps : le racisme anti-hommes.
Initialement j’idolâtrais les femmes. Puis,
progressivement, j'ai dû reconnaître qu'elles pouvaient avoir des
défauts, être mauvaises, injustes, méchantes comme peuvent l'être
certains hommes.
Mais, je n'avais pas réalisé jusqu'à présent
l'ampleur du phénomène du racisme anti-hommes dont témoignent de
très nombreuses femmes. Pour ces femmes, nous, les hommes, ne sommes
que des hommes, par définition selon elles, inférieurs à toutes
les femmes. Et nous serions, par définition : grossiers, immoraux,
incapables, agresseurs, etc.
Cette stupide manière d'observer les choses est
l'exact équivalent du racisme anti-femmes dont témoignent un très
grand nombre d'hommes.
J'avais déjà surpris des bribes du racisme
anti-hommes, sans réaliser l'étendue de son développement.
Une femme que je croyais être une amie laissait par
moments échapper des propos où, d'un air entendu, elle exprimait le
fait que je n'étais qu'un homme. Je trouvais ça vexant, sans saisir
en quoi ce propos était en fait la partie visible de l'iceberg. Ce
qui me frappait, c'était le caractère absolu et définitif de son
discours. La certitude que je n'étais bien sûr rien qu'un homme. Je
ne voyais pas en filigrane le reste de la pensée : « et nous,
les femmes, sommes toutes, par définition, quoi que tu fasses,
supérieures à vous ! »
Autre incohérence témoignant de ce racisme
anti-hommes : Sainte Nitouche en temps normal, une autre, que je
croyais être une amie, était par moments ouverte à toutes sortes
de câlins très « chauds ». Puis, se refroidissait au
point d'atteindre le zéro absolu. Et, si j'insistais pour retrouver
des câlins, me sortait que je troublais toujours notre relation en
ramenant ça. Et pourquoi avait-elle cessé subitement les câlins :
« parce que je n'en avais pas eu envie », me
répondit-elle un jour. En résumé, elle avait tout le loisir de
chercher à l'occasion des caresses. Mais si, de mon côté, ça
éveillait alors en moi l'envie de continuer, j'étais forcément un
obsédé, un détraqué, un troubleur d'amitié.
Deux femmes que je connaissais me faisaient part de
leur fidélité respective, l'une à son amant, l'autre à son mari.
Tous les justificatifs habituels venaient conforter ces professions
de foi : amour, mariage, fidélité. « Moi, je n'aime pas
passer ma main là où une autre main est passée. Moi, je ne partage
pas », disait l'une. L'autre vantait son cher et irremplaçable,
unique petit mari.
Et, soudain, un jour, j'étais assis auprès d'elles
au restaurant, quand j'ai assisté à un tableau étrange et
inattendu. Nos deux fidèles amoureuses commencent à se parler en
oubliant que je suis là. J'ai alors l'impression très nette de me
retrouver auprès de deux inconnues que je n'ai jamais rencontré.
Elles parlent toutes deux d'un air entendu d'un célèbre acteur de
cinéma. Et tout le discours sur la fidélité se volatilise.
J'entends deux dames dirent entre elles : « c'est sûr, s'il
vient à la maison, je ne couche pas dans la baignoire ! » et
le reste à l'avenant, témoignant de manière évidente que leur
habituel discours sur la fidélité est exclusivement une façade
sociale. Un discours des apparences pour paraître une personne
respectable et inaccessible. Un discours auquel ces discoureuses
n'ont visiblement jamais cru le premier mot. Elles le balancent tous
les jours à la figure des hommes. Et « entre femmes » et
amies, se racontent toute autre chose. Et ont manifestement
l'habitude de cette totale hypocrisie.
J'ai relevé alors cette métamorphose surprenante
sans en tirer une analyse particulière.
Une de ces deux dames, comme j'ai pu le constater,
m'autorisait à la caresser à l'occasion, mais selon ses limites
territoriales corporelles définies : en dessus de la ceinture, pas
en dessous, car, disait-elle : « je ne suis pas ta maîtresse ».
Troublante incohérence où on se retrouve en fait le jouet sexuel de
l'autre. Il vous utilise. Vous autorise ou vous interdit selon son
bon plaisir. Et, chose à relever, comme d'autres femmes que j'ai pu
connaître, accepte de recevoir des caresses, mais n'en donne aucune
en échange. Tout ceci avec des prétextes fallacieux tels que : « tu
ne réagis pas suffisamment, j'ai l'impression de ne rien faire ».
L'homme n'est pas qu'un jouet sexuel pour les femmes
racistes anti-hommes : c'est un jouet tout court. Une femme de santé
déficiente restant au lit toute la journée, me disait : « je
ne me lève pas pour toi, car tu fais partie de mon histoire ».
Qu'est-ce que ça signifiait ? C'était juste un propos absurde qui
prétendait justifier un comportement pénible à supporter par moi.
Dans un domaine salace et plus intime, je me
souviens d'une femme qui me disait, il y a bientôt quarante ans :
« je ne peux pas te faire de fellation, car j'ai tout le temps
le nez bouché, et si je t'en fais une, j'étouffe ! ». Et moi,
grand naïf, j'acceptais l'argumentation.
En fait, pour la femme raciste anti-hommes, l'homme
est là à son service, pour la servir. Exactement comme le macho
considère la femme, la femme raciste anti-hommes va considérer
l'homme. Il est juste pour elle une chose, un mobilier, un objet
soumis qui agrémente sa vie. Et qu'on jette le moment-venu.
J'ai été ce jouet soumis et imbécile durant un
très grand nombre d'années. Mais, à présent, le jouet s'est
réveillé. Il ne servira plus de jouet et va réagir devant les
prétentions abusives qu'il pourra rencontrer et qui chercheront à
le ramener à sa condition d'objet ludique.
Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se
casse. J'étais la cruche. Elle a fini par se casser. Et un homme est
né. Prêt à rejeter de sa vie celles qui lui manquaient de respect
et se foutaient de sa gueule depuis toujours. Ce qui ne signifie
nullement que je deviens macho méprisant les femmes ! Bien au
contraire ! Et comment que je respecte, apprécie et admire les
femmes et jeunes filles au comportement digne, respectueux et
responsable. Refusant d'être maltraitées par les machos et de
maltraiter les hommes de manière symétrique.
La cruche s'est cassée quand j'ai fini par
rencontrer le sommet caricatural du racisme anti-hommes : la violence
physique gratuite de la part d'une raciste anti-hommes qui m'a ouvert
les yeux bien involontairement de sa part.
Quand on n'a rien fait de spécial à quelqu'un,
qu'il vous regarde avec haine, vous insulte, hurle sur vous et vous
frappe sans aucune raison visible, on ne peut que se poser des
questions. Quel peut être la source de cet étrange comportement ?
C'est là que j'ai enfin compris et rattaché
ensemble les fragments du puzzle que j'avais déjà rencontré. Je
savais depuis une éternité qu'il existe des hommes méprisant les
femmes. Il m'a été plus difficile d'arriver à réaliser que
l'exact comportement symétrique existe. A présent cela m'apparaît
comme une éclatante évidence.
L'existence des racistes anti-gamins, anti-femmes et
anti-hommes expliquent quantité de phénomènes relationnels
surgissant dans la société. Où nous essayons avec difficultés de
vivre quand nous ne sommes pas membre d'un de ces groupes hélas
dominants.
J'aurais l'occasion de revenir sur ces phénomènes
racistes très intéressants à analyser et étudier. Ce sera le cas
dans des textes à venir tels « La fermeture du bureau des
délices » et « La femme aux briquets Dupont ».
Basile, philosophe naïf, Paris le 28 mai 2014
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