jeudi 29 mars 2018

922 Au delà du toucher : l'homme disloqué, la femme niée

Dans notre société, le toucher entre adultes est ritualisé, prohibé, rendu suspect. Si j'effleure un inconnu dans le métro parisien, je dois m'excuser tout de suite, sinon je risque de passer pour mal élevé, louche, voire carrément criminel sexuel. Pas question de passer la main dans les cheveux d'un sympathique inconnu ou une sympathique inconnue. Ce geste serait très mal perçu. L'interdiction du toucher entre les humains adultes est étendue aux objets. Ne caressez pas la valise ou le chapeau d'un inconnu, qu'il a posé sur la table d'un café, par exemple. Vous passeriez pour un malade, un fou ou un voleur. En revanche, un chat ou un chien inconnu, un cheval ou un âne inconnu, même si c'est votre première rencontre avec, vous pouvez le caresser. Moralité : vous êtes plus proche d'un chat, un chien ou un cheval ou un âne inconnu que d'un homme, une femme ou un enfant inconnu. Est-ce bien normal ? D'où vient et comment s'exprime ce dérangement ?

Le toucher entre humains adultes est assimilé à l'appel au coït. Et l'appel au coït à l'obligation de baiser. Les hommes surtout, plus que les femmes, semblent parfois ne penser qu'à ça vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours par semaine et douze mois par an. D'où vient cette obsession ? Est-elle naturelle ? Et sinon depuis combien de temps et comment s'exprime cette obsession ?

Les chercheurs ont retrouvé les traces de l'apparition de l'élevage. C'était il y a vingt mille ans. Les humains connaissaient donc dès ce temps-là le possible pouvoir fécondant de l'acte sexuel. Ils connaissaient la durée de la gestation féminine ou animale. En revanche les humains ne comprenaient autant dire rien à l'ovulation. C'est seulement vers 1845 que deux humains, les médecins français Félix-Archimède Pouchet et Charles Négrier, ont décrit pour la première fois le mécanisme de l'ovulation féminine ou animale. Il s'est donc passé au moins vingt mille ans durant lesquelles les hommes ont connut ignorance et stupidité concernant l'ovulation. Et d'abord ont pensé que la femme était un récipient passif, une sorte de terre vivante recevant la semence humaine masculine active. L'homme a cru durant au moins vingt mille ans qu'il était le seul acteur actif de la reproduction humaine. Cette absurdité lui a valut de tomber dans l'obsession coïtal et le mépris des femmes. L'homme divisé, disloqué, la femme niée, tel a été le prix de ces au moins deux cent siècles d'ignorance. C'est là l'origine du machisme et des violences faites aux femmes.

Depuis Pouchet et Négrier l'Humanité ne s'est pas corrigée. Harcèlement sexuel, violences diverses sont toujours là. Les hommes confondant très fréquemment la masturbation masculine dans un orifice naturel d'un autre avec le fait de « faire l'amour ». Pour faire l'amour, il faut un désir authentique et réciproque. Ce n'est la plupart du temps pas le cas quand survient la conjonction sexuelle de deux humains.

Reconnaître effectivement à la femme son rôle actif dans la reproduction et sa dignité sera le premier pas pour entrer enfin dans la Civilisation. Tant que la maltraitance des femmes par les hommes durera aucune paix ne sera possible. Le conflit immémorial entre l'homme ignorant et la femme opprimée par lui s'exprime notamment dans le très étrange traitement du toucher. Si le toucher se libère, par exemple dans la danse en couple, les égouts de la conscience humaine ont tendance à remonter à la surface de la conscience individuelle. Ça peut être très violent. Cette prise de conscience de certaines choses bloquées surgissant dans la conscience de l'être humain engagé bien malgré lui dans le conflit antique entre l'ensemble des hommes avec l'ensemble des femmes.

La libération même partielle et ritualisée du toucher dans la danse en couple tend à ôter le bandeau de l'inconscience des yeux et de la perception générale de l'être humain. Ce travail sur soi par le toucher est plus direct et ciblé que tous les discours verbaux et n'a pas les effets secondaires des drogues pharmaceutiques qui assomment le malaise et le malade avec.

Basile, philosophe naïf, Paris le 29 mars 2018

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