Me considérant comme
« seul et célibataire », je rencontre des personnes
auxquelles je n'ai rien demandé de ce genre, qui veulent absolument
faire « mon bonheur » malgré moi. Elles souhaitent
m'encoupler et ne s'en cachent pas. Ainsi, une dame très gentille
qui tient un magasin me sortait l'autre jour : « je vous
souhaite de trouver une petite amoureuse ». Une assistante
sociale très bien intentionnée et très compétente me souhaitait
que je puisse parvenir à vivre avec quelqu'un. Dans un groupe de
personnes auquel je participe, deux personnes grossières et
vulgaires n'arrêtent pas, dès que l'occasion se présente à elles,
de faire des allusions sales et grivoises sur une dame avec laquelle
ça les amuserait de me voir « coucher ». Motif : cette
dame leur apparaît vivre seule. Je leur apparaît dans une situation
similaire. Ça les amuserait de nous voir nous ennuyer ensemble
plutôt que séparément. Car, pour ces deux esprits frustes,
jouisseurs et primitifs, hors de la baise à tous prix, point de vie
digne d'être vécue. Et, hors de la plongée dans le slip d'autrui,
point d'histoires bien intéressantes à raconter pour captiver
l'attention des copains.
Il est de bon ton de
vanter « le couple ». Moi-même, durant bien des années
je tombais dedans. Quand, critiquant les dragueurs professionnels,
j'évoquais le fait qu'en prenant de l'âge, ils se retrouveront
seuls. Quand « ils sont malades et ont besoin que quelqu'un
leur fasse une tisane ».
Curieusement, j'ai vu des
dames obstinément célibataires vanter le couple et se féliciter du
mariage des autres. Une dame de ce type m'avouait cependant sa
perplexité un jour. Vantant un mariage auquel elle avait assisté en
province, elle me racontait que, la veille de celui-ci, la fiancée
désemparée, s'était confié à elle: « Mon copain n'arrête
pas de vouloir faire l'amour, et quand on le fait je ne ressens
rien ». Je suppose que ce mariage a fini en divorce, ou pire,
en couple gris et triste.
On vante les avantages,
les plaisirs du couple. Mais si on ne considérait pas que ceux-ci,
mais également les inconvénients ? Je sais, on se marie, selon la
formule consacrée : « pour le meilleur et pour le pire ».
Voilà une formule vite expédiée. Décortiquons-là un peu. Parmi
les gros ennuis binaires, il y a la jalousie. Ne pas pouvoir mettre
un pied devant l'autre, simplement regarder une fille qui passe, sans
se faire emmerder par le dragon de service. J'ai bien connu ça,
quelle horreur.
Et puis, il y a la
mutualisation des ennuis, soucis, préoccupations. On est malade,
quel plaisir que l'autre vous fasse la fameuse tisane ! Mais aussi :
on est malade, l'autre s'en fout. Pire, il vous reproche de ne pas
avoir préparé le dîner. Ou... l'autre est malade, très malade, ça
le rend acariâtre, envahissant, insupportable. Mieux encore,
suicidaire : vous n'osez pas mettre un pied dehors, de peur de
retrouver un cadavre dans le lit conjugal. J'ai connu ça, merci
bien, quelle horreur. On a aussi droit aux ennuis collatéraux :
votre partenaire va plutôt bien, mais a un fils très malade.
Une compagne voulait me
voir abandonner mon logement pour vivre officiellement avec elle.
Elle pouvait aussi ainsi solliciter un logement HLM plus grand, pour
deux personnes. Puis, elle m'a viré de sa vie. « Mais, alors,
je me serai retrouvé où ? À la rue ? » lui ai-je demandé.
« Pas du tout, je t'aurais hébergé quand-même. Tu n'aurais
pas été à la rue », m'a-t-elle répondu. Faut-il la croire ?
En tous cas, sincère ou non, quelques temps après, trouvant son
loyer trop cher, elle a liquidé son logement. Est partie s'établir
loin, en province. Parisien, si j'avais été avec elle, je me serai
retrouvé à la rue quand-même. Il y a aussi les ennuis binaires
indirects. Deux jolies dames que j'ai rencontré ne peuvent imaginer
de relations avec un homme seul que « en couple ».
S'encoupler avec moi ne leur convenant pas, elles ont refusé mon
amitié. Le « couple » les rend impuissantes en amitié.
Si vous voulez vous
marier, faites comme vous voulez. Mais regardez à deux fois avant de
vous lancer ! C'est comme pour adopter un chien ou un chat. Il y a
les avantages... et puis... tout le reste.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 9 octobre 2014
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