vendredi 8 juillet 2016

587 L'origine du perfectionnisme et de la peur de « mal faire »

« Je suis une mauvaise mère » me disait il y a quelques années une amie qui pourtant faisait tout ce qu'elle pouvait pour le mieux pour sa fille... Sauf qu'elle s'énervait de temps en temps après sa fille, ce qui n'est pas bien grave. Quelle bizarre auto-critique excessive ! Combien de personnes pourtant ont une idée injustement dévalorisée d'elles-mêmes ? Et aussi, combien de gens passent leur temps à se poser des questions et se demander si elles sont en train de « mal faire » ? Quelle est l'origine de ces comportements extrêmement répandus ? Je crois avoir trouvé l'explication.

Elle se trouve dans notre enfance prolongée. Alors que le petit humain vers l'âge de quatre ans est autonome, car il est capable de se nourrir seul, il va être maintenu dans une enfance artificielle encore durant de longues années. Et sera habitué à chercher à plaire à ses parents et aura peur de leur déplaire. Ce conditionnement perdurera et nous fera pour des raisons qui ne nous seront pas claires chercher la perfection et avoir peur de nous tromper, bien au delà du raisonnable.

Ainsi, par exemple, habitué à chercher à vouloir « bien faire », j'en étais arrivé à me poser des questions dépourvues de sens. Quand attendant une rame de métro celle-ci arrivait, j'en étais au point de me demander si c'était mieux d'emprunter la porte se trouvant à ma gauche ou à ma droite.

Je connais le cas de quelqu'un qui a été élevé par une mère exigeante qui n'arrêtait pas de l'empêcher littéralement de respirer à force d'exiger toujours de lui qu'il fasse « au mieux ». Ce qui l'a rendu littéralement malade nerveux. Il est angoissé en permanence et envisage systématiquement le pire. Si quelqu'un est en retard c'est forcément qu'il a eu un très grave accident, par exemple.

Se sentir à vie dépendant de ses parents conduit à toutes sortes de troubles comportementaux. La jalousie de bien des adultes se décline comme une jalousie enfantine... la peur panique de perdre, se faire « voler » son parent-parapluie qui vous protège des intempéries.

N'arrivant pas à surmonter les séquelles de leur enfance prolongée, une très large partie de l'Humanité connaît un manque d'assurance permanente. Ce qui explique le succès de tant de « gourous », « chefs », « guides spirituels », « leaders charismatiques », etc, etc.

Cette enfance prolongée qui n'en fini pas se traduit par l'incapacité d'être autonome. Un ami avait l'habitude de consulter systématiquement sa femme quand il devait prendre une décision. Un jour, excédée, devant moi elle a refusé de répondre. Cet ami m'a aussitôt posé à moi la question du choix qu'il devait faire.

Cette enfance prolongée peut contrarier le fait d'aller vers les autres, car elle fait penser qu'on trahit ainsi ses parents protecteurs.

Quand on veut rester l'enfant prolongé, on s'efforce de ne pas vivre, de rester peu audacieux, limiter ses désirs, réduire ses projets, renoncer à ses rêves. L'enfant prolongé est un enfant handicapé.

Le phénomène d'enfance prolongée se répète de générations en générations sans que le plus souvent il soit remis en question. Se dégager de son enfance prolongée, c'est apprendre à vivre enfin et s'éloigner des fantômes terrifiants et imaginaires de l'enfance.

Tous ceux qui nous entourent ne sont que des hommes et des femmes, pas plus terrifiants que ça, pas moins fragiles et doutant d'eux que nous. La société humaine ressemble à un théâtre d'ombres où les ombres impressionnent plus que les acteurs vivants.

Basile, philosophe naïf, Paris le 8 juillet 2016

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