vendredi 3 mai 2013

105 Les hug friends

Je vais parler ici d'une chose qui existe déjà sans avoir d'existence officielle : les amis en câlins, autrement dit en anglais : hug friends.

On connait tous les fuck friends. Il s'agit littéralement de compagnon ou compagne de baise. Une pratique existant dans certains milieux. Quand on s'ennuie, on n'a rien de spécial de prévu, on contacte un ou une fuck friend. On se voit juste pour baiser. Puis on se lave, si on est propre, et on s'en va. En quelque sorte il s'agit de prostitution réciproque et bénévole. L'acte sexuel est ici totalement banalisé. Une bonne bière, un coït, un chewing-gum, une pipe, une séance de cinéma : on est ici dans une dimension purement ludique et consumériste.

Le hug friend lui ne pense qu'aux câlins. L'acte sexuel est tout à fait facultatif. S'il arrive, c'est secondaire. Et le plus souvent il n'arrive pas et n'a pas à arriver.

Certes, des dragueurs ou dragueuses pourront croire à un moyen pratique de drague. En fait il s'agit d'une chose tout à fait différente. Démasqués, ils sont gentiment proscrits. Leur insistance à vouloir se retrouver en tête-à-tête, leurs propos un peu bizarres permet de les identifier.

Les hug friends existent déjà. Combien de femmes avouent n'accepter l'acte sexuel voulu par leur compagnon que pour connaître la chaleur de leur bras. Cet acte est une sorte de péage auquel elles consentent pour accéder aux câlins.

Quantité de femmes cherchent à dresser leur compagnon obnubilé par l'acte sexuel. En quelque sorte, elles le castrent psychologiquement. Cela peut être extrêmement pénible à vivre pour l'homme ainsi castré.

Cette castration est amenée progressivement. On connait le célèbre : « pas ce soir, chéri, j'ai mal à la tête ! » Il est en fait inspiré par la réalité.

Les hug friends paisibles et réciproquement consentants vivent une sorte de clandestinité. Que répondre aux amis qui s'esclaffent et vous charrient à votre arrivée ensemble le matin après avoir dormi et échangé des câlins ? On ne va pas commencer à tonitruer : « nous, ça va bien, on ne baise pas, on se fait juste des câlins ! » Alors on laisse dire. On sourit. On se tait. Et tout l'entourage se dit, voyant votre mine épanouie : « ils ont bien baisé cette nuit ! »

La pensée unique dominante actuelle est prête à entendre les plus grandes bizarreries sexuelles. Vous pouvez pratiquer mille choses curieuses. Mais pas l'abstinence avec des câlins. Tout simplement déjà parce qu'officiellement elle n'existe pas. « Coucher avec quelqu'un » signifie baiser. Il n'existe pas d'expressions pour dire coucher avec quelqu'un en se faisant juste des caresses.

La difficulté sémantique amène à ce que certains disent : « on fait l'amour en se faisant juste des caresses ».

Mais dire qu'on se fait juste des câlins est considéré comme la marque d'une déficience, une faiblesse du « couple ». Baiser est en quelque sorte l'attestation de la réalité d'une relation sérieuse. Et cette attestation doit être renouvelée régulièrement. Sinon, le couple est considéré en crise.

Le monde est fou. Laissons-le à sa folie. Et occupons-nous de nous-mêmes. A ceux qui comprennent, comme à ceux qui ne comprennent pas, il est inutile d'expliquer la vérité de la vie.

Basile, philosophe naïf, Paris le 3 mai 2013

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