Je dors nu. Je sens mes
jambes qui s'appuient l'une contre l'autre. Mon bras droit replié
est au contact de ma poitrine. Ma main droite tient mon épaule
gauche. Je sens mon sexe comme une partie de moi au même titre que
mon nez ou mes oreilles. Et non pas comme un objet sexuel, dévolu à
la masturbation, la fellation ou l'acte sexuel. Ma nudité fait que
je suis un. Sans être dérangé par les nuisances bruyantes de la
pensée unique qui prétendent me diviser. Qui affirment qu'il existe
en moi une boursouflante et hypertrophiée « sexualité »
qui commande à tout le reste... quelle ânerie !
Il serait juste et
intéressant de s'interroger sur la place gigantesque donnée à la
masturbation dans notre société. Le commerce de la pornographie
génère des centaines de millions de dollars de profits par an.
C'est un marché gigantesque. Depuis le tout début d'Internet plus
de la moitié de son immense trafic est constitué par la
pornographie. Pornographie qui n'existe que pour aider à
l'autosatisfaction manuelle baptisée « plaisir solitaire »
! Le mot « solitaire » est ici involontairement
révélateur. Car, en fait, la masturbation compense le manque de
communication au sens le plus général du terme et pas
principalement le manque « sexuel ».
J'ai un souvenir
personnel à ce propos. Quand j'étais bien plus jeune, une constatation
m'a beaucoup frappée. J'avais l'habitude de me masturber
régulièrement, la plupart du temps une fois par jour, comme certainement des millions d'autres, qui n'en
parlent pas et ne l'avouent pas. J'ai même eu une légère
hésitation avant de l'écrire ici. Et ce qui m'a interrogé il y a
des décennies de ça, c'est le fait suivant. J'ai constaté qu'il
suffisait qu'un jour je sois comblé affectivement, amicalement. Non
pas sexuellement, mais simplement que j'ai passé de bons et longs
moments amicaux à bavarder, rencontrer des personnes chères. Pour
que j'oublie complétement de me masturber ! Aucune envie ou intérêt
de ce côté-là ! Eh bien, j'explique très simplement aujourd'hui
ce phénomène. Loin de compenser soi-disant le manque « sexuel »,
la masturbation compense plutôt le manque affectif en général,
l'absence de communication. Et comme ce manque est très grand dans
la société, le marché de la pornographie est immense.
Il n'y a pas que la
pornographie. On rencontre aussi l'usage de la sexualité pour fuir
la communication. Si on regarde sur Internet un site prétendant nous
aider à « draguer », on voit que la recherche
systématique et stupide de l'acte sexuel remplace la communication.
Permet de l'éviter. On ne cherche pas à rencontrer des individus,
uniques par définition, échanger, communiquer, partager avec eux.
On cherche à capturer « des filles ». Des sortes de
chimères anonymes qu'on cherchera à pénétrer avec son pénis,
point. Il n'y aura au fond aucune communication.
Ce genre de comportement
me rappelle les mots d'un dragueur de plage. Il m'avait raconté, au
milieu des années 1980, qu'il avait dragué une jeune fille. Et
voilà qu'arrivé au lit, disait-il excédé, elle commence à lui
raconter sa vie, ses problèmes, ce qui la préoccupe. « On
n'est pas là pour ça ! » concluait-il énervé. On n'est pas
là pour ça.... on n'est pas là pour communiquer. On n'est juste là
pour niquer. Mettre le truc dans le machin, secouer et faire dégorger
! Quelle misère ! Et ce dragueur de me préciser, tout fier, qu'il
parvenait à faire six fois la chose en une nuit, à chaque fois
qu'il était au lit avec une fille. Ce chiffre était certainement très exagéré. Et ce
genre de vantardise montrait aussi qu'il n'avait rien compris. Bien
que de façon générale, il me paraissait plutôt gentil.
La drague contre la
communication, une démarche que j'ai vu y compris théorisée. Je me
souviens d'un jeune homme, qui, dans les années 1970, me vantait la
drague comme une activité essentielle de la vie. Je lui faisais
alors remarquer qu'il fallait quand même connaître la fille avec
qui on couche. A quoi il me répondait tranquillement : « quand
tu vois comment une fille fait l'amour, tu la connais ». C'est
une conception parfaitement absurde de la relation humaine.
Quantité d'hommes
s'autorisent les comportements les plus infâmes pour parvenir à
coucher. En revanche, ils dénient complétement le droit aux femmes
à vouloir coucher, choisir de le faire ou pas. Si on en croit ce qu'on peut
lire dans des articles et sur Internet, ce mépris est éclatant
s'agissant d'anciennes actrices pornos et d'anciennes prostituées.
Elles sont littéralement harcelées, persécutées par un tas
d'hommes. Qui leur refusent le droit de changer de vie. Faire un
métier différent. Elles sont en quelque sorte à leurs yeux
maudites, différentes, abimées. Ils ne se gênent pas pour les
insulter, humilier. Et leur dénier la liberté de choisir de ne plus
gagner leur vie en baisant.
Le manque de
communication qui entraîne la prospérité de la pornographie et son
marché, c'est aussi le manque de câlins, le manque de toucher, de
contacts tactiles en général.
En 1986, j'ai fait un
stage de massages de plusieurs jours. On était touché partout
excepté sur les parties génitales. Le comportement des gens
concernés changeait durant le stage. Ils devenaient spontanément
plus doux, plus affectueux. Ainsi, on l'a tous bien vu quand l'un
d'entre nous est parti durant le stage pour revenir le lendemain. Au
moment de son départ, l'idée évoquée de ne pas lui faire la bise
a suscité une hilarité générale et spontanée. Il paraissait
évident qu'il serait absolument ridicule de simplement lui serrer la
main ! Nous étions nus dans ce stage. Je me souviens que,
spontanément, en marge des massages, nous nous serrions dans les
bras, l'un, l'autre, moi et une grande et jolie jeune fille inconnue
de dix-sept ans blonde aux yeux bleus. Et cela sans aucun à-priori
de recherches sexuelles. C'était purement de l'affection très douce et bien vécue.
Et durant les quinze
jours qui ont suivi ce stage, j'ai pu constater un autre phénomène
en moi. A l'époque, quand je passais près d'un magasin de journaux,
je m'attardais toujours à détailler attentivement les couvertures
des magazines semi-pornos. Ceux où on voyait, par exemple, des
jeunes filles seins nus. En ces temps-là, la pornographie était moins
omniprésente. Et bien, durant ces quinze jours, je ne trouvais aucun
intérêt à le faire et passais à côté sans aucunement m'y
attarder comme d'habitude ! Quand tactilement on est comblé, le sexe
habituel est sans intérêt.
Ce qui explique aussi
pourquoi bien souvent on cesse de « faire l'amour » quand
on vit avec quelqu'un. Comme affectivement ça va, il n'y a plus de
manque affectif à combler avec la baise.
Une conséquence étrange
du stage de massages évoqué plus haut fut d'ordre alors plutôt
très « sexuel ». J'avais à l'époque une petite amie.
Quand nous nous retrouvions dans l'intimité, je bandais. Et là,
pour la première fois, mes érections étaient devenues différentes,
beaucoup plus fortes que d'ordinaire. Elles étaient en quelque sorte
« ligneuses ». On aurait dit du bois. Ma copine qui avait
eu pas mal d'amants, dont un ancien légionnaire collectionneur de femmes, était surprise. Elle n'avait jamais vu ça. Ce
phénomène a duré aussi une quinzaine de jours, puis a disparu. Mes
érections sont alors redevenues comme avant.
Ce qui aurait été
intéressant, c'est si nous avions eu un comportement en conformité
avec nous-mêmes. Car cette amie et moi faisions la même bêtise que
la plupart des gens : faire l'amour sans en avoir vraiment envie,
mais en suivant un raisonnement. C'est bien et possible de le faire,
alors on le fait. Mais on ne suit pas un véritable désir.
Il semblerait qu'il
existe des groupes affinitaires dans le domaine tactile. J'ai
constaté à deux reprises un phénomène qui paraît aller dans ce
sens.
La première fois,
c'était en 1986, au stage de massages. L'animatrice nous avait
invité au début du stage à brièvement faire une sorte de groupe
où on se serrait les uns les autres en se touchant et se prenant
dans les bras. Nous étions au plus une douzaine, habillés et les
yeux fermés. J'ai ressenti un contact extraordinaire, infiniment
agréable, avec une des jeunes filles du groupe. Renseignement pris
sur son identité en ouvrant par la suite les yeux, elle n'avait rien
de particulier pour moi, en tous cas à la vue. Et, parmi les
présentes, j'en voyais au moins une qui m'attirait plus, que je trouvais plus
jolie.
Bien plus tard, je
fréquentais une association qui promouvait une sorte de yoga. Un
phénomène similaire est arrivée avec une autre jeune fille. Dans
cette association il y avait des côtés très câlins, sans dépasser
les limites posées par la société. Et avec cette jeune fille,
inexplicablement, j'ai ressenti au contact quelque chose
d'extraordinaire, d'infiniment agréable. Pourtant, là aussi, elle
n'avait rien pour moi qui sortait de l'ordinaire excepté au niveau
tactile. On ne se faisait pas des câlins enflammés. Elle était
juste bien aimable, mignonne, souriante et gentille. Je n'en étais
nullement amoureux, pas plus que je l'étais de la jeune fille
remarquée au stage de massages.
Ces deux rencontres, avec
des jeunes femmes perdues de vue depuis des décennies, m'amènent à
m'interroger : existerait-il des sortes de groupes tactiles
affinitaires ? Comme il existe des groupes sanguins, par exemple. Ou
est-ce que c'est simplement une question d'ouverture ?
Fait significatif de la
misère tactile régnante, je n'ai jamais fait part aux deux jeunes filles concernées de ce que je
ressentais d'extraordinaire avec elles. L'idée ne m'a même
pas effleuré de le faire. Et comment et avec quels mots si j'y avais pensé aurais-je pu m'expliquer avec ces deux jeunes filles ? Et qu'auraient-elles compris ? Alors que si elles m'avaient fait un très
joli dessin ou cuisiné un très bon repas, je n'aurais pas manqué
de les complimenter et souligner la qualité de leur apport à ma vie.
Au toucher nous sommes
très différents. Le contact d'une peau peut aller du désagréable
au voluptueux, sans que la raison en soit définie précisément. Les épidermes différents, on
pourrait les étudier, les classer.
J'ai, un soir dans un
bal, dansé en invitant toutes les femmes présentes l'une à la
suite de l'autre. Il y en avait peut-être une trentaine. Pour
danser, c'était du rock, je les tenais tantôt par les deux mains,
tantôt par une seule main. J'ai constaté, en y prenant garde,
qu'aucun toucher au niveau des mains n'était identique d'une femme à
l'autre. Chacune avait son toucher à elle.
Nous avons donc une
identité tactile. De même que nous avons chacun notre voix ou notre
écriture manuscrite personnelle.
Mais, le visuel et le
tactile sont complétement bafoués dans notre Culture. Généralement,
on prétend interdire le nu et le toucher au nom de la sauvegarde de
l'enfance. Bien sûr, il faut protéger les enfants. Mais, s'agit-il
bien ici de protection ?
Vers l'âge de treize
ans, j'ai eu un problème, qui m'ennuyait beaucoup. A chaque fois que
je me mettais nu, je bandais. Et j'avais honte de bander. Cette
réaction involontaire me dérangeait. Pour rien au monde je ne
souhaitais qu'on me vit ainsi. Or, c'est seulement ces derniers
jours, soit cinquante ans après, que j'ai analysé le fond et la
nature du problème que j'avais alors rencontré.
L'homme, naturellement,
est nu. On l'habille. Non pas seulement pour le protéger, mais aussi
pour le bafouer, le nier, le diviser, lui interdire d'être lui-même
et le forcer à incarner un rôle social précis. L'individu un n'a
pas le droit d'exister. On prétendra le scinder en deux, avec le
« corps » soi-disant bas, vil, sauvage, méprisable, et
« l'esprit », soi-disant élevé, digne, social,
respectable. Les deux, le « corps » et « l'esprit »
étant soi-disant en conflit. En fait c'est la société qui est en
conflit en nous et avec nous. Et fait que la nudité sera interdite,
condamnée et associée à la honteuse soi-disant « sexualité ».
Où avec la reproduction on retrouve tout un tas de choses
abusivement regroupées.
Quand j'arrive vers l'âge
de treize ans, ça fait des années que je vis dans une société
malade où le fait d'être nu en public est assimilé très
officiellement à l'exhibitionnisme sexuel. Alors que c'est en fait
l'inverse. Ce sont les « textiles », les non naturistes,
qui se cachent. J'ajoute que les textiles, en insistant pour cacher
certains endroits, les soulignent. Ils font de l'exhibitionnisme à
l'envers. Les vicieux ce sont eux, pas les naturistes.
Il n'y a rien de plus
indécent et ridicule qu'un microscopique slip de bain bien moulant.
Je n'aurais jamais dû
avoir le problème érectile que j'ai rencontré et qui m'a tourmenté
vers l'âge de treize ans. Pourquoi ? Parce que j'aurais du être
habituellement nu dès que la température ambiante le permet. Et
sans vivre dans l'orgie, j'aurais du apercevoir des érections avant
d'en connaître moi-même.
Habitué ainsi à la
nudité, je n'aurais pas connu d'excitation sexuelle artificielle
liée à mon déshabillage. Et l'érection ne m'aurait pas paru
quelque chose de honteux.
Et le pire, c'est que ce
trouble, je le vivais seul. Je n'osais en parler à personne. C'est
d'ailleurs ici la première fois que j'en parle.
Vers l'âge de treize ou
quatorze ans j'ai commencé à souffrir d'une autre idée qui me
tourmentait : personne ne voit mon sexe ! En fait, je souffrais de
l'obligation de devoir se cacher, comme toutes les personnes soumises
au règne de la superstition textile culpabilisante. Je résolus
finalement de passer outre à cet interdit et montrer mon sexe.
Au domicile de ma famille
nous faisions face à un grand immeuble de sept étages que nous
appelions entre nous « l'immeuble d'en face ». Dans la
salle de bains WC il y avait une fenêtre faisant face à cet
immeuble. Je m'enfermais dans la salle de bains, entrebâillais
légèrement la fenêtre. Et avançais mon sexe en érection sous
l'entrebâillement pour qu'il soit visible de l'extérieur. C'était
le soir. Très probablement personne ne regardait. Mais mon
excitation fut telle que je me senti partir en éjaculation ! Je
pinçais le bout de mon pénis et rétrogradais jusqu'au WC pour m'y
vider proprement. Je n'ai plus jamais eu envie de recommencer. Et
n'ai jamais raconté cette histoire.
A quelles bizarres
extrémités conduit la pitoyable éducation ou absence d'éducation
à la sexualité ! Le garçon timide et complexé que j'étais en
était devenu ainsi troublé au point de rechercher l'exhibition
devant des voisins inconnus ! Ce phénomène ne s'est pas reproduit.
Quand j'entends parler d'exhibitionnistes, je pense que ce sont des
gens qui n'ont pas eu la chance d'évoluer. Ils sont restés à un
niveau peu développé de leur personnalité. Et finissent entre les
mains de la Justice.
Chose dont je me souviens
également, c'est qu'à partir de l'âge de treize ans environ
j'avais envie de voir un jour nue, toucher une femme, surtout son
sexe. Mais n'éprouvais nul besoin d'être touché par elle. Ça a
changé subitement, très exactement quand a dix-huit ans j'ai, pour
la première fois, fait des câlins très « chauds » à
une jeune fille. Le lendemain soir, seul dans mon lit, j'ai ressenti
une envie intense, tellement intense qu'elle était presque
insupportable, que ladite demoiselle me touche et palpe un endroit précis. Ce
phénomène inattendu fait penser que l'incompétence éducative des
parents et de la société dans le domaine sexuel sème dans notre
conscience un certain nombre d'engins explosifs piégés. Qui vont se
déclencher et faire des ravages à différents moments de notre vie.
Tout ce désordre, cette
impréparation à la vie conduit à de la souffrance et un
conditionnement, une déformation de la conscience. On aura un mal
fou et on mettra un temps incroyable pour nettoyer notre tête. Ce
travail salutaire semblera infini. Et nos efforts seront contrariés
par l'image hypertrophiée de la sexualité régnante dans notre
culture. Un imbécile célèbre a dit un jour que le plaisir de la
tétée pour un bébé était un plaisir « sexuel ».
Pourquoi sexuel et pas simplement plaisir de la tétée ? On sent ici
la volonté de culpabiliser tout ce qui nous fait plaisir. Tous les
plaisirs se ramenant au sexe, qui est de toutes façons suspect,
coupable, indécent, impur, diabolique.
Le sexe n'est nullement
suspect, coupable, etc. On pourrait déclarer l'inverse. Que le refus
du sexe est suspect, coupable, etc. Le discours tiendrait pareil.
C'est un parti pris.
Au début des
années 1990 je faisais des aquarelles représentant des fonds marins
imaginaires. Plus d'une fois, sans le préméditer, je me suis
retrouvé avoir peint des algues qui ressemblaient exactement à un
sexe féminin très bien dessiné. J'en avais conclu, influencé par
le discours imbécile régnant, que ça témoignait de mon envie
inconsciente de faire l'amour. Et pourquoi donc ? Aujourd'hui je
dirais que ça correspondait très exactement à mon envie
inconsciente de dessiner un sexe féminin, à m'intéresser à lui.
Et c'est tout.
Le bourrage de crâne
régnant nous fait très mal en permanence. Il entraîne aussi que nous
faisons de très grands efforts pour assurer notre malheur... et nos
efforts sont récompensés !! Quand je suis tombé amoureux il y a
quelques années, j'en ai conclu qu'on devait faire l'amour. Et
pourquoi donc ? J'ai été intoxiqué par mon conditionnement qui a
débuté dans ma petite enfance. Et cherchant à remplir le programme
officiel de l'amour, avec l'aide et l'accord de ma dulcinée,
nous avons finalement tout cassé. La relation sincère, confiante et
chaleureuse s'est dévoyée et tristement terminée.
A présent, j'ai compris
comment je m'étais fait avoir par la sous culture régnante. Faire
l'amour ? Je m'en fous complétement de ce programme imposé et
accepté par notre stupidité. On ne doit faire l'amour que si un
authentique désir existe pour le faire. Sinon, quand bien-même
notre bien aimée serait la plus belle et gentille femme de
l'univers, il n'y a pas lieu, surtout pas, de « faire l'amour »
!
Notre société a inventé
le problème l'absence d'envie de faire l'amour. Pourquoi serait-ce
un problème ?
Quand deux individus
s'entendent bien, il arrive que leur conditionnement habituel tende à
s'effacer. Ils cessent spontanément de jouer aux poupées sexuelles
mécaniques. Cette harmonisation signe de bonne santé peut être
rejetée et qualifiée de fruit empoisonné de « la routine ».
Le sexe n'est qu'un
aspect de la vie parmi d'autres.
Le plaisir sexuel est-il
grand ? C'est exactement comme le plaisir de manger. Manger peut être
agréable, désagréable, très agréable, bienvenu, malvenu. Ça
dépend des cas.
Aujourd'hui, je vois de
très jolies filles ou de très jolis garçons et ne considère en
aucune façon que leur fréquentation impliquera forcément quoi que
ce soit de sexuel.
On me trouvera bizarre et
incapable de m'orienter dans la vie. C'est la société qui est
bizarre et incapable de se gérer dans le domaine des mœurs. Un seul
exemple, il est très frappant : ce que nous voyons quelquefois s'agissant des
lois quand nous franchissons nos frontières ! Et pas pour aller
loin, au bord de l'Orénoque, de l'Indus ou du Limpopo. Si je fais
l'amour avec une jeune fille de quatorze ans en France, je suis
passible de dix années de prison pour viol pédophile (le
consentement n'est pas juridiquement reconnu en France en dessous de
quinze ans). Si je franchis la frontière italienne, je peux faire la
même chose et tout le monde peut être au courant, je ne risque
rien. Pourquoi ? Parce que la majorité sexuelle est à quinze ans en
France et quatorze en Italie.
En France et notamment à
Paris « L'exhibition sexuelle imposée à la vue d'autrui dans
un lieu accessible aux regards du public est punie d'un an
d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. » C'est l'article
222-32 de notre Code pénal. Ces jours-ci il fait très chaud à
Paris. Impossible de sortir dehors en tenue de naissance. Je suis
obligé de rester cloîtré chez moi, les rideaux soigneusement
tirés. Et m'imposer le port d'inutiles et insupportables vêtements
pour aller dehors ou simplement à ma fenêtre.
En Allemagne, donc pas si
loin que ça de chez nous, dans les grandes villes comme Münich ou
Berlin, dans tous les espaces verts et le long des rivières, il est
parfaitement légal d'être tout nu. Il paraît même, c'est à
vérifier, qu'il arrive à des Berlinois de rentrer à pied du
Tiergarten, un grand parc berlinois, jusqu'à chez eux en tenue d'Ève
ou d'Adam ! Et ça ne suscite aucun incident avec le public, ni
réaction de la police.
Pour les mêmes faits,
d'un côté de la frontière, en France, je suis un monstre criminel,
un malade, un agresseur infâme. De l'autre, en Italie, en Allemagne,
je ne le suis pas. Je ne risque rien. La police et la Justice
m'ignorent. L'Italie et l'Allemagne sont-ils situés sur une autre
planète que la France ?
On aime bien critiquer le
monde entier. Pour dire que c'est toujours mieux chez nous. On se
figure toujours être les meilleurs. J'aime bien la France.
J'aimerais que ce soit vrai. Mais, qu'en pense au juste nos voisins ?
Avec le mandat d'arrêt
européen la justice d'un pays peut faire extrader un habitant
d'un autre pays où à la différence du pays de cette justice,
n'existe pas le délit pour lequel il est incriminé. Nos autorités
devraient-elles pourchasser les promeneurs naturistes des parcs publics
allemands ? Les accuser d' « exhibition sexuelle » ?
C'est juridiquement possible.
Et comme certaines mœurs sont étonnantes : dans les vidéos pornos on voit souvent des femmes, des hommes, peloter des seins de femmes siliconées. C'est à dire des poches de plastiques inclues sous la peau de celles-ci. Ça me paraît aussi bandant que peloter des sacs en plastique jetables qu'on trouve dans les commerces alimentaires.
Mais, on peut dire ce
qu'on veut. La barbarie a encore de beaux jours devant elle. Le 2
juillet dernier, je voyais un dessin animé japonais assez somnifère
où il était question d'« amour ». On y retrouvait les
vieux poncifs stupides : la beauté base de l'amour, le mariage
source du bonheur.
Au premier poncif la
sagesse populaire répond : « la beauté ne se mange pas en
salade ».
Quant à prétendre que
le mariage est la source du bonheur, c'est comme affirmer que la
casserole est la source de la bonne soupe délicieuse. La casserole,
comme le mariage, n'est qu'un contenant qui peut être rempli avec
les produits les plus divers et des qualités les plus variées.
La pression de la culture
dominante est effroyable pour détruire les relations saines. En
1986, j'avais trente-cinq ans. Dans la magie du stage de massages,
sans aucune peur ou timidité, nu je serrais plusieurs fois dans mes
bras une grande et jolie fille nue de dix-sept ans que je connaissais
à peine. Et, elle et moi, ne pensions à rien d'autre qu'à savourer
le plaisir du moment présent. La magie du stage évaporée, quelques
semaines plus tard, quand je pensais à cette fille, je
m'interrogeais sur les préservatifs et ma peur du SIDA. C'était
totalement stérile et ridicule. J'ai revu juste une fois cette
fille chez elle, en tête-à-tête, et n'avais rien à lui dire, avec la bouillie pour chats de mon
éducation remplissant ma tête.
A présent je goute
pleinement la liberté de ne pas baiser – ou plus justement dit :
la liberté d'être soi.
Notre société glapit au
sexe obligatoire. Elle peut aller à tous les diables. Je ne
l'écouterais plus jamais. Ne chercherais à faire l'amour que si
c'est bien, possible. Et, surtout, à la condition impérative
d'en avoir vraiment envie. Pas pour suivre l'imbécile pensée
unique régnante.
Je suis né en 1951 à Paris et y vis depuis. Quand j'étais petit, ne pas s'intéresser au sexe était très bien vu, surtout si on était une femme. A présent c'est le contraire. Si on ne déclare pas être intéressé par la baise pratiquée au minimum trois fois par semaine, on est insulté, regardé de travers. Sommé d'avouer son homosexualité refoulée, ça m'est arrivé. Sinon, on vous soupçonne un vice horrible et inavouable. En tous cas, vous êtes classé parmi les « asexuels », les « malheureux », les « accidentés de la vie ». Et fréquemment et avec commisération encouragé à aller voir un psy pour « résoudre votre problème ». Quand on est condamné par la Justice, y compris quand il ne s'agit pas d'une affaire de mœurs, il est à présent fréquent qu'elle vous ordonne des soins obligatoires, avec un psy, évidemment. Jadis, la Justice vous aurez prescrit et ordonné messes, confessions, retraites au couvent et pèlerinages. Les psy sont les nouveaux prêtres. Qui en vous délivrant du fardeau de votre enfance doivent vous assurer le Paradis sur la Terre.
Je suis né en 1951 à Paris et y vis depuis. Quand j'étais petit, ne pas s'intéresser au sexe était très bien vu, surtout si on était une femme. A présent c'est le contraire. Si on ne déclare pas être intéressé par la baise pratiquée au minimum trois fois par semaine, on est insulté, regardé de travers. Sommé d'avouer son homosexualité refoulée, ça m'est arrivé. Sinon, on vous soupçonne un vice horrible et inavouable. En tous cas, vous êtes classé parmi les « asexuels », les « malheureux », les « accidentés de la vie ». Et fréquemment et avec commisération encouragé à aller voir un psy pour « résoudre votre problème ». Quand on est condamné par la Justice, y compris quand il ne s'agit pas d'une affaire de mœurs, il est à présent fréquent qu'elle vous ordonne des soins obligatoires, avec un psy, évidemment. Jadis, la Justice vous aurez prescrit et ordonné messes, confessions, retraites au couvent et pèlerinages. Les psy sont les nouveaux prêtres. Qui en vous délivrant du fardeau de votre enfance doivent vous assurer le Paradis sur la Terre.
Notre société prétend
exalter le sexe, mais le nie en même temps de la manière la plus
ridicule. Le cache sur nos plages avec de microscopiques, indécents, moulants
et ridicules fragments de tissu. A longtemps nié l'organe sexuel
féminin en art, remplacé par des structures anatomiques imaginaires
du bas-ventre de la femme. Et nie toujours le sexe de l'homme d'une
manière extraordinairement ridicule. On dit que l'organe sexuel de
l'homme est le membre, ou encore : le membre viril. Ce
qui signifie que l'homme a cinq membres, dont trois membres
inférieurs ! Je ne vais pas vous faire un dessin. Vous m'avez
compris. Et la femme, elle, a juste quatre membres. Ça, je ne
l'ai lu nul part.
C'est les textiles qu'on
devrait mettre dans des camps et clubs fermés. Les plages et nos
lieux publics ne devraient pas être la propriété de ces malades.
Le naturisme est naturel. Les « vêtements de bains »
sont contre-nature. Naissons-nous avec un slip et les fillettes avec
un soutien-gorge en plus ?
Le conditionnement reçu
dès la petite enfance agit, entre autres, comme un bridage. La première fois que,
très jeune homme, une jeune fille m'a offerte le spectacle de son
bain, j'ai subi ce bridage. Sortie du bain elle s'essuyait nue debout
devant moi, tout près, à portée de mes mains. J'ai eu envie de lui
toucher les seins et ne l'ai pas fait, pourquoi ? Parce que aussitôt
m'est venue la pensée contradictoire : « non, ça ne se fait
pas ».
Par la suite, un jour que
je faisais mine par hasard de laisser mon coude au contact de son bas
ventre, elle étant habillée, m'a demandé gentiment si je
faisais exprès. Pour très certainement m'encourager à continuer
ouvertement. Je n'ai rien répondu et refusé de fait l'ouverture
qu'elle me proposait.
Et, bien plus tard, alors
que nous étions tous deux étudiants aux Beaux-Arts et qu'elle était
venue chez moi réviser sa morphologie, je me mets nu comme modèle.
Elle est surprise et me demande si je fais ça parce que je veux de
petites caresses. Je m'empresse de répondre non. Alors que je ne
demandais pas mieux. Je regrette aussitôt ma réponse. Et ce
jour-là, il n'y aura aucun câlin.
A chaque fois et pas
seulement ici, mon éducation ou plutôt mon conditionnement, m'a
rappelé à l'ordre à la façon d'un petit gendarme intérieur pour
bloquer tout.
Ce bridage fonctionne
encore, un demi siècle plus tard. Dernièrement, j'étais chez une
amie assis près d'elle. Elle cherche plus ou moins à me draguer.
Moi, je ne souhaiterais échanger que des caresses. A un moment
donné, ne sachant comment argumenter son projet, cette amie me passe
doucement et rapidement la main au panier. Je l'ai senti. Et fait
comme si de rien n'était. Le conditionnement nous transforme en
imbéciles.
Mais c'est aussi un sacré
embrouillamini. Je n'ai rien à voir avec la drague pure et dure.
C'est ce qui m'est proposé par elle, sinon rien. Si je réfléchis,
je vais dans ce cas préférer rien.
Mais, au fond, l'ensemble
masculin et l'ensemble féminin sont un peu comme deux armées
séparées par une ligne de front, qui rêvent de la paix. J'y
pensais hier soir dans le métro. Quand je descendais de la rame, je
bouscule le genou d'une jeune fille que je ne connais pas assise sur
un strapontin. M'excuse et lui sourit. Elle me fait le plus beau des
sourires. Parce que, au fond, les femmes aiment les hommes et les
hommes aiment les femmes. Mais le plus souvent ne savent pas parvenir
à les aimer dans les faits et les gestes. Il faudrait avoir le
courage de sortir de sa tranchée et aller vers la tranchée adverse
pour fraterniser. Ça n'est pas du tout évident comme situation.
On dit que l'homme peut
avoir son pénis flaccide ou en érection. En fait, il peut connaître
six états en tout, pas juste les deux : flaccide ou en érection. Il
peut être : flasque, ratatiné, comme sur les statues, en
érection faible, simple ou forte, Ce dernier état correspondant à
l'érection ligneuse, quand le pénis est comme du bois, ou presque.
Ces aspects du pénis
sont très mal connus de bien des femmes. Je l'ai bien constaté un
jour. C'était au début des années 1980. Une jeune femme parisienne
docteur m'a ausculté alors que mon pénis était tout ratatiné,
comme il peut l'être notamment quand on a envie d'uriner. Le voyant,
elle a très sincèrement pensé que j'avais un problème de santé à
ce niveau ! Alors qu'en sa qualité de docteur, elle aurait dû être
plutôt mieux informée que la plupart des gens à propos de
l'anatomie humaine !
Ce n'est pas le
vocabulaire à notre disposition qui nous aidera à comprendre la vie
et bien nous débrouiller. Quand on voit le niveau. Qu'il y est
question de « puissance sexuelle » – « impuissance »
– « avoir des couilles » quand on est courageux. Quand
on voit ce délire mythomane, les mots n'aident pas. Et comme la
bêtise régnante prospère ! Un homme que j'ai connu sortait
tranquillement comme propos que même si on n'a pas envie de draguer
une femme, il faut faire comme si on le voulait, car sinon elle
serait vexée ! J'ai aussi entendu un soir deux hommes, que je
croyais gentils et bien élevés, déclarer que « si une femme
se fait violer, c'est qu'elle le veut bien ». L'horreur et
l'absurdité ! Par définition on ne peut pas volontairement se
faire violer.
Je veux être moi. Pas ce
qu'on veut que je sois. Si difficile que ce soit, ça en vaut la
peine. Pour ça il faut se débarrasser de toute le mythologie
sexuelle qui encombre nos têtes. Elle est impressionnante par son
poids et son ampleur. Et bien des fois elle est labellisée
« scientifique ».
En 1956-1957, quand
j'avais cinq ou six ans, mes parents fréquentaient un sympathique
couple d'excentriques américains de Saint-Germain-des-Près : Aia et
Raymond Duncan. Chez eux venaient notamment des dames pas toutes
jeunes, qui paraissaient plutôt chics et m'énervaient en me
questionnant ainsi : « qu'est-ce que tu veux faire plus tard
? » Je me disais que la question était idiote, car d'ici le
moment où je serai grand, je pourrais changer d'avis. Certaines
dames m'énervaient en plus en me suggérant la réponse : « Tu devrais faire docteur. Ça paie bien ! » Moi, je ne me voyais pas voir des malades à
longueur de journée. Alors, un jour, excédé, j'ai répondu d'une
manière que j'avais choisi car je la trouvais résolument absurde.
J'ai répondu : « je veux être Basile ! » En fait, sans
le réaliser, j'ai donné la bonne réponse qui correspond à ma
personne. Il faut devenir soi-même.
SI je m'étais appelé
Durant ou Gaston, j'aurais du répondre : « je veux être
Durant », ou « je veux être Gaston ».
Expliquer ici un peu mon
cheminement personnel servira-t-il à quelque chose ? Peut-être, en
tous cas si ça peut faire une faille dans le mur de la pensée
unique, que d'autres se chargent de l'élargir.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 3 juillet 2014
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