Mes futurs parents,
Georges et Hélène dite Lena, se sont mariés civilement le 26 juin
1937 à la mairie du XIVème arrondissement de Paris. Chargée par ma
future mère d'envoyer les faire-parts, sa mère exprès n'en a
envoyé aucun. Ainsi, à ce que m'a dit ma mère, quantité de ses
amis se sont fâchées n'ayant pas été invités. Si j'en crois ma
mère, la mère de Georges aurait supplié
son fils à genoux de ne pas se marier et attendre deux ans durant
des « fiançailles ».
Mes parents se sont
mariés contre la volonté de leurs parents. Ce fut un mariage
d'amour en des temps où plus souvent encore qu'aujourd'hui les
mariages étaient guidés par des intérêts.
Résultat, on coupa les
vivres à mes futurs parents. Ils eurent six enfants dont deux morts
en bas âge durant la guerre. Je suis le petit dernier.
Vers 1944 Lena toucha un
important héritage de son père, que mes futurs parents dilapidèrent
allégrement et agréablement. Cinq mois de vacances à la montagne
chaque année. Mon père s'était découvert la vocation de « peintre
de haute montagne ». Résultat : ma mère restait à
torcher les mômes dans la vallée, cependant que notre artiste
courait les refuges de haute montagne et pas que.
J'ai retrouvé une lettre
de mon père, non envoyée et adressée à une certaine Ginette
adorée avec laquelle il avait, disait-il, passé trois merveilleuses
journées...
Quand je devais naître,
en 1951, ma mère m'a raconté que mon futur père était reçue par
une artiste, Salomé V. Celle-ci le recevait en étant au lit.
Manifestement cocue ma mère naïvement n'y voyait que du feu.
Mon père jouissait d'une
entière confiance, aveugle, de sa femme. Et puis arriva Christa.
C'était en 1965. Ma mère avait cinquante-huit ans et mon père
cinquante-six.
Christa était une
Autrichienne blondasse aux yeux bleus, de grande taille, qui avait
vingt-six ans et travaillait dans le même bureau que mon père, au
Centre national de la recherche scientifique, 15 quai Anatole France
à Paris. Mon père raconta un jour avec émerveillement à ma mère
avoir partagé à la cantine avec Christa un yaourt. Ce fut le yaourt
de trop ! Ma mère en conclut à son infortune cocufière...
Christa habitait à Paris 5 rue des Vertus, ça ne s'invente pas. Et
voilà ma mère partie errer rue des Vertus ou cherchant à espionner
son mari et entraînant avec elle moi et ma sœur.
De ce moment-là l'amour
aveugle de ma mère pour mon père se métamorphosa en hostilité.
Mon père restait amoureux de sa femme et le restera toute sa vie en
dépit de ses Ginette, Salomé et autres Christa.
Cet amour durant le long
d'une vie m'a forgé une vision très absolue de l'amour et la
croyance en ce que le monde entier recherchait un tel amour.
Ce n'est que tout
dernièrement, depuis un jour ou deux, que j'ai réalisé la folie de
ma généralisation. Non, les hommes et les femmes du monde entier ne
recherchent pas le plus souvent l'amour. Mais un certain confort
familial et sexuel dont l'argent n'est pas absent. Le Prince
Charmant ? Oui, mais avec un contrat de travail à durée
indéterminée, un appartement en accès à la propriété et une
voiture confortable et spacieuse. Sinon, ce n'est pas le Prince
Charmant. Argument suprême pour plaider le désintéressement :
« je ne veux pas d'un homme que je devrais entretenir ».
Donc l'homme qu'on va « aimer » doit avoir des sous.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 10 mars 2017
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