mercredi 6 juillet 2016

585 Qu'est-ce que « l'endorphinomanie » ?

Satisfaire nos besoins nous donne du plaisir. Par exemple : manger quand on a faim et donc besoin de manger. En revanche, quand le plaisir et non la satiété devient le but, alors que la satiété est déjà atteinte, il y a dérangement. Manger devient alors uniquement une drogue. Là c'est manger, ça peut être d'autres choses aussi qui peuvent servir de drogues. La recherche du plaisir ainsi déconnecté de la justesse de la fonction peut devenir une véritable addiction. Ainsi, on pourra prendre systématiquement l'habitude de manger, quand on n'en aura pas besoin. Le plaisir recherché se fera au détriment du bon fonctionnement de la digestion et nuira à la santé : on deviendra obèse, avec tous les problèmes que cela apportera : diabète, maladies cardiaques, etc.

Les malades de l'addiction au plaisir déconnecté du besoin sont des endorphinomanes. Ils pratiquent l'endorphinomanie, c'est-à-dire qu'ils s'auto-droguent aux endorphines. Dans le domaine financier, l'endorphinomane va par exemple s'acharner à accumuler des masses d'argent qu'il n'aura pas l'occasion d'employer à quelque chose. Son plaisir consistera uniquement à se dire : « j'ai ça. »

Le domaine le plus connu où prospère l'endorphinomanie est celui qu'on a baptisé « le sexe ». Alors qu'ils n'ont pas beaucoup de besoin sexuel on verra quantité d'hommes s'acharner à rechercher le flash d'endorphines causé par l'éjaculation. Flash qui pourra finalement être très petit et même être remplacé par de la douleur au moment de l'éjaculation. Ce flash endorphinomaniaque pourra être obtenu par diverses variétés de masturbation : par la main, entre les cuisses (fémorale), dans un vagin (vaginale), une bouche (buccale) ou un anus (anale), etc. Il sera détaché de la satisfaction d'un besoin réel. Le but sera le flash, indépendamment du contexte, considéré finalement comme secondaire. Ça pourra y compris être de la baise virtuelle : une excitation causée par des images pornographiques de personnes parfaitement inconnues qui serviront à obtenir le fameux flash et rien d'autre. Le vide succédant au flash pourra créer une certaine tristesse, mais pas toujours.

On trouve des endorphinomanes dans des domaines très divers. Un endorphinomane en politique trouvera le plaisir de la lutte plus important que d'atteindre son but. La lutte sera sa source de drogue auto-produite. L'endorphinomanie pourra également consister à imiter les autres dans différents domaines. Par exemple la façon de s'habiller. On obtiendra la satisfaction parfaitement idiote « d'être à la mode ».

L'endorphinomane pourra s'inventer une identité et trouver son plaisir dans l'acharnement à la suivre. Au début des années 1980 je m'étais trouvé l'identité de « poète ». Pour l'attester et y trouver mon plaisir, je rédigeais des petits textes qu'au bout d'un mois je regroupais, mis au propre et légèrement illustrés. Photocopiés et mis sous enveloppes je les baptisais « vrac poétique », les numérotais et distribuais autour de moi. Cette endorphinomanie n'était pas très dangereuse. Elle m'a permis de me faire des amis. Mais que dire de « l'homme de lettres » auto-proclamé qui toise avec mépris son entourage, tant il est fier d'être un « artiste créateur » ? Et que dire du politique qui se gargarise de son pouvoir, qu'il a obtenu en écrasant les uns et trahissant les autres ?

Une légère endorphinomanie ne porte pas trop à conséquence. Mais à un stade plus développé elle génère bien des malheurs et des catastrophes. La folie de la recherche du pouvoir montre chaque jour les dégâts invraisemblables qu'elle entraîne. Des hommes et des femmes qui ont tout ce qu'il faut pour vivre bien vont s'acharner à conquérir quelques miettes magiques qui leur feront croire qu'ils sont devenu « quelqu'un ». Parce qu'ils siègent à présent dans de confortables fauteuils de cuir, dans de beaux palais anciens sous la protection de gardes armés. Leur ambition est risible, mais l'os du pouvoir paraît toujours fabuleux aux chiens qui se le disputent. Alors qu'il y a tant de belles choses à vivre et réussir loin des illusions de ce « pouvoir » tant convoité !

Basile, philosophe naïf, Paris le 6 juillet 2016

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire