Avancée du Front
National et recul du Front de Gauche sont deux points frappants du
scrutin des Européennes de ce dimanche 25 mai 2014. Les explications
sont simples.
Depuis des mois, parlant
avec des militants très hostiles au Front National et se définissant
« à gauche », je leur faisait remarquer : « pourquoi
déroulez-vous un tapis rouge devant Marine Le Pen ? »
De quel tapis rouge
s'agissait-il ? De celui de l'Europe et l'euro : tout le monde voit
clairement que l'Europe et l'euro sont une quintessence de merde. A
part des hypocrites, idiots ou démagogues, on voit bien que c'est
depuis l'arrivée de l'euro que les prix dansent et les petits revenus stagnent. Et
que c'est au nom de l'Europe qu'on fout en l'air tout ce qui marche
bien dans les pays européens, dont la France. Pour remplacer ce qui
marche par de la merde libérale.
Alors, la conclusion est
évidente : « l'Europe à la poubelle et l'euro avec ! »
Comme je le dis ironiquement à des Italiens, quand j'en croise, et qui sont d'accord :
« Per l'Europa e l'euro
abbiamo due possibilità, alla scelta : o la patumiera, o la
spazzatura. »
Ce qui signifie :
Pour l'Europe et l'euro,
nous avons deux possibilités : au choix la « patumiera »
ou la « spazzattura ».
En italien, « patumiera »
et « spazzatura » sont deux synonymes usuels qui
signifient la même chose : la poubelle.
Mais, quand je dis la
même chose à des militants français anti Front National et déclarés « de
gauche », là c'est la panique.
Ils s'accrochent à
l'euro et l'Europe comme à des fétiches inestimables.
Pour l'euro, ils ont peur
: « ah, mais si on sort de l'euro, ça n'arrangera pas
forcément les choses, il vaut mieux le garder ».
Et, pour l'Europe, voilà
la formule magique : « il faut une Europe sociale ! »
Mais, en attendant, des
millions de gens, eux, voient que l'euro est arrivé avec la valse
des prix et le blocage des salaires, pensions, allocations et
retraites. Et que l'Europe, c'est la merde.
Et voilà nos chers
militants anti Front National et déclarés « de gauche »
qui s'accrochent désespérément à ce mot en six lettres synonyme
d'un autre en cinq lettres : Europe.
A croire qu'à force de
l'avoir entendu seriner depuis des décennies sur tous les tons, ils
ne peuvent pas se passer du sac à merde européen, parce que quoi ?
Parce que c'est « l'Europe ».
Bel exemple
d'obnubilation.
Marine Le Pen et ses
amis, eux, de leur côté, ont très bien compris quel usage on
pouvait faire du dégoût de l'euro et l'Europe. Pour capter les voix
des mécontents, ils disent : « à bas l'euro et l'Europe ».
A part eux, qui dit la
même chose ? Peu de monde parmi les organisations politiques
françaises.
Quand l'électeur moyen,
qui n'a pas d'opinion trop précise pour se situer sur l'échiquier
politique va voter, il vote pour celui qui répercute son dégoût de
l'Europe et l'euro.
Cette manière de faire
pour capter les suffrages indépendamment de toutes orientations
réelles a déjà été employé en 1917 en Russie.
Quand les libéraux et la
gauche modérée de l'époque se sont emparés du pouvoir en février
1917 en Russie, c'était la guerre depuis août 1914. Et les Russes
en avaient marre de la guerre.
Le nouveau pouvoir russe
a repris la politique tsariste et continuait la guerre. Les
bolchéviks, eux, ont déclaré que la paix devait se faire tout de
suite. Les soldats russes désertaient du front ? Ils les
encourageaient à le faire.
Le front s'est effondré
cependant que les masses populaires ralliaient les bolchéviks.
Une fois ces derniers au
pouvoir, la politique de paix à tous prix fut poursuivie avec
difficulté.
Négociant avec les
Empires centraux, les bolchéviks au pouvoir se virent exiger des
contreparties gigantesques. On voulait leur prendre l'Ukraine !
Si les bolchéviks
acceptaient, ils devenaient des traîtres. Alors, très futés, ils
quittèrent les négociations sans rien signer, déclarant un état
inédit pour le conflit en court : « ni paix, ni guerre ».
Les Allemands foncèrent.
Et, alors, les bolchéviks revinrent signer tout ce qu'on leur
demandait, déclarant qu'ils avaient démontrés qu'on les avait
ainsi forcé à céder.
La politique de « paix
à tout prix » et l'encouragement à la désertion du front
était pure démagogie. Mais, captant la sympathie du peuple dégouté
du conflit, elle avait permis la prise du pouvoir.
Par la suite, les
bolchéviks firent la guerre, et comment.
Et gardèrent le pouvoir.
Aujourd'hui avec l'euro
et l'Europe, le Front National utilise la même recette : la masse
des gens ne veut plus de l'euro et l'Europe ? Il suit le mouvement
et engrange des voix.
Cependant que d'autres
restent englués dans le discours de l'Europe sociale, l'amélioration
de l'Europe, etc. Mais, pourquoi ne pas parler alors de l'Humanité
sociale toute entière ? Pourquoi l'Europe seulement ? Parce qu'ils
sont englués dedans.
Pour les adversaires de
gauche de la politique européenne, pour profiter du mécontentement anti-euro et anti-Europe, il suffirait de dire publiquement
: « à bas l'euro, à bas l'Europe ! » Et se dire dans sa
tête que : pour le reste, on verra plus tard. Comme on fait les
bolchéviks avec la paix en 1917. Ils ont suivi le mouvement et l'ont
encouragé, pris le pouvoir, et avisé ensuite.
L'essentiel étant pour
eux la prise du pouvoir.
S'agissant du recul du
Front de Gauche, un élément a aussi joué : dans beaucoup de
grandes villes dont Paris, à l'occasion des élections municipales,
le Parti Communiste s'est allié au Parti Socialiste contre le Parti de Gauche. Puis, pour les
Européennes, a retrouvé le Parti de Gauche contre le Parti Socialiste.
Un militant parisien du
Parti Communiste que j'ai rencontré au moment de la campagne pour
les municipales, m'a dit à ce sujet : « à Paris, nous avons
eu raison de nous allier avec le Parti Socialiste. Les élus, c'est
important ! Sinon, on perd de l'argent ! »
Les électeurs ont vu de
leur côté le Parti Communiste allié au Parti Socialiste aux
élections municipales dans quantité de grandes villes dont Paris,
et ensuite opposé au Parti Socialiste aux Européennes. Ce n'est pas
très clair pour un électeur qui n'a pas sa carte ou sa sympathie
pour le Parti Communiste et pense comme ce militant.
Ce manque de clarté a
certainement contribué au recul du Front de Gauche aux Européennes.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 26 mai 2014
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