vendredi 22 novembre 2013

172 Protection des mineurs et chagrins d'amour

Il y a une vingtaine d'années, une amie, mère de deux jeunes enfants, évoquait devant moi des affaires récentes d'agressions pédophiles. « Tu te rends compte, me disait-elle, les agresseurs sont justement des personnes auxquelles on devrait faire confiance : prêtres, instituteurs, moniteurs ou directeurs de colonies de vacances. Comment faire alors pour protéger ses enfants ? »

Des millions de parents se trouvent confrontés à ce problème sans solution visible : ils voudraient naturellement mettre leurs enfants totalement à l'abri de toutes éventualités d'agressions sexuelles. Mais comment faire ? Trop mettre en garde les enfants peut les traumatiser. Les surprotéger n'est pas non plus la solution. Et, de toutes façons, tôt ou tard, on ne sera pas toujours là pour protéger ses enfants. Ils s'éloigneront forcément un jour pour vivre leur vie indépendamment.

La réponse à cette crainte, je pense l'avoir trouvé. Une personne qui est beaucoup câlinée sera infiniment moins affectée par une agression sexuelle subie qu'une autre en manque de câlins. En fait, pour protéger quelqu'un des conséquences néfastes d'agressions sexuelles possible, il faut la combler de contacts physiques sains et chaleureux. J'en parlais tout à l'heure avec mon médecin. Il était d'accord. Cette idée ne serait donc pas originale. Mais elle est insuffisamment propagée me semble-t-il. C'est pourquoi il est utile de la répéter ici.

Au nombre des conséquences dramatiques de l'amour contrarié on trouve les « chagrins d'amours ». Il est largement temps de cesser de traiter ceux-ci comme des histoires individuelles relevant du romantisme ou de la poésie. Il s'agit d'un fléau social de très grande envergure. Il amène de terribles souffrances pour des dizaines de millions de personnes chaque année dans le monde et des dizaines de milliers de suicides ou tentatives de suicides. C'est donc un phénomène très grave et à prendre au sérieux.

Dans les services psychiatriques des hôpitaux aboutissent une petite partie des victimes. Traitées par la parole et avec des médicaments qui sont en fait des drogues, on s'efforce de les guérir. Le mal n'est pas traité en tant que « chagrins d'amour », mais qualifiés par ses conséquences : dépressions, tentatives de suicides.

Qu'est-ce objectivement qu'un « chagrin d'amour » ? C'est l'effet d'une violence morale ressentie suite à une contrariété. Il s'agit donc d'un acte de violence invisible. Un coup porté moralement et pas avec une arme ou un poing. Là aussi, la réponse paraît être le renforcement des victimes potentielles par les câlins. Car il s'agit d'une forme particulière de violence sexuelle, différente du viol, mais violence sexuelle quand même.

Pour prévenir les conséquences de violences sexuelles, physiques ou sentimentales, il faut dès l'enfance et tout au cours de leur vie généreusement câliner les personnes menacées.

Il est facile de remarquer que nous ne sommes pas à égalité face aux menaces de souffrances amoureuses. Celui ou celle qui a manqué de câlins réagit infiniment plus à un désappointement amoureux que celui ou celle qui a été comblé de câlins. Je me souviens avoir rencontré une personne tellement bien immunisée contre la souffrance amoureuse causée par une déception, qu'elle n'arrivait pas à comprendre de quoi il s'agissait exactement. Et, un jour, dans le bus à Paris, j'ai surpris une conversation entre deux jeunes femmes. L'une d'elle, surprise et désappointée rapportait qu'ayant repoussé un soupirant, celui-ci avait acquiescé et pas insisté, ni paru chagrin : « tu te rends compte ? disait-elle, et après ? Rien ! » Je pense pour ma part que ce jeune homme avait beaucoup de chances comparé à ceux qui souffrent de chagrins d'amour durant des années !

Basile, philosophe naïf, Paris le 22 novembre 2013

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