mercredi 6 juillet 2016

584 La comédie du bonheur

Scène classique à laquelle j'assistais tout à l'heure : un beau jeune homme complimente une belle jeune femme en présence de tiers. Puis ajoute : « je ne te drague pas, j'ai une copine ! » Qu'est-ce à dire ? Si on a « une copine », ça signifie qu'on laisse « tranquille » les autres filles, parce qu'on a son vide-couilles personnel à domicile ? De même, dernièrement, certains commentateurs ont déclaré, parlant d'affaires criminels où on a vu des prêtres catholiques accusés d'agressions sexuelles sur des enfants : « s'ils ont agressé c'est parce qu'ils ont fait vœu de célibat. » Si on suit ce raisonnement tous les célibataires sont des vicieux et des agresseurs d'enfants. Je ne crois pas que ce soit vrai. Un autre propos que j'ai entendu à propos du sexe il y a bien des années : « tout le monde fini par trouver chaussure à son pied. » Sous-entendu : « tout le monde baise et doit baiser. »

J'ai cru à ce message. Durant des dizaines d'années j'ai cherché à suivre le troupeau. Et me trouver une copine en fait sans m'en rendre clairement compte pour faire « comme tout le monde. » J'ai finalement arrêté cette connerie. Mais je vois bien qu'elle règne toujours autour de moi.

Qu'est-ce qui « m'oblige » à penser au « petit trou » d'une femme que je trouve jolie ? Et à penser devoir y mettre ma queue ? La Nature ? Vous en êtes sûr ?

Ce bon vieux discours invoquant « la Nature » pour justifier tout et n'importe quoi est à géométrie variable. Quand on démontre qu'il existe des hommes heureux qui visiblement court moins derrière les femmes, voire pas du tout, on s'entend répondre : « oui, mais ils ont moins d'appétit. »

De quelle « Nature » s'agit-il ici ? Nos vies sont-elles si naturelles que ça ? Quand, à la nuit tombante, j'allume la lumière électrique chez moi je trahis très largement la Nature. Quand je cuis des aliments et les sales, je la trahis également. Quand je me lave à l'eau chaude et au savon, quand je me chauffe, quand j'allume un feu, quand je prend de l'aspirine contre la migraine, quand je porte des vêtements, quand j'écris ce texte sur mon ordinateur, je suis loin, très loin de la Nature. Alors, où est-elle, la Nature ? Et quand pouvons-nous y faire sérieusement référence ? Elle est pourtant bien là, en nous et autour de nous, mais sacrement contrariée par la culture humaine.

Pour se faire une vague idée de la Nature, observons nos cousins singes. Baisent-ils en permanence ? La plupart non exceptés paraît-il les Bonobos. Sommes-nous des Bonobos ? Non. Alors pourquoi invoquer précisément les Bonobos comme référence ? Exactement comme ceux qui invoquent les loups ou les oies pour affirmer que le couple est immuable et naturel parce que chez ces animaux il l'est. Et puis, un autre élément pour analyser le comportement humain est d'observer si les humains comme ils se conduisent présentement sont satisfaits du résultat...

S'agissant de ce que l'on appelle « l'amour » ou « le sexe », d'évidence la réponse est non. La quantité énorme de gens qui se ressentent mal dans le domaine ainsi délimité est impressionnante. J'observais il y a peu une femme apparemment heureuse à tous points de vue et en particulier en amour. Son sourire inoxydable, son rire quasi permanent, son air visiblement détendu, sauf... qu'entourée d'affection toute la soirée elle n'a pas arrêté de fumer et picoler. Alors, heureuse ou bonheur de façade dissimulant des fêlures bien présentes dans ce soi-disant bonheur ? Combien de gens « heureux » sont en fait dans le jeu, la comédie du bonheur par peur d'avouer leur mal-être ? Croire qu'il existerait une recette du bonheur est une des plus grandes farces qui existe. C'est comme prétendre qu'il existerait une recette juste et exacte de vie en général. Alors que chacun de nous est différent et mène une vie différente. L'illusion d'une recette générale et unique est rassurante. Car elle nous fait croire qu'il suffirait de la trouver et la suivre pour être « définitivement et irrémédiablement » heureux.

Basile, philosophe naïf, Paris les 5 et 6 juillet 2016

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire