lundi 4 juillet 2016

581 Enfantillages

Il y a quatre ans environ j'ai rencontré un homme qui m'a fait une remarque qui m'a fait réfléchir. « Pourquoi m'a-t-il dit, cherches-tu systématiquement à te mettre en valeur par tes propos auprès des autres alors que pour être estimé tu te suffit par toi-même ? Les personnes que tu rencontres voient bien comment tu es. Si elles ont envie de t'apprécier elle le feront sans que tu ais besoin d'argumenter. » C'est en gros ce qu'il m'a dit. Et, effectivement, jusqu'alors, chaque fois que je rencontrais quelqu'un je me sentais « obligé » de lui démontrer ma qualité par mes propos. Ce que m'a fait remarquer l'homme qui a ainsi « décrypté » ma manière d'agir. Je l'ai modifié. J'ai cessé de sortir des discours justificateurs de ma qualité à chaque fois que je rencontre quelqu'un. C'est beaucoup mieux et nettement plus tranquille ainsi. Mais je ne me suis pas alors posé la question du motif de ma conduite ainsi corrigée.

Aujourd'hui, je descendais un sac poubelle et j'ai pensé : « dans quelle poubelle ce sera le mieux de la déposer ? » Et là, cette pensée m'a interpellé : « comment puis-je accorder une importance au récipient choisi, alors qu'au fond la seule et unique chose qui importe est de me débarrasser de mon sac d'ordures ? Que vient faire ici cette recherche de perfection pour une tâche absolument mineure ? »

Quand un homme quelques heures après a été aimable avec moi, j'ai ressenti une gratitude excessive pour pas grand chose. La même que j'ai déjà remarqué simplement quand une inconnue me sourit. J'éprouve souvent une sympathie débordante pour une réaction tout à fait mineure.

J'ai rapproché ces trois phénomènes dans mes réactions, et cherchant l'explication de leur origine elle m'est apparue d'évidence. Quand j'étais un très petit garçon, je m'efforçais de plaire à ma maman. En me mettant en valeur. En accordant une prodigieuse importance à sa réaction souriante. En cherchant à être « le meilleur ». Ce comportement infantile a duré plusieurs de mes tendres années. Et a généré un conditionnement, dont je m'empresse de me débarrasser à présent. J'ai déjà commencé à le faire en arrêtant mes discours justificatifs de ma qualité. J'ôte à présent cette absurde envie permanente de perfection pour rien et cette gratitude débordante pour pas grand chose.

Nous sommes ainsi conditionné durant notre enfance, sans le réaliser. Sortir de ces conditionnements simplifie et allège la vie.

Je connais ainsi un homme qui a passé son enfance et sa jeunesse à se cacher de sa mère dans les toilettes pour lire. Ça fait à présent plus de dix ans que sa mère est morte. Il continue à s'enfermer dans les toilettes plusieurs heures par jour pour lire. Comme si sa mère était encore là et qu'il serait encore un petit garçon !

Combien d'autres bizarreries se rencontre ainsi dans la vie quotidienne ? On croit que c'est la personnalité des gens qui s'exprime. Et c'est juste le souvenir de conditionnements anciens qui restent imprimés en nous.

Il suffit d'arriver à la racine de ces conditionnements pour les démonter et parvenir à s'en libérer. Ils sont le produit du poids excessif des parents durant notre enfance prolongée qui commence vers l'âge de quatre ans. En étant maintenu dans une sorte d'enfance artificielle nous ne parvenons pas à trouver nos points de repères. Nous soumettons notre conscience à une dépendance : au pouvoir des « grandes personnes » de notre entourage qui nous semblent mieux savoir. « Qui savent toujours mieux ». Et, finalement, devenus avec l'âge des « grandes personnes », nous persistons à rester des enfants prolongés, refusant d'assumer notre très pacifique et agréable liberté d'adulte.

Basile, philosophe naïf, Paris le 4 juillet 2016

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