Une lectrice de mon blog
me faisait part des dérangements que lui causaient la lecture de
certains passages de mon blog. Élevée dans une morale
traditionnelle elle avait vécu et vit toujours harmonieusement et
heureuse dans son cadre familial. De son bonheur je ne peux que me
féliciter. Mais mon blog ne prétend pas traiter d'un cas précis,
le sien ou quelqu'un d'autre, mais de la situation générale que
j'ai vécu, vis et vois vivre autour de moi. Il est fréquemment
répondu à ceux qui vivent mal en particulier en amour, que ce sont
là des questions personnelles à résoudre individuellement et de
préférence en toute discrétion. Mais quand des problèmes
« personnels » similaires sont vécus par des millions de
gens, il ne s'agit plus de problèmes originaux, mais de l'expression
individuelle de problèmes généraux. Quand je vois une situation
qui m'interpelle, je m'interroge pour savoir en quelle mesure et de
quelle façon elle reflète au niveau individuel un problème
général. Et comment est celui-ci. Et comment pourrions-nous tenter
d'y remédier.
Notre société dans le
domaine amoureux est la cause d'une multitude de suicides ou
tentatives de suicides, violences allant jusqu'au meurtre,
mésententes, tristesses, disputes, troubles les plus divers. Combien
de jeunes gens et jeunes filles qui avaient apparemment « tout
pour être heureux », suite à une contrariété amoureuse
mettent fin à leurs jours ? Et cela sans problèmes graves ou
maladies cachées, simplement après une très quelconque et très
ordinaire déception amoureuse.
On m'a rapporté deux
exemples terribles. Un conducteur du métro de Paris voit quelqu'un
se jeter sous sa rame. Freine, mais lui passe dessus. Se précipite
pour voir et aperçoit une jeune fille écrasée sous les roues qui
s'exclame : « pourquoi j'ai fait ça ? pourquoi j'ai fait ça
? » et meurt. Le conducteur a dut ensuite être emmené à
l'hôpital. Deux jeunes employés du métro bavardaient il y a
quelques années dans une rame. J'ai saisit une bribe de
conversation. Un jeune homme assez choqué racontait qu'il avait été
présent dans une station où une jeune fille de 19 ans s'était
suicidée. On avait extrait le corps, placé dans une sorte de
linceul. Il était à côté et soudain le téléphone portable de la
morte avait sonné glaçant toutes les personnes présentes. Le jeune
homme concluait en disant que ce suicide était certainement dû à
un chagrin d'amour et que c'était classique.
Combien de personnes
souffrent de la solitude ? La compensent avec la présence d'un
animal familier ? Combien d'anciens pour lesquels l'ultime joie
quotidienne en maison de retraite se réduit au goûter ?
Notre société vit sous
la dictature de l'hypothèque sexuelle. Quantité de gestes,
situations, propos, seraient sensés conduire obligatoirement à la
recherche du coït. Résultat, entre autres, cette hypothèque
accroit et renforce l'isolement, le verrouille. Pour éviter les
ennuis, les équivoques, les situations scabreuses, on s'isole. Dans
la rue ou le métro parisiens il est courant de remarquer, si on y
prend garde, que quantité de jolies filles qui se déplacent seules,
ont peur. Car elles vivent quotidiennement un éreintant harcèlement
commis par un troupeau d'imbéciles hallucinés. Un ami artiste
peintre m'a raconté ce qu'il a vu et l'a choqué. Il était resté
de nombreuses heures au jardin du Luxembourg peindre des aquarelles.
Et avait constaté que plusieurs puants crétins faisaient
inlassablement le tour du jardin pour aborder systématiquement et
importuner les jeunes filles assises seules sur un banc ou un siège.
C'était il y a vingt ans. Ça n'a pas changé. Dernièrement une
amie quadragénaire me disait qu'à force d'être harcelée elle
avait renoncé à aller seule au parc des Buttes Chaumont. Paris
reste une ville interdite aux jolies filles seules la nuit de minuit
à quatre heures et demi, cinq heures du matin. Ou alors elles
peuvent se déplacer, mais à leurs risques et périls. Et avec ça
on prétend vivre dans un monde civilisé ? Bien sûr, pour nier
l'insupportable situation chez nous on citera les horreurs
d'ailleurs. Mais l'un n'excuse pas, ni n'annule l'autre.
Il existe même des
hommes qui croient déroger à leur dignité d'homme s'ils n'emmerdent
pas les jolies filles. Quelqu'un me disait il y a trente ans : « Même
si tu n'en as pas envie, il faut chercher à draguer les jolies
femmes, sinon tu les vexe. » Et ce quelqu'un paraissait
intelligent « par ailleurs ».
Pour se donner « bonne
conscience », on dira que les problèmes d'inconduites
masculines avec les femmes sont créés chez nous par des personnes
« qui ne suivent pas la morale. » Mais la société est
un tout. Et les choses les meilleures comme les pires sont liées.
Pour agir positivement il faut identifier les faiblesses dissimulées
dans notre morale.
Notre société vit sous
le règne d'une sexualité dominante, hypertrophiée,
institutionnelle et délirante. Ainsi, par exemple, elle a décrété
qu'être « nu » était « sexuel », allait de
pair et était une invitation au coït. C'est totalement faux et
cette règle dérange plus d'un. Elle a aussi prétendu que les
réactions génitales étaient le prélude au coït, généralisation
qui est la plus grande ânerie égarante qui soit.
Remettre en question les
imbécilités dominantes c'est améliorer nos vies. Et aussi,
peut-être, commencer à trouver le chemin pour résoudre quantité
de douloureux problèmes apparemment sans solutions autres que
théoriques.
C'est pourquoi je
m'attache à des petits faits, apparemment sans grande importance,
qui témoignent des contradictions propres à notre société. Ce qui
fait que ces petits faits rapportés et mon commentaire peuvent
déranger plus que leur importance secondaire formelle. Notre société
française et parisienne a par exemple fait tout un plat de la nudité
publique. Elle n'est pas la seule. Mais voilà que je me déplace de
quelques centaines de kilomètres. Et vois que dans les
grands parcs à Berlin on peut sans problèmes se mettre nu en
public. Et que même certaines
personnes ensuite rentrent chez elles en marchant en ville dans cette
tenue. Sur les plages du nord de l'Allemagne et de la Scandinavie
tout le monde est nu. Alors, comment se fait-il qu'entre deux pays
proches, la France et l'Allemagne, il y ait un tel décalage ? Des
petits malins ont même réussit à trouver et diffuser la photo en
noir et blanc de trois jeunes filles en train de bavarder
tranquillement en tenue adamique. Celle du milieu est devenue depuis
chancelière de la République fédérale d'Allemagne. Il ne semble
pas que la publication de ce cliché ait causé quelque scandale que
ce soit. C'est une scène courante sur les plages d'Allemagne et même
dans les grands jardins publics dans les grandes villes.
Vivre nu est très
agréable et pas seulement en vacances au soleil sur une plage
naturiste au bord de la mer. Quand on en prend l'habitude, on devient
nettement moins frileux. A une époque où quantité de personnes ne
se sentent bien qu'à partir d'une vingtaine de degrés de
température, on se trouve bien à la longue même avec seulement une
dizaine de degrés de température. Cette nudité domestique,
innocente comme celle du nouveau né qui vient de naître, contribue
aussi à faire oublier et se débarrasser du carcan de la sexualité
dominante, hypertrophiée, institutionnelle et délirante. Il est bon
et bien de retrouver la Nature cachée en nous. Ce qui n'interdit pas
de respecter les règles du milieu où l'on vit. Et se présenter aux
autres toujours habillé.
La possibilité
existe-t-elle de l'avènement d'une société humaine idéale
débarrassée de toutes violences et respectueuse de chacun ? Je
souhaite qu'elle soit possible, sans savoir si c'est vraiment le cas.
Ce qui est certain, c'est que tous les projets de sociétés
prétendant d'être « idéales » ne répondent pas à ces
grands problèmes que sont la solitude, le manque d'amour, l'absence
de câlins. Ces projets parlent de tout un tas de choses mais évitent
de parler de ça. Soi-disant qu'il n'y aurait rien à faire de
possible pour améliorer cette situation. Et laissent à chacun le
soin de se débrouiller tout seul. Le résultat ne paraît pas très
convainquant, avec notamment ses nombreux suicidés. C'est pourquoi
il faut chercher et chercher encore à mieux comprendre la condition
humaine et essayer de trouver des solutions pour améliorer celle-ci.
Rien n'est plus grand et plus beau que réduire la souffrance humaine
et assurer un plus grand bonheur au plus grand nombre possible
d'humains.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 2 février 2016
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