mercredi 17 février 2016

515 Analyse « chimique » d'un état de deuil et des moyens d'y répondre

On se sent proche de quelqu'un : ami, mari, épouse, amant, parents, papa, maman, papy, mammy... Quand on les voit, on les entend, on entend parler d'eux en bien, on rencontre des objets, photos, situations, qui nous font penser à eux, on en ressent du plaisir, on est bien. C'est à dire qu'on secrète des endorphines. Mais voilà qu'il y a rupture, séparation d'avec cette ou ces personnes chères. A cause d'une brouille, une maladie, un éloignement géographique, un décès. Alors, on est mal, on souffre, on est « en deuil ». Très exactement on vit une situation de manque de cette drogue naturelle et auto-produite qui nous rendait joyeux. Plus le lien était fort, plus le manque est grand et la souffrance est forte. Il arrive qu'on souhaite mourir pour mettre un terme à cette douleur tant elle paraît insupportable. Quel remède apporter à cette souffrance ? Des endorphines, que quelquefois on donne spontanément à l'être en souffrance qui nous est proche. Des personnes peu câlines, en cas de drames, se jettent dans les bras l'une de l'autre. Elles se font un câlin, à la recherche d'endorphines.

Le deuil peut être aussi causé par la fin d'une situation, un logement, un moment de vie. A l'issue d'une série de représentations, les acteurs d'une pièce de théâtre qui les a réuni sont fréquemment frappés d'un état de tristesse qui est aussi un deuil. Il succède à la dernière représentation.

Si spontanément on va chercher à aider les personnes proches et en deuils avec des câlins, ce sera aussi en les entourant, les écoutant. Mais s'il s'agit d'endorphines, pourquoi ne pas chercher à les quérir directement et consciemment ? Les endorphines sont facilement auto-produites en cas de câlins, caresses, bisous bien reçus. Malheureusement, notre société malade les annexe très souvent à une soi disant « sexualité » impérative. J'embrasse, je caresse, je serre l'autre dans mes bras, je dors avec... ça signifie qu'on doit baiser ensemble ! Méga-ânerie qui élève au rang de « l'amour » un coït décidé artificiellement, arbitrairement, culturellement. Ce n'est pas là la Nature qui parle le plus souvent. Il va s'agir de coïts sans désirs réciproques, authentiques et véritables. Mais, « faire l'amour » sans désir réciproque, authentique et véritable revient à se masturber avec un homme ou une femme. C'est piteux, misérable, et, à terme, source d'incompréhensions, brouilles, séparations.

Si on repensait la relation tactile en tant que thérapie ? S'éloignant du concept imbécile de baise à tous prix et recentrant la caresse, le bisou, l'étreinte dans les bras, le dormir ensemble... dans la réalité ? Telle personne est en deuil, offrons-lui le plaisir de développer les endorphines qui lui permettront de rester debout. Et, progressivement, retrouver son équilibre.

Il y a plus de vingt ans j'avais parlé avec un sapeur-pompier de Paris et lui ai expliqué que je voyais la caresse comme un acte thérapeutique pour soigner les états de chocs causés par des épreuves difficiles. Il m'avait donné raison. Mais avait ajouté que la culture de notre société empêcherait de mettre une telle thérapie en œuvre. Tant les gens sont habitués à ramener systématiquement la baise quand il y a contact tendre et tactile entre humains adultes. Un critique d'art que j'avais rencontré à la même époque m'avait dit la même chose.

Devons-nous baisser les bras devant la bêtise humaine ? Non, il faut savoir la contourner. Que ceux et celles qui comprennent la réalité des câlins s'organisent entre eux et avec des protocoles différents des protocoles étouffants régnants, qui font du geste tendre le plus souvent une agression. Et du toucher un acte littéralement maudit, prohibé dans notre société. J'ai proposé en 2013 le concept de clubs de Free Hugs (n°97 de ce blog). Depuis, la chose est resté à l'état de projet théorique. Il est temps de revoir la question sur un mode pratique. Loin de tous les délires et fadaises qui font du coït le complément impératif et obligatoire de la caresse et du câlin. Il nous faut parvenir à mettre en œuvre de vastes moyens inutilisés pour réduire la souffrance humaine et augmenter la joie de vivre.

Basile, philosophe naïf, Paris le 17 février 2016

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