mardi 19 novembre 2013

168 Une quête sans fin ?

Une femme qui a beaucoup fait la bringue dans sa vie, arrivée à la cinquantaine, écrit dans ses mémoires : « Après toutes ces années, je suis toujours en perpétuelle recherche d'amour. Je l'ai connu, entrevu, découvert, j'ai entrouvert sa porte (en fait elle était grande ouverte, et je ne l'avais pas vu). »

Pourquoi n'arrive-t-on pas le plus souvent à rencontrer l'amour ? Ou a « le conserver » quand on le rencontre ? Parce qu'on ne le cherche pas où il est. On ne le cherche pas comme il faut. Et quand l'ayant découvert, on cherche à s'en rapprocher, en fait on s'en éloigne.

Je connais un homme qui vit un magnifique amour sans vraiment le savoir. Et un autre qui, ayant rencontré l'amour, s'en est éloigné. Et l'a perdu en croyant s'en rapprocher.

Qu'est-ce que l'amour ? C'est l'état naturel des relations entre les humains. Celles-ci sont dans notre société extrêmement perturbées. Et de ce fait se détournent souvent de l'amour.

Regardez par exemple la rue parisienne le matin vers huit heures. Elle est parcourue par des gens qui se hâtent loin de chez eux, de leurs familles, de ceux qu'ils aiment. Et ne reverront pas avant le soir. Pourquoi ? Parce qu'ils vont travailler. Et pour cela ils renoncent à rester auprès de ceux qu'ils aiment. Le travail fait partie des activités contraires à l'amour. Ce n'est pas un hasard si les vacances sont réputées être propices à la naissance de ce sentiment.

Deux êtres s'aiment. Tout le monde croient qu'ils sont amants. Ça les fait bien rire. Et puis, un jour, ils se font des câlins plus intimes que de simples bises. Et alors, croyant se rapprocher, ils vont s'éloigner.

Car ils se disent : « à présent nous sommes un couple ». Ils blaguent à propos de la quête enfin aboutie pour trouver « le prince charmant », mais y croient quand même. Les amis applaudissent.

Ces deux jeunes gens étaient libres, sincères, spontanés. Ils vont cesser de l'être. Renoncer à vivre l'instant présent. Et se conformeront dorénavant à des règles, des échelles de valeurs, des approbations extérieures, des scénarios qui ne sont pas eux. C'est une histoire classique.

Au lieu de suivre leurs envies, leurs désirs, les deux « amoureux » entreprendront de faire ce qu'ils pensent devoir faire en de telles circonstances. Lui voudra un logement commun. Elle non, mais cédera sans faire part de ses doutes. Ils aiment les câlins ? A présent, il faut « faire l'amour ». Même s'ils n'en ont pas envie. Il faudra de toutes façons s'y mettre pour les enfants. Alors on suit le mode d'emploi de l'amour. Les recettes du « bonheur » et on oublie l'essentiel : la spontanéité du cœur.

L'oubli est progressif. Il faudra plusieurs années pour que, par petits accrocs successifs, la toile relationnelle finisse par se rompre. Et sans savoir pourquoi, on passera finalement de la romance à la marche funèbre, de la jouissance à la souffrance et la séparation.

Ce malheur est aggravé, renforcé par une catastrophe sémantique : l'expression « faire l'amour ». Jadis « faire l'amour » signifiait « faire la cour ». Aujourd'hui cela signifie à tort baiser. Car cela sous-entend que l'amour n'est pas un sentiment, mais une chose à réaliser, à caractère sexuel. Pour aimer vraiment il faudrait « faire l'amour » ! Donc, on ne peut pas aimer si cet acte n'est pas à l'ordre du jour. Alors que l'amour est un sentiment libre et sans contraintes. L'oiseau merveilleux de l'amour cesse de voler et meurt pris dans le filet des mots de la société. Il faut les fuir, s'échapper !!

Basile, philosophe naïf, Paris le 19 novembre 2013

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