jeudi 16 juillet 2020

1360 La patrouille enchantée - Première version

C'est arrivé
Dans les années quarante
Du siècle dernier.
Une amie
Me l'a raconté.
Une nuit étrange
Etait tombée
Sur de nombreux pays,
Une nuit au sens figuré.
L'Humanité avait été oublié.
Au nom d'idées étranges
Invoquant une pureté imaginaire,
Des gens ordinaires
Devaient se cacher
Pour éviter d'être arrêtés
Sans avoir rien fait
Sinon d'être nés.
Parmi ces gens qui se cachaient
Un vieux Belge se trouvait.
Des amis
L'avaient recueilli
Dans un appartement vide
En face d'un grand parc
De Bruxelles.
Avec interdiction de sortir
Pour éviter le danger
D'être arrêté.
Comment s'appelait cet homme ?
Si on me l'a dit
Je l'ai oublié.
Appelons-le
Abramovicz
Ce qui signifie
« Fils d'Abram ».
Les mois passaient
Dans Bruxelles occupé,
Les saisons succèdaient aux saisons.
Les arbres verdissaient,
Puis leur feuillage changeait de couleur,
Les feuilles tombaient
Et le cycle de la Nature
Reprenait.
Or Abramovicz adorait la Nature.
Et le parc inaccessible
Lui tendait des bras invisibles.
Comme il aurait aimé
Pouvoir s'y promener !
Mais pas moyen de sortir,
Car en cas de danger rencontré
Impossible de fuir.
Mais à force de supporter
L'insupportable
Privation de liberté,
Un jour
N'y tenant plus
Et oubliant le danger
L'homme âgé
Sorti de sa cachette
Pour goûter les senteurs
Du joli parc ombragé.
C'était le printemps ou l'été
Peu importe,
Quel plaisir de pouvoir se promener
Au grand air
Et oublier
La privation de liberté !
Et ce qui devait arriver arriva,
Patatra !
Une patrouille allemande.
Elle était composée
De vieux territoriaux
Ayant fait la Grande Guerre,
Commandés par un officier.
Celui-ci, justement
Apercevant le promeneur
Dépêcha un de ses hommes
Pour le contrôler.
Le vieil Abramovicz voyait
Sa dernière heure arriver !
D'une main mal assurée
Il tendit à l'Allemand casqué
Sa carte d'identité
Qui portait en rouge
Un gros tampon
Signalant son appartenance
A une catégorie de la population
Interdite et activement recherchée.
Avec son nom en prime,
Le fuyard ne risquait pas
D'éviter d'être identifié.
Le vieil allemand a soigneusement étudié
La carte d'identité du vieux juif.
Puis, il a relevé les yeux
Les a planté dans les yeux
Du vieux juif terrorisé.
Et a dit, d'un ton amical
Et inattendu,
D'une voix calme
Et suffisamment faible
Pour ne pas être entendu
Par l'officier
A quelques mètres de là :
« Monsieur Abramovicz
« Ne pensez vous pas
« Qu'il serait temps
« Pour vous
« De rentrer à la maison ?
Il a rendu la pièce d'identité
Au vieux juif
Et d'un pas tranquille
Est parti rejoindre
Le reste de la patrouille.
L'officier tout près n'a rien vu d'autre
Qu'un banal contrôle d'identité.
Ce jour-là
Un vieil Allemand
A sauvé un vieux Belge.
Cette histoire démontre
Qu'il ne faut jamais
Désespérer totalement
De l'Humanité.

Basile
Paris, le 15 juillet 2020

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