Quand on échange des propos avec d'autres, il peut
arriver subitement qu'on touche leurs limites et qu'ils réagissent
avec vigueur contre nous. Je me souviens d'une époque il y a bien
longtemps où je parlais avec mon père. Dans le domaine des mœurs,
je crois que j'aurais pu lui annoncer les choix les plus divers : que
je devenais polygame, homosexuel, etc. Il n'aurait rien trouvé à
redire. Mais, un jour je lui ai donné à lire un texte où j'avais
écris ces mots : « le sexe est une partie du corps comme les
autres ». Il a littéralement explosé. Sans expliquer
pourquoi, il n'était absolument pas d'accord ! Sa réaction
inattendue m'a effrayé au point que j'ai déchiré mon texte. Chose
qui ne m'est sinon quasiment jamais arrivé.
Une autre fois, parlant avec une jeune femme, j'ai
mis en doute le concept de couple. Là, pareillement, la voilà qui
subitement monte sur ses grands chevaux et s'indigne vigoureusement
de l'affront que je fais en remettant en question ce concept.
Par la suite cette jeune femme qui souhaitait ne pas
travailler, est, par le plus grand des « hasards »,
tombée amoureuse d'une jeune homme promis à une très belle
carrière professionnelle. L'a épousé et a eu trois enfants. Comme
l'amour fait bien les choses ! Auparavant elle avait évité l'amour
avec deux personnes matériellement mal assurées.
Je crois que surtout cette jeune femme a su investir
le capital périssable dont elle disposait : sa très grande beauté
physique allant de pair avec une certaine petitesse morale. On
comprend, à postériori, que pour elle, il était essentiel de
valider le concept de couple. Sur lequel elle a construit sa vie.
Qu'elle y croyait vraiment ou non. L'essentiel étant que son cher et
tendre y ai cru le moment-venu pour accepter de l'épouser.
L'amour doit-il être nécessairement vécu avec une
seule personne ?
Poser la question c'est déjà se faire mal voir de
beaucoup. La question est interdite. Si on la pose, on est
automatiquement traité par certains au mieux de rêveur, au pire de
libertin. Pourquoi poser une question ne devrait pas se faire ? Pour
comprendre, toutes les questions sont justes, innocentes et
légitimes. Depuis quand l'intelligence consiste à se taire et
refuser de réfléchir ?
Mais ici, on touche aux limites de beaucoup de gens.
Oser mettre en doute le couple, c'est comme remettre en question
l'existence de Dieu, pour un croyant. On se retrouve ici quittant
soudain le débat rationnel. On se confronte au passionnel et à
l'irréfléchi.
Pourtant, eut égard aux souffrances innombrables
causées par « l'amour » il paraît justifié de remettre
tout en question. Au moins le faire en théorie, afin de dégager des
solutions pour réduire la souffrance.
J'ai été amoureux d'une personne ayant beaucoup de
soucis notamment de santé. Partager sa vie quand elle était très
malade, puis notre séparation, ont été des moments extrêmement
difficiles à vivre pour moi. J'ai littéralement failli à un
moment-donné « y laisser ma peau ». J'aime m'interroger,
chercher à comprendre comment de tels moments peuvent arriver.
Je ne suis pas d'accord avec ceux qui disent que
l'amour fait forcément souffrir, doit faire souffrir, mais "nous
grandit" et autres propos du même acabit. Personnellement, je
crois la souffrance mauvaise. Et moins on souffre, mieux c'est.
Pourquoi nous attacher tant à une personne unique ?
Lier son destin à elle et subir quantité de choses désagréables
s'ajoutant aux moments agréables vécus avec elle ?
Il m'est déjà arrivé de me dire : « j'ai
cherché la femme de ma vie. Et je trouvais ça tout à fait normal.
Si j'avais été musulman, j'aurais cherché les quatre femmes de ma
vie. Et j'aurais trouvé ça tout à fait normal. »
Quantité de nos désirs sont formatés par notre
culture. Et si, sans rejeter l'amour, nous réformions notre manière
d'aimer ?
Certes, s'entendre avec quelqu'un et vivre avec,
peut être très chouette. Mais pourquoi ne devrions-nous aimer
qu'une seule personne ? Je ne parle pas ici de libertinage. Aimer
n'implique nullement forcément le sexe. Il peut être présent ou
pas. Et si notre morale exige de n'avoir d'activités sexuelles
qu'avec une unique personne, nous pouvons suivre notre morale. Mais
l'amour c'est autre chose que le sexe, sans lui être contradictoire.
Personnellement, je me passe très bien du sexe,
mais pas de l'amour. Je n'ai rien contre le sexe. Mais aussi, je ne
vais pas suivre la mode de « la pensée unique » qui
prétend qu'il faut avoir nécessairement une activité sexuelle.
Je me dis : je peux aimer. Et aimer plusieurs
personnes, sans pour autant avoir une activité sexuelle partagée.
Je sais que ma démarche sort des cadres établis.
Il est préférable aussi d'être à l'écoute,
disponible, gentil et généreux uniquement avec les personnes qui
nous respectent. Avec les autres, seulement être poli et c'est tout.
Faire le tri. Sans le leur dire, virer
définitivement de nos relations amicales existantes ou possible,
toutes les personnes qui ne nous respectent pas. Rester juste poli
avec elles. Pour le reste, les ignorer et ça va beaucoup mieux.
Rayer des amis possible toutes personnes qui ne respectent pas les
autres.
Ainsi on devient libre d'aimer sans être bloqué
par de fausses relations d'amitié. Il faut faire très attention
dans le domaine amical. Et consacrer son attention, son écoute, sa
gentillesse et sa générosité uniquement aux personnes qui
paraissent respectueuses des autres. Tous les investissements amicaux
pour des personnes non respectueuses des autres, si brillantes ces
personnes puissent-elles paraître dans divers domaines, égarent et
empêchent de vivre l'amour avec des humains. Ce parasitage est le
principal obstacle à l'amour.
Quand on pose la question : « est-il possible
d'aimer plusieurs personnes à la fois ? » On se heurte souvent
à un tir de barrage prétendant interdire le débat. L'ouvrir
signifierait soi-disant remettre en question l'amour au profit
d'oiseux bricolages. Or, c'est justement l'inverse, le refus d'ouvrir
un débat qui ouvre la voie à d'oiseux bricolages. Surtout que
l'amour n'étant pas obligatoirement sexuel ou pas sexuel. On ne voit
pas de base honnête à ce procès. Pour ceux ou celles qui veulent
interdire le débat, l'amour est forcément sexuel et aimer plusieurs
personnes à la fois est synonyme de polygamies ou polyandrie.
La polygamie et la polyandrie existent dans nos
sociétés soi-disant monogames. Simplement on baptise la deuxième
épouse « maîtresse », ou le deuxième époux « amant ».
Mais, dans la pratique, ça ne change rien. A part l'hypocrisie en
plus. Et, s'agissant des harems, nos sociétés occidentales
connaissent ces harems collectifs que sont les bordels.
Sans nous intéresser aux hypocrites, voyons ce que
l'ouverture du débat peut apporter aux personnes sincères. Il
existe de petits appareils électriques qui brouillent les messages
de douleurs avant leur arrivée au cerveau. Ce sont des appareils
antalgiques. Se dire : « je peux aimer plusieurs personnes à
la fois », c'est envoyer un message destiner à brouiller le
conditionnement reçu. De même que l'on brouille le message de la
douleur avec ces petits appareils électriques.
Il ne s'agit pas de remettre en question l'amour
mais d'accepter l'amour comme il est. Ensuite, chacun se déterminera
en fonction de ses possibilités, sa conscience, sa morale, ses
idées. Mais nier la réalité n'amène que des souffrances.
Combien d'épouses prennent pour amants leur
beaux-frères ? Et ont même des enfants avec, qui ressemblent bien
sûr à leur oncle et père officiellement déclaré ? A quoi bon
tant de mensonges et d'hypocrisie ? Où est la morale là-dedans ? Et
qu'entend-t-on par « morale » ?
C'est souvent dans les familles les plus bruyamment
puritaines que les horreurs arrivent.
Le seul point sur lequel il ne faut en aucun cas
transiger est celui du respect de soi et de l'autre. Plutôt que se
désespérer de ne pas trouver l'amour unique et rêvé, la moitié
d'orange, le prince charmant, plaçons-nous en perspective 5, en
abrégé P5.
C'est-à-dire que nous décidons d'aimer cinq
personnes à la fois. Résultat, l'attachement est moins impératif.
Le doute ou la séparation, l'éloignement ne sont plus aussi
dramatique. C'est de la pression causée par le choix de la P1,
perspective 1, n'aimer qu'une personne à la fois que résulte bien
des drames.
Et le sexe dans tout ça ? Il existe, bien sûr.
Mais n'est pas l'objet central du débat.
Existe-t-il une fidélité naturelle ?
Peut-être elle existe, peut-être pas.
Je lisais dernièrement le courrier du cœur d'un
magazine italien pour les très jeunes filles. Une lectrice
s’inquiétait : « j'aime deux garçons à la fois, est-ce
possible ? ». Le magazine répondait : « c'est
impossible, tu ne peux pas aimer deux garçons à la fois. Ça n'est
pas le vrai l'amour. Attends le moment où tu aimeras un seul garçon
à la fois. Et là, tu verras que c'est le vrai amour. » De
quel droit, et au nom de quelles compétences ce magazine peut-il
décider que cette jeune fille n'est pas amoureuse, ne saurait être
amoureuse de deux garçons à la fois ? On voit ici le discours de la
« pensée unique », l'intolérance, le terrorisme
intellectuel. Ce serait plus simple de rassurer la jeune fille sans
la contrarier. Et si ça se trouve, la rédactrice qui clame ici
l'unicité impérative de l'amour, a elle, plusieurs amants.
Ce magazine, par ailleurs donne d'excellents
conseils. Mais là, il y a dérapage et exaltation de « la
pensée unique ».
Nous sommes tous différents. Et n'avons aucune
raison valable de chercher à imiter les autres. Ni eux de nous
imiter. Et plutôt que les imiter, je peux tout aussi bien me dire
qu'ils n'ont qu'à m'imiter moi.
L'essentiel est de rester libre, conscient et
respectueux dans sa tête et son cœur. Y renoncer serait renoncer à
être nous-mêmes. Et alors nous ne saurions plus avancer
positivement dans la vie.
Basile, philosophe naïf, Paris, 15 juin et 31
juillet 2014
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire