L'état préamoureux se
manifeste ainsi : quelqu'un vous plaît. Vous lui plaisez. Il ou
elle souhaite vous revoir pour mieux vous connaître.
Comment se résout cet
état ?
Ou bien il ne se passe
rien de nouveau, de particulier.
Ou bien l'un des deux ou
les deux vont chercher à aller vers « l'amour ».
On va alors se heurter à
la définition de ce qu'on cherche ainsi.
Par exemple, quelle
pourra être la définition de l'expression « faire l'amour ».
Jadis « faire
l'amour » signifiait : « faire la cour ».
À
présent « faire l'amour » signifie « baiser ».
C'est-à-dire soit une relation entre deux êtres passant par le
coït. Soit une situation où on se sert de l'autre comme branloir,
où on l'emploie pour se branler. Ces deux manières d'agir étant
radicalement différentes, en dépit des ressemblances apparentes.
L'expression « faire
l'amour » pourrait demain voir sa définition une nouvelle fois
modifiée. Ça pourrait alors signifier tous les gestes possibles de
l'amour, sans inclure nécessairement toujours l'acte sexuel où le
pseudo acte sexuel représenté par la masturbation en utilisant
l'autre comme branloir.
Dans notre société
française et parisienne, que signifie aujourd'hui le plus souvent
« l'amour » ? C'est quand l'homme se branle dans le
ventre d'une femme ou dans le cul d'un garçon, ce qui n'est pas du
tout l'acte sexuel, mais un pseudo acte sexuel. Durant le pseudo acte
sexuel la femme s'emmerde. Se sent utilisée, dévalorisée,
méprisée, ignorée.
Une amie me disait amusée
que durant ce moment-là il lui arrivait de simuler l'orgasme :
« pousser des oh ! et des ah ! pour que le garçon
finisse plus vite. » Il y a des années, une Parisienne
cultivée assez âgée, qui s'était mariée en 1944-1945, me
racontait un peu sa vie. Elle me disait qu'elle et toutes ses copines
mariées ne ressentaient rien durant l'acte. Et en parlaient avec
mépris comme de la « petite affaire » de l'homme, leur
mari. Quand la « petite affaire » arrivait, elles se
disaient : « alors, il a fini sa petite affaire ? Que
j'aille me laver. » Ce qu'elles croyaient sincèrement être
l'acte sexuel était, on le voit bien ici, un pseudo acte sexuel.
Durant le pseudo acte
sexuel l'homme aussi s'emmerde plus ou moins. Il se dit alors, pour
se rassurer : « ce sera mieux une autre fois, avec la même
personne ou une autre. » Ou bien il se dit, pensant au passé :
« un jour ce sera aussi bien que ça a été une fois avec
unetelle. » Il pense aussi que la seule et unique chose qu'il a
à faire c'est continuer ses prestations. Alors, réussies ou pas, il
continue ses galipettes et s'obstine dans l'impasse et l'agitation
corporelle. Quelquefois, plus raisonnable que lui, son pénis
commence la grève de l'érection.
L'état préamoureux
amène divers comportements :
L'homme parisien peut
draguer en espérant trouver « la bonne occase ». Il use
pour ça de gestes codés ou déclarations orales « officielles ».
Ainsi, par exemple, « je t'aime » signifie : « je
te baise et conserve l'accès exclusif à tes trous sur abonnement ».
Ou, par exemple, si la femme accepte d'être embrassée sur la bouche
ou sur l'oreille, ou qu'on lui mette la main à tel ou tel endroit,
ça signifie qu'elle est d'accord pour passer au lit et à la
casserole.
La femme parisienne, qui
autrement est en permanence sur la défensive vis-à-vis des hommes,
drague en espérant découvrir autre chose que l'ennui habituel. Le
mec qui ne pense qu'à sa queue. À
la femme il peut arriver de faire littéralement « la putain
bénévole » avec un partenaire, en croyant bien faire. Aller
dans une bonne direction, prometteuse de retours positifs. Cet
altruisme excessif, téméraire et déplacé généralement ne dure
pas. Il est vite déçu. La générosité débordante de l'une ne
rencontre pas nécessairement la générosité et surtout l'écoute
de l'autre.
En
l'absence de revenus suffisants pour être indépendante
financièrement, pouvoir par exemple se payer seule un logement
décent, certaines femmes continuent à cohabiter à contre-cœur
avec leur compagnon. Alors qu'elles n'ont qu'une idée en tête :
s'en aller. D'autres continuent à accepter de subir les assauts
indésirés de leur compagnon pour rester deux à s'occuper de leurs
enfants.
La
branlette dans le corps d'un autre est insipide. Alors c'est
l'assaisonnement qui lui donne sa saveur, comme pour les plats
d'escargots. Plusieurs ingrédients possible peuvent entrer ici en
ligne de compte.
Voir
nu et pouvoir palper l'autre compense un peu le manque général, la
famine tactile et visuelle régnante. Les mythes amoureux peuvent
aussi venir ici illusionner.
L'amour
mythologique aide à parer la médiocrité de vives couleurs.
L'autre, qui est quelconque, se pare de couleurs vives. C'est
« l'être unique, prédestiné et merveilleux ». Un autre
mythe extrêmement pesant consiste à croire que chaque fois que
l'homme entre en érection, émet un liquide baptisé « pré-séminal »
ou « pré-coïtal » et que la femme connaît un phénomène
réciproque au niveau génital et des mamelons, il y aurait besoin,
désir, urgence de s'accoupler. Alors que ces divers petits
phénomènes génitaux surviennent en quantité d'occasions non
sexuelles. C'est un peu, au résultat, comme si on disait que les
humains ont besoin de manger trente fois par jour. Le plus beau et
extraordinaire de l'affaire est que la plupart des gens croient à
cette fadaise et cherchent à s'y conformer. Si un petit garçon de
deux ans ou un nouveau-né a une érection, personne ne s'avisera de
dire qu'il besoin de s'accoupler. Mais allez expliquer la même chose
à un homme de quinze, vingt, trente ans et plus ! Il ne vous
écoutera pas, car il est bien propagandé, formaté par le discours
officiel de la société. Par la pensée unique qui lui dira aussi
que dormir avec quelqu'un, aller au lit avec quelqu'un signifie
nécessairement baiser. Ces pseudo-obligations de baiser causée par
la simple érection où le partage d'un matelas relèveraient d'un
sentiment spécial, en fait absolument imaginaire, baptisé « amour
sexuel ». Pour conforter ce discours bizarre on affirmera que
l'homme connaît une sorte de jouissance automatique et facile à
chaque fois qu'il éjacule. « Éjaculer » et « jouir »
étant même synonymes. Ces affirmations sont rigoureusement
fausses. Quand bien-même l'homme semblerait jouir, contrairement aux
mensonges dominants, l'éjaculation peut être elle aussi insipide,
voire même des fois carrément douloureuse.
L'état
amoureux contribue aussi souvent, au moins momentanément, à
embellir artificiellement la situation relationnelle entre
partenaires en bricolage sexuel. La surcharge d'endorphines amenée
par l'état amoureux crée une sorte d'ébriété. Tout paraît alors
en amour plus sûr et joli que ce qui nous arrive réellement.
Enfin,
la branlette opérée dans un orifice naturel peut être plus ou
moins agréable en soi, surtout d'abord pour l'homme qui se branle
ainsi. La branlette en question paraîtra à la femme à terme ou
d'emblée une activité écœurante. On cherchera alors souvent à la
culpabiliser systématiquement en l'accusant de faiblesse, manque
d'appétit et sensibilité sensuels et « sexuels ».
Puisque l'homme est là, elle devrait avoir faim. Sinon, c'est elle
qui aurait « un problème ». Ce problème de ne pas avoir
envie de manger quand on n'a pas faim sera baptisé « frigidité ».
Comme elle est très souvent plus authentique et naturelle que
l'homme, c'est pratiquement toujours la femme qui prendra
l'initiative de rompre une relation masturbationnalisée et dite
souvent « de couple ». Cesser de se faire gaver de sperme
le vagin représentera pour la femme un vrai soulagement. Même si
par ailleurs elle souffrira de devoir pour y arriver se priver de la
compagnie d'un homme.
Le
« sexe » deviendra le maillon faible de la relation
homme-femme. Mais, dans la configuration dominante admise aujourd'hui
le plus souvent par les Français et Parisiens et pas qu'eux,
concernant ce qu'ils appellent « l'amour » : on
baise parce qu'on est ensemble et on est ensemble parce qu'on baise.
Autrement dit : « on sort ensemble ». Et pour ça,
par exemple, si on se plaît, on court faire le test de dépistage du
SIDA, « parce qu'on sait » qu'on va forcément baiser
ensemble. Mais mettre un pénis dans un orifice naturel n'est pas un
acte anodin. On ne doit
le faire ou l'accepter que s'il existe un désir authentique,
réciproque et véritable, qui est un sentiment très particulier,
original et peu courant.
Sinon, avec la pièce rapportée du sexe masturbationnel on détruit
très efficacement la relation d'amour ou sa simple possibilité. On
tourne le dos à l'amour, et ensuite on se plaint de ne pas le
trouver, ou l'ayant trouvé de l'avoir perdu. Toutes sortes de
situations douloureuses et insatisfaisantes découlent du malaise
masturbationnel entre l'homme branleur et la femme réduite au rôle
de trous à éjaculer. Ainsi, par exemple, un homme va regretter de
ne jamais avoir le courage d'aller vers la femme qui lui plaît. En
fait, il sentira plus ou moins clairement que le pseudo acte sexuel
dont il rêve n'a pas sa place dans une vraie relation amoureuse. Ce
qui va bloquer son élan. Ou bien, dès qu'un couple paraissant
harmonieux et équilibré connaîtra une séparation momentanée, la
pression causée par le pseudo-acte sexuel répété va faire se
décomposer la relation. Subitement la relation cessera d'exister.
Autre exemple que j'ai entendu détailler : une divergence
professionnelle. L'épouse enseignante veut aller travailler en
ville. Le mari lui veut rester responsable du centre culturel de son
village. Il dit qu'il ne retrouvera jamais une telle situation
professionnelle idéale en ville. Dispute, séparation en apparence
pour des motifs professionnels. En fait, ils sont le révélateur du
malaise masturbationnel et le prétexte pour y mettre un terme en se
séparant. Fait significatif : si l'animosité paraît
réciproque, l'initiative de la rupture relève de l'épouse. Celle
qui subit le pseudo acte sexuel initié et répété par le mari au
détriment de sa femme. On verra aussi des couples tristes, des
personnes « vivant en couple » déclarer « souffrir
de la solitude », etc. Certaines femmes castreront
psychologiquement leur compagnon. Refusant tous contacts charnels et
leur interdisant « d'aller voir ailleurs ».
Et
si, partant de l'état préamoureux, on essayait autre chose comme
conduites que les modes de faire, inconduites et erreurs
traditionnels habituels ?
Voltairine
de Cleyre disait au dix-neuvième siècle que si un homme et une
femme s'aiment et s'accordent, c'est une erreur pour eux de choisir
de vivre ensemble. Car deux personnes n’évoluent jamais de la même
manière.
On
dirait que pour beaucoup l'amour serait comme un oiseau qu'on
conserve dans une cage pour l’entendre chanter. Mais l'oiseau qui
chante sur une branche en liberté n'est pas du tout la même chose.
Pour faire vivre et perdurer l'amour entre les humains, il faut
trouver d'autres moyens que des cages, dont nombreux sont ceux et
celles qui finissent par s'échapper.
L'enjeu
de la recherche est énorme, vertigineux et réaliste : se
libérer des contraintes et souffrances qui parasitent, contrarient,
handicapent depuis des temps immémoriaux l'amour, le respect, la
joie et l'harmonie entre les humains. C'est possible d'y arriver. Car
ces fléaux n'ont pas toujours existé. C'est pourquoi ils
n'existeront pas forcément toujours. Il faut nous en débarrasser.
Pour nous-mêmes, les enfants d'aujourd'hui et les générations
futures.
Basile,
philosophe naïf, Paris les 9, 10 et 11 janvier 2017
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