lundi 3 décembre 2012

24 Notre-Dame-des-Landes : l'Ayraultport de la Mort

La chouette harfang pond quatre à six œufs par an. En période de disette elle ne nidifie pas. Et si inversement la nourriture est abondante, elle peut pondre jusqu'à quinze œufs ! (Source: http://www.chouettalors.com/harfang.htm) Ces éléments montrent clairement que la sexualité est liée aux conditions générales. Chez la chouette harfang, mais aussi je le pense, chez l'homme.

Il y a fort longtemps, l'homme a découvert que l'ensemble des animaux, dont lui, mourait inévitablement. Chose qui contrariait son instinct de survie et fit naître en lui une peur collante et terrorisante. Le fait d'éprouver à tous âges et tous moments la peur de mourir a mis l'homme dans un état psychologique permanent où il se sent menacé de disparaître. Ce qui génère en lui plusieurs troubles : il nie et rejette tout ce qui lui rappelle son animalité périssable. Les caresses, l'acte sexuel, l'accouchement, l'allaitement, la miction, la défécation et la mort doivent rester cachés. Il en a peur, en est gêné. Les organes génitaux-urinaires, l'anus, la partie du sein qui sert à allaiter, doivent être cachés à la vue, y compris à l'occasion par de microscopiques bouts de tissus baptisés « vêtements de bains ». Le sexe de la femme et l'érection masculine doivent absolument rester cachés.

La Nature, abusée par sa peur, génère chez lui un désir permanent et obsessionnel d'accouplements pour se reproduire et sauvegarder l'espèce. Ce qui amène contradictoirement la recherche frénétique de l'acte sexuel et la dissimulation de celui-ci. De très nombreux mâles humains harcèlent sexuellement les femelles humaines. Le viol est très répandu. Incapables de satisfaire leur recherche permanente d'acte sexuel, les mâles humains se masturbent énormément. Pour cela, ils utilisent une quantité extraordinaire d'images pornographiques, dont plus de la moitié de l'activité d'Internet.

Pour échapper à la mort, l'homme cherche à se créer une identité survivante. Quelques exemples :

Je me disais, au début des années 1980 : « Je suis un poète ». Donc, j'écrivais des poèmes et les diffusais par photocopies. C'était mon activité identitaire. Pourquoi ? Parce que ainsi, cessant d'être simplement moi, périssable, je devenais autre chose, de beaucoup plus abstrait et intemporel : le poète, dont les œuvres mises sur papier dureront bien plus longtemps que la durée de ma vie.

Une dame très sympathique que j'ai connu disposait d'un bon travail, intéressant et bien payé. Un bel appartement spacieux et confortable, des amis et des loisirs enrichissants et gratifiants. Mais, ayant la possibilité de vivre confortablement et sans soucis, elle se noyait dans le travail, sans y être obligée. Pourquoi ? Elle me dit un jour que c'était « pour laisser une trace de son passage sur Terre ». En résumé, la peur de sa propre mort vue comme une disparition totale et absolue se trouvait sublimée par l'excès de travail. Ce qui avait pour double résultat de la fatiguer - quand on est fatigué on pense moins, - et de pouvoir se dire : « ce que je fais élargi ma réalité. Au lieu de n'être que moi, périssable, je suis également le résultat de mon travail, qui me survivra ».

En politique, un élu s'identifie à la création d'un immense aéroport inutile. Il veut à tous prix le voir réalisé. Pourquoi ? Parce qu'il a le sentiment que s'il meurt demain, il se survivra à travers le béton des pistes et les atterrissages d'avions dans un siècle et plus. Son désir absurde d'aéroport à tous prix vient de sa terrible peur de la mort. Son aéroport, c'est l'Ayraultport de la Mort.

La peur de mourir est la source de cette agitation humaine que nous avons baptisé « civilisation ».

La vraie vie c'est avoir foi en l'au-delà, ce qui n'est pas donné à tout le monde. C'est aussi les jeux, le rêve, la liberté, la poésie, la fête et l'amour. Ceux qui s'opposent aujourd'hui à l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes au nom de la vie, représentent la vie, face à l'aéroport, qui représente la mort.

Basile, philosophe naïf, Paris le 28 novembre 2012

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