Jadis certains papas
croyaient bien faire en emmenant leur fils de treize ans au bordel
pour « le déniaiser ». Version modernisée de cette
pratique, quand j'ai eu vingt-deux ans ma mère et notre médecin de
famille me mirent littéralement dans les bras d'une demoiselle qui
se chargea de la tâche jadis dévolue aux prostituées. Calamiteuse
et dévastatrice ânerie ! Je n'avais nul désir de « faire
la chose ». Sous la pression maternelle et médicale
j'acceptais la perspective. Partant en vacances avec ladite
demoiselle, je pensais résigné : « il faudra bien en
passer par là ». Et une fois arrivé au lieu-dit des vacances
j'obéis au plan conçu par d'autres que moi. Grande fut cette
bêtise. Faire la chose par raisonnement, obligation, revient à se
forcer. On réalise ici littéralement un « auto-viol ».
J'en suis resté traumatisé. Rejetais quelque temps plus tard une
jeune fille qui me plaisait et à qui je plaisais. Longtemps n'aimais
pas le physique de filles ressemblant à ma déniaiseuse. J'ai mis
plus de quarante années à me remettre du traquenard sexuel familial
et médical. Car l'épreuve en question initia en moi un faux
besoin : se trouver à tous pris un trou, pardon ! Une
« copine ». Je n'aurais jamais fait la chose, ou l'aurais
fait plus tard et dans de meilleures conditions, où était le
problème ? Mais les gardiens de la pensée unique veillaient. A
vingt-deux ans un jeune homme doit avoir mis sa queue dans un trou,
sinon « il lui manque quelque chose ». Quoi exactement ?
J'aimerais le savoir. Je remarque aussi que la sollicitude
déniaiseuse dans ma famille n'a jamais touché ma sœur. Elle, sa
virginité visiblement prolongée ne tourmentait pas la conscience
familiale et médicale.
La pensée unique règne.
Et ses victimes sont innombrables. Combien de jeunes qui souffrent du
sentiment de solitude ? Paraît-il aujourd'hui notamment trente
pour cent des étudiants de France ! Et combien de couples
apparemment équilibrés et solides, prospères, qui inexplicablement
explosent au bout de dizaines d'années de vie commune ? Et
combien de personnes âgées qui sont seules à crever ? Qui
n'ont l'opportunité de recevoir des câlins que des petits enfants ?
Dans le domaine
« sexuel » règne bien souvent : la peur,
l'ignorance, la pensée unique, qui est une forme d'ignorance, les
idées inculquées qu'on croit siennes et qu'on a le devoir
d'identifier et éliminer de soi. Et enfin, tout n'est pas forcément
souhaitable à faire, quand bien-même les personnes concernées
seraient majeures et consentantes. Si la Nature se sent bafouée,
elle se venge.
Au cours des années,
j'ai cherché à me débarrasser des pensées inculquées qu'on
m'avait mis dans la tête et que je croyais miennes. C'est un travail
long, laborieux, minutieux, difficile. Arrivé à éliminer certains
mécanismes courants conduit à une sorte d'impasse. Je ne cherche
plus « la petite amie obligatoire » et me suis libéré
de cette contrainte. Ce qui fait que je vois bien que deux
comportements sont susceptibles très fréquemment d'être ceux de
rencontres féminines éventuelles. Ou bien croire que je cherche
« la bagatelle », ce qui n'est plus le cas. Et n'étant
pas d'accord avec cette idée me repousser. Ou bien penser que je
cherche « la bagatelle », l'accepter et vouloir m'y
inciter, ce qui ne me convient pas non plus.
Car dans notre société,
on croit à tort que toutes sortes de phénomènes, comportements,
situations impliquent forcément le coït. Ça peut être
« l'amour », des fantasmes sexuels, la nudité, le simple
toucher, la caresse, l'érection, la « salive d'amour »
(émission des glandes de Cowper), le doigtage, la masturbation
féminine ou masculine, la vie à deux, dormir ensemble, le mariage,
etc. Or rien en fait n'implique l'obligation du coït. Quand on l'a
compris, j'ai mis du temps, on acquiert un sentiment de très grande
liberté. Au lieu de se poser le faux problème « comment y
arriver ? » simplement on réalise que la question ne se
pose pas. Sans un sentiment très particulier et peu courant de désir
réciproque, authentique et véritable, la plupart du temps,
l'éventualité d'un vrai coït n'existe pas. Il existe seulement
parfois la possibilité d'une masturbation dans un orifice humain
naturel. Si on s'en passe, on évite de souffrir de la quête erronée
d'une pseudo sexualité à tous prix.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 24 janvier 2017
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