samedi 28 mars 2015

360 La panique, l'incompréhension permanente et l'art de regarder les femmes

Dans la culture où j'ai grandi, en France et à Paris, on nous inculque la panique et l'incompréhension permanente vis-à-vis du sexe opposé et finalement de notre sexe aussi et de nous-mêmes finalement. Pourquoi, comment ?

Avec un beau « conte de fées » : un jour, tu rencontreras, tu dois rencontrer, il faut que tu rencontre, il faut et c'est vital et merveilleux de rencontrer « la femme de ta vie ». La femme, quelle femme ? Je ne suis encore qu'un petit garçon ! La femme de ta vie, comme la femme de ton papa, ta maman chérie... mais cette femme sera pour toi, pas pour ton papa... Ah bon ? Le temps passe, le physique change, les poils poussent autour et sur notre sexe, la barbe apparaît, la voix mue... Tu vois, les filles, comme elles sont belles ! Nous susurrent une petite voix parasite intérieure, un petit enregistrement ajouté en nous il y a bien longtemps, une de ces filles est pour toi, elle t'aime, elle t'aimera, prends-là ! Prendre ? Comment ?

Il faut la séduire, la prendre, la posséder, lui mettre ta queue dans son trou correspondant ! Ah bon ? Et la retenir après, la garder, la surveiller, la harceler, l'emmerder, la frapper, la terroriser ! Et se battre !

Mais, je suis très gentil... Tu dois faire ainsi... Tu es UN HOMME !!!

Ce discours, on l'entends omniprésent : il faut trouver LA femme. Et être possessif, odieux, ignoble, violent, jaloux, en un mot DEGUEULASSE !!! Parce qu'on est, on serait.... un HOMME...!

Alors la panique et l'incompréhension s'installent. Il faut A TOUS PRIX chercher, trouver et trouer... la femme. Mais pas n'importe quelle femme, la femme unique, sérieuse et adorée. Celle qui vous fera des enfants et des tisanes bien chaudes quand vous serez malade... Le seul hic : c'est que cette femme n'existe pas. C'est un fantasme, une image qui ne corresponds à aucune réalité. Sauf à des femmes qui « joueront le jeu » et feront semblant d'être la parfaite compagne recherchée... jusqu'à ce qu'elles en auront assez et vous largueront ensuite comme un paquet de linge sale. En attendant c'est la chasse et l'accumulation de déceptions. Comme me disait un ami : « les femmes bien sont pour les autres, elles ne veulent pas de moi ». Le jour où j'ai cru que je devais trouver une compagne, je me suis dit pareil : « celles qui sont bien sont déjà prises, me restent les autres ». Il y en avait une pas mal qui s'intéressait à moi. Elle était très malade. Je me suis dit : « celles qui vont bien sont déjà prises. Me reste alors que, par exemple, celles qui sont malades. Alors, allons-y ! » Et j'ai fait l'amoureux deux années, puis le garde-malade deux années et quatre mois ensuite. Et, quand elle en a eu marre de jouer « l'amoureuse » elle m'a largué avec perte et fracas. Et j'en suis resté tout cassé durant quelque temps, plus d'un an.

Chercher la femme. Mettre sa queue dans le trou pour s'assurer d'elle... Non, ne rien chercher. Et ne pas intellectualiser l'acte sexuel. Il ne se décide pas comme d'aller s'acheter un éclair au chocolat à la boulangerie ou s'inscrire à un cours de piano.

J'ai cessé complètement de « chercher la femme », cette grandiose et invraisemblable et pourtant des plus courantes âneries.

A présent... je vis, tout simplement. Ça fait une impression bizarre au début. Mais on s'y fait. Et c'est très confortable. Fini, la panique et l'incompréhension permanente. Je ne vais plus j'espère et ne veux plus en tous cas m'égarer sur les chemins douteux et périlleux de l'ivresse esthétique, amoureuse ou sociale. Ces trois ivresses sont le produit des endorphines. Est-ce que se bourrer la gueule avec est le but de la vie ? Non !

L'ivresse esthétique consiste à s'obnubiler sur le beau cul, les jolis seins, la belle gueule d'une belle créature et se mettre à se faire un film à son sujet. Il y a quelques mois je commençais à me faire un film sur une jolie jeune fille. Beau sourire, jolis yeux, aimable, gentille, corps parfait... Mais, voilà, je me méfie des films. J'ai décidé de m'offrir une douche froide pour me réveiller de mon film. J'ai pris une photo d'elle, un poème que j'ai écrit sur elle et mis une explication avec. J'ai tout expédié à une amie par mail. Elle a les pieds sur terre et n'hésite pas à dire ce qu'elle pense. Le résultat fut une réponse qui m'a réveillé. Elle m'a déconseillé de communiquer le poème qui pourrait mettre sa réceptrice mal à l'aise. Et a eu une phrase pour résumer la joliesse de la jolie fille : « elle est, tout simplement ». C'est-à-dire que sa beauté enivrante existe indépendamment de moi. Ouf ! J'ai dessaoulé. La jolie jeune fille, je la revois Et vois très bien qu'elle n'en a rien à foutre de moi en particulier. Quand je commençais à fantasmer sur elle, j'étais simplement endorphiniquement ivre.

L'ivresse amoureuse est un stade plus aigu : non seulement on trouve la fille ou le gars beau, mais en plus, c'est quelqu'un de merveilleux, extraordinaire, formidable... on chausse des lunettes roses. C'est encore un tour joué par les endorphines. On croit que quelqu'un est extraordinaire, digne de la plus extrême confiance, va vous faire un bien fou. Et, le jour où il vous fait mal, ça fait très mal. On peut alors facilement se suicider pour trois fois rien. Ou même tuer. Ou encore tuer en se suicidant, comme le font des fois des gens.

Et l'ivresse amoureuse est tant absurde que, quand on est amoureux de quelqu'un qui vous fait horriblement souffrir, pour rien au monde on ne veut le quitter ! On se trouve tous les arguments du monde pour rester avec son bourreau ! On se fait mal avec. Et, le jour où il vous quitte... on est encore plus malheureux !

L'ivresse sociale consiste à calculer l'intérêt d'être avec l'autre et s'attacher à cet aspect institutionnel de la relation.

Foin de l'ivresse ! Je veux vivre à jeun ! C'est plus heureux, juste et sain !

A présent je me méfie du concert des endorphines. Je regarde simplement. Et découvre l'art de regarder les jolies filles.

L'autre jour, il y a peu, je voyais une jolie fille un peu enrobée dans le métro. Je me dis, en voyant sa joliesse combinée à son enrobage adipeux : « ce serait bien agréable si j'avais l'occasion de dormir avec elle ». En effet, dormir avec des filles maigres peut être désagréable. Et j'ai dormi avec une copine de 116 kilos. C'était des plus confortables. Je ne me suis pas dit en voyant la jolie fille un peu enrobée du métro : « j'aimerais la caresser, la voir nue, faire l'amour avec elle. » J'ai simplement pensé au confort possible d'un sommeil à deux et rien d'autre. La fille a du sentir mes pensées in-orthodoxes et peu classiques et m'a regardé d'un air intrigué.

Quand je me suis enfin débarrassé de la salle de projections des fantasmes, mon regard sur les femmes a changé. Je me suis dit alors : « je sens que je pense différemment ».

Et ça continue. Au début ça m'a ébranlé un peu. Je me demandais un peu où j'allais. Si je ne renonçais pas à quelque chose. C'était un peu inconfortable, ce changement. Mais je m'y suis fait. Et finalement suis bien avec.

Hier matin, je regardais une très jolie femme qui, tout en me parlant, changeait la parure d'un grand lit. Elle s'allongeait dessus pour arranger le drap housse, me tournait le dos, se retrouvait ensuite face à moi, de profil, etc. Un vrai festival ! Un régal pour les yeux ! Et... aucune pensée salace, paniquante, décevante, rien que le plaisir d'apprécier la vue d'une très jolie fille.

L'après-midi qui a suivie, dans le métro, j'observais les mains d'une jeune femme au physique assez ordinaire. Ses mains étaient magnifiques, à dessiner. Je ne les ai pas fixé tout le temps qu'elle était là, pour ne pas la mettre mal à l'aise. Mais j'ai dévoré ses mains des yeux tant que j'ai pu... et rien que ses mains.

Quelle différence avec les dragueurs permanents potentiels qui vont aller voir les « parties stratégiques » : bouche, seins, fesses. Et évaluer leur qualité un peu à la façon du boucher qui évalue la qualité d'une bête sur pied. Non, là, c'était juste les mains et c'est tout. L'art de regarder les femmes.

Quand la dame aux belles mains est descendue de la rame de métro, j'ai avisé une très jolie femme qui me regardait. Elle le faisait en usant des techniques féminines habituelles en usage à Paris pour regarder sans regarder tout en regardant : le balayage, consistant à balayer du regard l'espace où l'homme qu'on cherche à regarder se trouve. Le flash, consistant à fixer une fraction de temps l'homme. Et le regard angulaire : se mettre de profil face à l'homme et l'observer du coin de l'œil. En utilisant ces techniques, cette femme n'a pas cessé de me regarder. J'ai regardé son vêtement. Son sac posé sur ses genoux laissait voir le côté du haut de sa cuisse gauche. J'ai réalisé alors qu'elle portait une minijupe ras-la-foufoune avec ses bas noirs semi-transparents. Et me suis dit : « une telle tenue révèle qu'elle cherche l'amour, les caresses... la pauvre, qu'est-ce qu'elle va trouver ? Des imbéciles qui rêveront de la retrouver avec eux en tête-à-tête. Avoir le gourdin. Et lui mettre le gourdin dans son trou. Puis, se prendre pour un marteau-piqueur ! Rien à voir avec l'amour, les caresses ! La pauvre, sa minijupe ras-la-foufoune ne lui apportera rien de bien ! »

La panique et l'incompréhension générale ont pour résultat entre autres catastrophes la drague et la baise sommaire, très peu pour moi. C'est le fast-food du sexe. Il y en a qui aiment. Moi, je préfère les restaurants gastronomiques et les repas entre amis. Voir la beauté est déjà tout simplement merveilleux. Sans s'inquiéter de rien d'autre.

Ça ne sert à rien harceler les femmes pour trouver l'amour. On ne trouve rien ainsi. On les chasse et rebute. J'ai pu moi-même en faire l'expérience. Quand des gays voient que je ne suis ni marié ni homophobe, ils concluent un peu vite que je suis adhérent à leur confrérie. Résultat, je sens la pression de leur drague, même aimable et respectueuse. Cette pression, il n'y a rien de plus énervant. C'est ce que ressentent les femmes que les hommes draguent. Je comprends que ça les énerve aussi. On ne fait pas accélérer la croissance d'une plante en tirant sur ses feuilles !

On invoque souvent « la Nature » pour justifier quantité de conduites peu aimables entre hommes et femmes, hommes et hommes, femmes et femmes. Mais, que savons-nous au juste exactement de la Nature en l'homme présente en nous ? Nous sommes tous plus ou moins déformés, dénaturés, affaiblis par notre éducation, notre conditionnement, nos croyances erronées. L'homme est parfois plus faible que l'animal. Pour survivre sur une île déserte, un chimpanzé se débrouillera mieux qu'un membre de l'Académie des sciences. Et nous n'avons pas non plus la possibilité de choisir de devenir ou redevenir chimpanzé. Il faut chercher à être, rester des hommes. En devenant aussi malin et proche de la Nature que le chimpanzé. Ça n'est pas facile. Ce n'est pas une mince affaire. Mais comment arriver à être heureux sans se simplifier ? Et se simplifier est souvent la chose la plus ardue, difficile, précieuse et compliquée. Se simplifier nous rapproche de la Nature et de la réalité.

La Nature, on ne sait pas, ou plutôt on ne sait plus, ce que c'est. Et l'amour, la tendresse, le sexe ? Ils n'ont rien à faire et à voir avec la panique et l'incompréhension. Il faut vivre, tout simplement. Laisser vivre. Calmement, tranquillement, sans s'affoler, se presser, être impatient. Et la vie se chargera d'apporter elle-même ses fruits étonnants, généreux et merveilleux.

Basile, philosophe naïf, Paris le 28 mars 2015

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