lundi 3 décembre 2012

14 Un phénomène courant hier et aujourd'hui presque disparu : le « devoir »

Vers la fin des années 1970, j'étais parti régler une facture en souffrance à l'Agence téléphonique de mon quartier, à Paris, près de la Porte de Vanves. Mon chemin a croisé celui d'un imposant et grand vieillard très droit et valide, qui a commencé par se plaindre qu'il avait 90 ans, que ses trois filles étaient mortes et qu'il ne savait plus pourquoi il vivait.

Nous avons fait dans la rue un bout de chemin ensemble. Il a eu l'occasion d'ajouter ceci : « je suis rescapé trois fois de Verdun. Ma génération était formidable ! Elle avait le sens du devoir, mais, que voulez-vous ? on lui a demandé de remettre ça deux fois en vingt ans... »

Il voulait bien sûr parler de la déclaration de guerre en 1939, vingt ans après l'Armistice de 1918.

La notion de devoir, je l'ai connu, elle est très étrange et je voudrais rappeler ici ce que c'était.

Elle consistait en ce que l'on devait faire quelque chose, même si c'était absurde, pénible, dangereux, improductif, visiblement contraire à nos intérêts. Pourquoi donc néanmoins le faire ? Parce que c'était accomplir ainsi son inexplicable « devoir ».

Cela fonctionnait comme un véritable conditionnement qui interdisait de se questionner.

A part en tous cas ailleurs que dans Paris ou dans certains milieux particuliers, cette notion du « devoir » telle qu'elle existait encore dans les années 1960 s'est à présent totalement évaporée. Si on nous dit de faire quelque chose, il faut un justificatif, une explication.

Le « devoir », dans le sens ancien, est presque complètement passé de mode dans notre société. On n'en parle plus. Le sens usuel actuel est infiniment moins contraignant, sauf chez les policiers ou militaires qui doivent obéir à la loi et aux ordres, sans discuter, même au péril de leur vie. Ce genre de devoir impératif n'existe plus ailleurs. Ce qui ne signifie pas que la masse des gens soit plus libre pour autant. Car le « devoir » a bien souvent été remplacé par la manipulation des esprits. Pour s'en convaincre il suffit de lire un journal quotidien ou regarder un journal télévisé, et écouter ensuite la conversation d'une personne sous leur influence. Quand elle est manipulée, elle croit choisir et décider ce que d'autres ont choisi et décidé pour elle et dans leurs intérêts à eux.

Il faut savoir rester nous-mêmes et nous protéger des sirènes extérieures.

Ainsi, j'ignore tous les nombreux appels directs ou indirects à la haine que je rencontre. Je ne les écoute et les lis même pas, ou guère. C'est une question d'hygiène mentale. Quand des intentions sont sales, on évite de marcher dedans avec son cerveau. Et il y a tellement de belles choses et gens dans le monde par ailleurs. Écouter des voix, lire des écrits, voir des images, c'est comme parcourir de beaux jardins où sont disposés des pièges en divers endroits. Pour bien se diriger, il faut savoir ne pas laisser prendre son cœur dans ces pièges. Entendre, lire et voir ce qui nous intéresse vraiment. Et éviter les paroles, écrits ou images qui pourraient parasiter notre pensée.

Et savoir que notre premier devoir est d'être heureux et rendre heureux les autres. Ce qui est la première chose à faire pour se rendre heureux soi-même.

C'est possible et ce ne sont pas d'autres qui nous indiqueront notre chemin, que nous sommes seuls à pouvoir chercher et trouver. Le bonheur, c'est aujourd'hui, tout de suite, pas demain, dans vingt ans, ou après la fin de la « crise » !

Basile, philosophe naïf, Paris le 4 novembre 2012

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