vendredi 10 octobre 2014

290 Pompe à endomorphine, amour et anesthésie de la peur

L'homme produit de la morphine naturelle, baptisée endomorphine. Comme elle s'élimine naturellement, on a cru qu'elle ne présentait pas de danger. En fait, sa production suivie de son arrêt brusque peut amener une sensation de manque telle qu'elle invite au suicide. J'en ai fait la triste expérience plusieurs fois. Ayant largement gâtisé sur une demoiselle, l'amour se révélant manifestement hors de portée, l'arrêt consécutif de la pompe à endo me poussait au désespoir.

J'ai connu ainsi tout particulièrement une longue période de gâtisme endomorphinique pour une demoiselle. Je me souviens d'avoir passé une soirée au restaurant à Meaux avec elle. Je la regardais et me droguais littéralement. C'était de l'alcoolisme endomorphinique. Se saouler ainsi, est-ce le but de la vie ? Même si c'est très agréable ? Et surtout, où ça mène ? Comment ça fini ? A quel prix ?

Par la suite, ce fut pire. Elle était malade. Ça la rendait insupportable, invivable, ingérable. Et moi, tout content, continuais à actionner ma pompe à endo en me disant : « comme je suis quelqu'un de bien ! Je ne l'abandonne pas parce qu'elle est malade ! Je suis le meilleur ! » Sauf quelques-uns, tout le monde m'encourageait. A la fin, mon amie me fit le cadeau d'une rupture, arrêtant ainsi la casse. Mais l'arrêt signifié à ma pompe à endo m'a mis moralement par terre pour une année et demi.

Ce qui m'a sauvé, c'est que ma pompe à endo ne marchait pas que pour mon amour, mais aussi pour d'autres choses agréables, en premier chef le Carnaval de Paris. Le Carnaval m'a sauvé.

Mais le manque d'Amour... Aaaaah ! L'Amuuuuuuuuuuuuuur !!!

Pour l'indécrottable poète que je suis, j'en revoulais. Comme le chien qui prend de très violents coups de son maître adoré et s'obstine à lui lécher les mains !

Après dix-huit mois de convalescence, me voilà donc prêt à prendre de nouveaux coups Et servir de punching ball aux belles créatures. Arrive le 24 septembre de cette année. Je fais une rencontre.

C'est une jeune et charmante fille que je vois pour la première fois. Et ma pompe à endo s'emballe. Pourquoi pour cette fille et pas pour une autre ? Qu'a-t-elle donc de si « morveilleux » ? C'est comme une vibration à l'unisson avec elle. J'ai déjà connu ça il y a très longtemps, avec ou plutôt pour, une jeune fille de dix-sept ans qui s'appelait Ghislaine. J'avais vingt-deux ans et sortais d'une histoire d'amour douloureuse, ma première déception amoureuse. J'ai rencontré Ghislaine, c'était la sœur d'une amie. Avec Ghislaine, j'ai ressenti une douceur, une harmonie, une beauté, une certitude pour aller vers ELLE. Pourtant, je l'ai très vite rejeté avec une indifférence feinte. Car je venais de me faire emberlificoter dans une « histoire d'amour » amère et fuyais les demoiselles. Au fond de moi je vibrais pour Ghislaine. Elle était même amoureuse de moi. La pauvre, je l'ai repoussé. Et ce fut fini, il y a de cela quarante-et-une années. Par la suite je l'ai regretté. Peut-être sans raison valable et à tort. Car j'ignore au fond ce qui aurait été possible si nous étions allés plus loin.

Je ressens donc pour une nouvelle rencontre cette « vibration Ghislainienne ». Mais enfin, pourquoi pour cette nouvelle rencontre, pour la demoiselle L, et pas pour une autre personne ? Mystère.

Je décide alors de faire confiance à l'amour. Pour l'amour, ignorer plan de vie ou recherche de baise, jalousie possible et anticipée, « fidélité à un fantasme, une idée ». J'ai une expérience à faire. Je la ferai. Mais, il y a des risques d'ennuis graves à se laisser conduire ainsi. J'en sais quelque chose..

J'écris alors un texte pour mon blog, le publie et l'envoie aussi à une amie, qui approuve ma démarche exposée. C'est le texte numéro 279, intitulé : « L'amour surgit quand on ne l'attend pas ».

J'ai vu L dans un café associatif. J'ai très envie de la revoir. Je retourne le soir-même au café. Elle n'est pas là. Mais je suis content, j'ai suivi mon sentiment. Le chien piste celle qui lui foutra des coups de pied. Il est très joyeux. C'est un projet sans issue, complètement fou, mais... soyons fou !

Une semaine doit passer, car L doit revenir le jeudi suivant. Mais, voilà, aïh ! aïh ! aïh ! Chose qui n'était jamais arrivée, la cuisinière du café tombe malade et le café n'ouvre que partiellement et tard l'après-midi durant quelques jours. Il ne sera pas possible de revoir L jeudi, qui vient normalement aider la cuisinière à midi. Pour revoir L, il faudra attendre en tout quinze jours et le jeudi d'après.

Le jeudi d'après arrive. Je réalise que j'ai peur d'aller retrouver L. Crainte de nouvelles catastrophes « amoureuses » ? Tant pis, j'irai. Je veux avancer. Comprendre comment ça marche et où ça mène « l'amour ». Et si possible aller bien, même très bien un jour, j'ignore quand, dans ce domaine.

J'arrive vers midi jeudi, c'était donc hier, au café associatif. Comme ça me paraît loin aujourd'hui ! C'était il y a dix ans au moins ! L n'est pas là. Renseignement pris, elle doit arriver à treize heures.

Treize heures arrive, la voilà ! Je la vois se diriger vers un grand placard servant de penderie. Comme je m'approche, je l'aperçois de dos, le bas de son dos légèrement visible laisse apercevoir l'amorce de la raie des fesses au dessus de sa ceinture... Je la salue. Peu après ai à nouveau mon regard attiré par une portion dénudée de son dos entre le haut de son pantalon et le haut de ses vêtements. Sa peau est belle et fine. J'arrête immédiatement ces divagations de ma pensée. Je n'ai pas envie de m'abandonner à des fantasmes plus ou moins érotiques. Stop ! Ce serait facile de partir dans une sorte de masturbation cérébrale. Rêver à toutes sortes de choses. Je refuse. Il s'agit d'explorer l'amour, pas de m'abrutir avec des fantasmes qui ne servent à rien et font finalement mal.

Je parle avec L. Perçois à nouveau en moi en lui parlant cette vibration ghislainienne : à nouveau la même question sans réponse me vient : « qu'a-t-elle de plus que d'autres que je croise dans la rue ou connais ? » Mystère. Pourquoi les jolies filles que je croise dans la rue ou connais ne suscitent-elles pas en moi cette vibration ? Pourtant, il y en a de très bien, pleine de qualités. Je n'ai pas de réponse.

Ce jeudi-là, je m'en vais assez vite, car j'ai un rendez-vous médical. Un peu plus tard, au sortir de celui-ci, je me demande ce que je vais faire. Retourner la voir ? Je sens de nouveau la peur. Est-ce risqué ? Tant pis, j'y vais ! Je retourne au café associatif. Elle n'est pas là. Elle est déjà partie...

Je prends un café, puis quitte l'établissement et me dirige à pied vers chez moi. En chemin, je vois un homme un peu âgé qui prend des photos de ma rue. J'engage la conversation avec lui. Il m'apprend qu'il prépare une randonnée de retraités dans mon quartier.

Je lui parle du café associatif. Il ne connaît pas. Peut-être son groupe pourrait-il y déjeuner le jour de la randonnée ? Je lui propose de le conduire au café. Nous y allons. Et là, surprise ! L est là.

Nous parlons un peu ensemble. Il se révèle à moi que c'est une gentille fille, pas intéressée du tout spécialement par moi. Ma conversation l'ennuie visiblement. Je lui esquisse un dessin pour illustrer une invitation à un événement qu'elle prépare. Ce dessin, visiblement, ne lui plaît pas particulièrement. Elle l'apprécie verbalement positivement par simple politesse formelle.

Et là, soudain, le charme s'effondre. La grenade dégoupillée se neutralise. La vibration disparaît.

En fait, j'avais peur de la revoir, car je craignais l'arrêt consécutif de ma pompe à endomorphine, l'arrêt des fantasmes sur L. Arrêt qui vient justement de se se produire brusquement à son contact.

Dans l'après-midi, ensuite, je ressens à mon retour chez moi, une petite souffrance. Je suis pleinement conscient que ça n'est que le résultat de l'arrêt de la pompe à endo (PAE) à propos de L.

Je vais combattre ce mal avec le plaisir d'écrire dans Wikipédia. La souffrance passe très vite.

Les endomorphines donnent du plaisir et aussi anesthésient et rendent bête.

La recherche de ce plaisir, cette anesthésie, cette bêtise, explique beaucoup de comportements humains.

Fréquemment, l'homme cherche à enclencher sa pompe à endo ou augmenter la quantité qu'elle émet. Pour trouver son plaisir et l'anesthésie de toutes ses souffrances, y compris la peur. Par exemple, il recherchera l'héroïsme, le sacrifice, dans lesquels il puisera une ample ration d'endo. Mon père m'a fait remarquer que les bonzes qui s'immolaient par le feu au Vietnam avaient un visage serein. Ce que j'explique par la certitude qu'ils avaient de se sacrifier utilement pour leur communauté, par amour pour elle. Ce qui les rendait insensibles aux flammes qui les dévoraient.

Quand j'ai eu un accident de la route le 11 novembre 1978, j'étais très amoureux. J'ai eu le sentiment qu'il fallait alors que je concentre ma pensée sur l'objet de mon amour. Le résultat est que je n'ai pas eu mal. Y compris quand l'interne qui me recousait la figure sous anesthésie local, en s'excusant, a complété sa couture avec deux points hors de la zone insensibilisée. Durant le temps où il m'enfonçait son aiguille, j'ai littéralement crié en pensée le prénom de ma bien aimée. Par la suite, je n'ai pas donné d'explications précises de ma démarche à l'interne. Quand je lui ai dit que je n'avais pas eu mal suite à mon accident. Il m'a simplement dit : « vous avez eu de la chance de ne pas avoir eu mal ». Il avait certainement déjà rencontré des cas d'auto-anesthésie similaires au mien.

Une souffrance classique chez les humains est la terreur de la mort. Le matérialisme insiste sur le fait que seules la matière et la vie périssables existent. Le spiritualisme, lui, affirme qu'il existe autre chose. Les valeurs spirituelles sont intemporelles. Les valeurs matérielles, à l'inverse, sont marquées par le temps. Si on est riche, en mourant, on n'emporte rien. On n'a jamais vu un coffre-fort suivre un enterrement. Cet abandon des richesses matérielles souligne la rupture de fin de vie. Les riches, attachés à leurs bien matériels, ont généralement plus peur de la mort que ceux qui ne possèdent rien, ou pas grand chose.

Les personnes matérialistes qui, en fin de vie, sont entourées d'amour, peuvent, grâce aux endo qu'elles vont s'auto-administrer alors anesthésier leur peur. Cette peur peut s'exacerber chez les riches. Car ils s'attachent à des valeurs matérielles qu'ils savent devoir laisser en mourant.

C'est pourquoi ils vont essayer de transformer ces valeurs matérielles en valeurs spirituelles. L'héritage, qui leur permet de perpétuer leur fortune et la conserver dans la famille au delà de la mort. La tombe monumentale appelée à durer des siècles, comme le Taj Mahal. L'ensevelissement de trésors, comme Toutankhamon, trésors sensés se conserver pour l'éternité dans le tombeau. Ou alors faire le bien, par exemple, comme certains l'ont fait, par le don de la moitié de leur fortune à des œuvres humanitaires. Un milliardaire a choisi de créer une fondation pour gérer son empire, afin de « rester en vie » d'une certaine façon, après sa mort. D'autres riches se sont identifiés à une œuvre qu'ils ont créé et qui se poursuit après leur mort. Comme la comtesse de Lariboisière, qui, par un immense legs en 1851, a assuré la création du grand hôpital parisien qui porte son nom.

La spiritualisation de valeurs matérielles peut aussi servir à des manipulations au service de causes horribles. De toutes manières, il faut se méfier des endo. Leur recherche exacerbée nous conduit dans le mur, à la divagation. L n'est pas pour moi. Il n'y a aucun amour partagé pour moi. Et alors ?

Basile, philosophe naïf, Paris le 10 octobre 2014

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