mardi 19 novembre 2013

166 Les trois piliers de la société humaine : la corruption, la violence et le conditionnement

A sa naissance, l'être humain est un pur singe. Quels sont les moyens qui vont le forcer à s'humaniser. C'est-à-dire, d'une certaine façon à se dégrader. Passant de l'état d'animal libre à celui d'animal soumis et contrarié par des lois. Qu'il n'a pas choisi. Et que le plus souvent il ne comprend pas ou guère ?

On peut distinguer trois moyens : la corruption, la violence et le conditionnement. Les mêmes servent à l'homme pour dominer ses animaux esclaves, « dressés » ou « domestiqués ».

Le premier moyen pour soumettre l'animal humain est la corruption. Voilà un animal humain qui se sent en forme en se levant à neuf heures du matin. Dont la passion est la peinture. Et qui a quantité d'amis. Pourtant, six jours sur sept, il se lève à six heures pour balayer et sortir des poubelles. Ce qui l'ennuie, en compagnie de personnes qui ne l'intéressent pas. Pourquoi ? Parce qu'il s'agit d'un « travail ». Il renonce à ses activités et amis aimés. En se levant à six heures six jours sur sept et restant crevé toute la journée et même le jour en fin de semaine où il ne « travaille » pas. En échange de ça, on lui vend des bons de nourriture à prix réduit, appelés « tickets de cantine ». Et aussi, chaque mois, il reçoit un peu d'argent pour acheter un minimum de choses.

Le deuxième moyen utilisé pour dévoyer du chemin de l'authenticité et la liberté l'animal humain est la violence. S'il refuse de travailler on le licencie. Il perd son salaire. N'a plus aucun revenu régulier pour subvenir à ses besoins. Notamment payer son loyer ou ses charges s'il est propriétaire. Résultat, on l'expulse. Il se retrouve à la rue. Il est marginalisé. Rejeté par la société qui l'entoure. L'alcoolisme, la dépression, le suicide le guettent. C'est la règle dans la plupart des pays du monde.

Le troisième moyen, plus subtil, pour obliger l'animal humain à se trahir est le conditionnement.

S'il travaille, lui a-t-on répété un milliard de fois dans la société, dans sa famille et à l'école, c'est parce que « tout le monde travaille ». « C'est normal de travailler ». « C'est bien de travailler ». « Si on ne travaille pas, on est un feignant, un parasite, on profite des autres, » etc. Et ceux qui travaillent sont « courageux », « nourrissent leurs enfants », « sont nobles, utiles à la société », etc.

Tous ces alibis sont bien jolis. Mais la plupart du temps, l'unique raison qui amène à travailler est tout simplement l'argent. La peur panique d'en manquer juste pour soi et strictement rien d'autre.

Il y a des tas de gens qui ne travaillent pas : les petits enfants, les vieillards retraités, les malades, les invalides, les malins débrouillards. Et les riches, quand ils n'ont pas envie de travailler. Parmi les malins débrouillards, on trouve, par exemple, tout un tas de personnes très grassement payées, assumant soi-disant de très hautes responsabilités. Et en fait touchant leur paie à ne rien faire. J'en ai rencontré plusieurs. Mais, bien sûr, je n'en dirais pas plus. Ce serait de la diffamation.

L'importance primordiale de ces trois moyens : la corruption, la violence et le conditionnement, expliquent quantité d'aspects perturbés de la société humaine.

Car, tout ce qui tend à échapper par nature à la corruption, la violence et le conditionnement est impitoyablement pourchassé.

Le sexe à l'état naturel est au nombre des victimes de cette chasse. L'amour « physique », comme on dit, ne se compare pas avec la prostitution. C'est comme comparer un banquet entre amis avec un repas au restaurant pris avec des inconnus. Les plats pourront être semblables. La saveur « humaine » de ceux-ci n'aura rien à voir. Tout en banalisant le sexe lucratif, la société cherchera de multiples façons à anéantir la relation entre ceux qui aiment vraiment quand ils s'accouplent.

La seconde victime ici répertoriée, ce sont les câlins. Comme pour le sexe, un câlin sincèrement donné et reçu surpasse la caresse tarifée en émotion et ressenti. Le vrai câlin est désintéressé, gratuit, généreux, égalitaire. Notre société est tout son contraire. Et pour cela le déteste.

L'amour subira un terrible ostracisme dans notre société. Car c'est bien là une chose que personne ne peut acheter. Ni obtenir par la force, ou le conditionnement. L'amour est le grand triomphe du singe humain sur la perversion de la société où il vit. Ou l'amour existe malgré elle. Ou n'existe pas. On a beau faire, toutes les imitations perverties et artificielles de l'amour sont tristes et insipides.

La société pervertie va avoir en horreur la plus innocente et pure des tenues : la nudité. Car elle nous montre tous égaux et bien sexués. Il faudra absolument éviter de regarder l'autre nu. D'être vu nu par lui. Et tout particulièrement certaines parties de l'épiderme devront être dérobées à la vue.

Ou bien, on décrétera qu'il existe une nudité « asexuelle », neutre. C'est ainsi que feront les « naturistes ». Ils auront aussi peur que les femmes, et même les fillettes nues, laissent leurs cuisses écartées en public en telle sorte que leur fente soit visible. Et auront une trouille panique de l'érection publique. Ces deux peurs ne seront pas consignées par écrit, mais transmises oralement.

Une autre perversion de la vision de la nudité consiste à la décréter, par définition, comme se réduisant à un prélude ou postlude au coït, à la masturbation, au cunnilingus ou à la fellation.

La prohibition de la dactilité existe aussi, notamment en France. Elle consiste à condamner l'usage tendre des doigts. Par exemple, pour tenir l'autre par la main. Si ce n'est pas un enfant, un malade, un mourant, votre amant ou votre maitresse, pas touche ! On atteint ici un sommet d'absurdité.

La chose la plus chaleureuse, paisible et rassurante qui soit : dormir ensemble, est abusivement assimilée au coït. « Coucher avec », « dormir avec », signifie « baiser avec ». J'ai entendu un jour une dame indignée raconter qu'une de ses amies dormait avec un fils âgé de treize ans. Vu l'âge, selon elle, ça ne pouvait être que de l'inceste ! Son interlocutrice approuvait ces âneries.

Sans parler de la lingualité et du toilettage ! Montrer sa langue est irrévérencieux et réservé aux enfants. Lécher l'autre publiquement, si on est adulte, est forcement « sexuel ». On ne doit pas utiliser sa langue ainsi. Les seules exceptions admises comme « correctes » en société sont, avec la langue : lécher une glace. Ou un cigare, pour le plaisir, et l'humecter avant de le fumer.

Mais lécher un humain, si c'est en public, est un acte parfaitement abominable et indécent.

La société humaine, pour nier le singe, ne craint pas le ridicule. Car, comme chacun sait, le ridicule ne tue pas.

Et des lois pénales sévères, partout dans le monde protègent le ridicule. Qui prétend de ce fait ne plus l'être. Des fois, ces lois confinent au tragique. Dans certains pays, comme l'Iran, voilà deux hommes qui s'embrassent. Ce bisou est passible de mort. Car c'est de l'« homosexualité » !

La langue que nous parlons ou écrivons ignore l'amour vrai et ses subtilités. Et même s'est appauvrit au cours des siècles. Ainsi, par exemple, jadis en France, « être en goguette » signifiait « être en caresses avec une femme ». Aujourd'hui, « être en goguette » signifie faire la fête avec une légère ivresse. Et pour dire « être en caresses avec une femme » il n'existe plus de mot.

Basile, philosophe naïf, Paris le 8 novembre 2013

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