Les petits enfants dont
l'instinct originel n'a pas encore été autant domestiqué,
désordonné, contrarié par la culture, nous montrent parfois des
aspects naturels que nous avons portés ouvertement durant nos très
jeunes années. Et conservons toujours au fond de nous-mêmes. Depuis
quelques années on a beaucoup entendu parler des phéromones et de
leur rôle en amour. On n'a pas parlé autant du rôle de la
consommation buccale des humeurs de l'autre. Il y a une trentaine
d'années, parlant d'une alors très petite fille, son père me
disait en riant : « chez nous on n'a pas besoin d'aspirateur,
elle se charge de tout et le met dans sa bouche ! » Et,
effectivement, pour découvrir, comprendre, analyser à quoi elle
avait affaire, la jeune fillette rampait par terre et portait tout ce
qu'elle trouvait systématiquement à sa bouche. Plus tard, son petit
frère alors encore presque un bébé léchait avec entrain toutes
les personnes proches, généralement leurs mains. J'ai trouvé
plutôt désagréable le contact de cette langue baveuse auquel j'ai
eu droit. Quand nous grandissons on nous fait perdre ces habitudes
buccales, sauf dans certaines circonstances. Dans le domaine des
câlins amoureux la bouche, les lèvres, la langue interviennent.
Mais, pas seulement là. Il est fréquent de voir des jeunes mères
littéralement « manger » le ventre nu de leur petit bébé
qui hurle de joie. Un certain nombre de personnes ont l'habitude,
sans en faire une perversion, d'embrasser sur la bouche leurs petits
enfants.
Certains blaguent disant que l'amour chez les humains adultes consiste à « mélanger les salives ». Mais si nous nous interrogeons, il est évident qu'avant la généralisation de l'usage de l'eau et puis du savon, les grands singes humains usaient de la langue pour leur toilettage et celui des autres.
Si vous léchez la
surface de la peau de quelqu'un vous en recueillez une sorte d'image
à travers votre muqueuse buccale. Et cette image a fait partie des
moyens de reconnaissance primitifs.
Notre culture a bannit
ces pratiques linguales de reconnaissance et toilettage. Mais
celles-ci ont fait partie durant des millions d'années des usages
humains et nous les portons encore au fond de notre instinct.
Vous aimez une femme ?
Vous allez lui lécher le cou. Ce faisant vous vous attacherez un peu
plus à elle via des substances que vous ingèrerez. C'est une
supposition qui me séduit. Un jour, voulant consoler une amie qui
pleurait, je lui embrasse ses yeux humides et ingère un peu de ses
larmes. J'ai eu l'impression juste après que j'étais un peu
« accroché » à elle. C'était impression a été très
momentanée, mais m'a semblé liée à l'ingestion des larmes.
Il serait intéressant
d'analyser la composition des humeurs et leur effet sur ceux ou
celles qui vont les ingérer. On a évoqué les odeurs naturelles,
avec les phéromones, et leur rôle relationnel. Celui des
« liqueurs » corporelles mériterait d'être pris en
considération également.
Notre société voue un
culte au savon et à son odeur et se méfie des odeurs et liqueurs
naturelles. Lors de la colonisation de l'Indochine française, les
Français se retrouvèrent au contact d'une culture vietnamienne
ancestrale qui admettait les odeurs naturelles. Les colonisateurs
crurent à une calomnie quand ils entendirent les colonisés dirent
que leurs envahisseurs « sentaient le cadavre ». En fait,
chez les Vietnamiens de l'époque, seuls les morts sentaient le
savon, car ils étaient lavés avec du savon !
Dans le domaine des
liqueurs corporelles, on voit régner le discours
classique, fantaisiste et dévastateur qui prétend nous imposer dans certaines
circonstances l'acte sexuel obligatoire. Même quand on ne le désire
pas. L'amour authentique et véritable est plus vaste que cette
caricature.
Basile, philosophe naïf,
Paris le 19 février 2016
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