La philosophie est
importante, car le principal fléau dont souffre l'Humanité, ce sont
les idées fausses que les humains se font sur eux-mêmes. Alors que
tous les besoins matériels et moraux de l'Humanité pourraient être
très aisément et rapidement satisfaits, une conséquence tragique
de ces idées fausses est qu'il n'y a jamais eu autant de pauvres.
L'abondance engendre la faim et la misère organisées. On en meurt
en masse dans bien des pays. Et cet état de choses ne fait que
s'aggraver et gagner du terrain partout dans le monde. Car les chefs
d'états et de gouvernements que nous avons sont pratiquement tous
persuadés que leur bonheur implique de prendre des décisions à
l'encontre de la population. Que la faim du plus grand nombre
assurera la félicité du petit nombre auquel ils appartiennent. Ils
ne sont ni fous, ni méchants, mis à part quelques-uns d'entre eux.
Ils sont égarés et ne comprennent pas du tout où ils vont en
entraînant les autres. Et si la masse les suit, c'est qu'elle aussi
ne comprend pas sa situation et où elle va, où elle est entraînée.
Déjà en 1549, Étienne de La Boétie avait souligné ce fait dans
son Discours de la servitude volontaire ou
le Contr'un.
Les idées justes
abondent. Ce qui ne signifie pas qu'elles sont suivies. En vérité
quand on les invoque, généralement on les altère et les réduit à
néant. Par exemple on va citer les propos bibliques : « tous
les hommes sont frères », « aimez-vous les uns les
autres ». On vantera la justesse de ceux-ci. Pour ajouter
aussitôt : « mais, dans certains cas... » et on videra
complètement ces principes de leur substance. Un exemple fameux
aussi est celui des pseudo adversaires de la peine de mort qui
déclarent être contre elle. Pour ajouter aussitôt que, dans
certains cas, bien sûr, elle ne peut pas ou ne pouvait pas ne pas
être appliquée. Résultat, on trahira la position d'opposition à
la peine de mort soi-disant adoptée.
Trahir ainsi, c'est ce
qui arrive généralement avec la position de base de mon analyse de
l'Humanité. J'affirme, chose peu original, qu'en chaque être humain
s'oppose une base naturelle et un apport culturel. Quantité de gens
acquiesceront. Diront que c'est vrai. Pour ajouter ensuite que, bien
sûr, l'homme n'est pas à la base tout à fait un animal, etc. Et
videront complètement de son sens la position soi-disant défendue
par eux. Ce qui est original, c'est d'être intraitable, d'aller
jusqu'au bout de la position Nature originelle contre Culture
acquise. Ce que je fais. Oui, à la naissance nous sommes des petits
singes parfaitement sauvages. La Culture vient ensuite nous
contrarier.
Je ne défends pas la
Nature bonne contre la Culture mauvaise, ou l'inverse. La Nature
admet très probablement le vol, le viol et le meurtre entre humains.
Je suis contre. Ce qui signifie qu'ici je m'éloigne de la Nature. Ce
qui ne signifie nullement que j'encense sans limites la Culture. La
Culture nous a donné entre autres le sandwich jambon-beurre, le
sparadrap et la Vénus de Milo, qui sont de bonnes choses. Mais elle
nous a également donné, entre autres, les mines anti-personnelles,
la cupidité accumulatrice d'argent dite « chrématistique »
et la lapidation des femmes accusées d'adultère. Choses qui me
paraissent parfaitement mauvaises et négatives.
La Culture égare les
humains et les prive le plus souvent du bien vital le plus précieux
: l'amour. Cette privation prend une forme complexe qui rend très
difficile la compréhension de son mécanisme.
Dans la vie des humains,
il y a les trois âges de la sexualité :
J'observais récemment
une aire de baignade familiale sur les rives du Tarn. Il y avait des
petits enfants. Les petits garçons portaient des culottes pour se
baigner. Les petites filles s'y voyaient ajouter des
« soutiens-gorges » pour soutenir les seins qu'elles
n'avaient pas encore. Ces tenues pouvaient être jolies, de beaux
tissus, de vives couleurs. Mais que devons-nous en penser ? Voilà
des petits enfants qui sont très loin de l'acte sexuel. On leur
attribue des caches en tissu qui recouvrent certaines parties
d'eux-mêmes. Ce qui signifie que ces parties d'eux-mêmes sont
déclarées avoir un statut particulier. Il faut les cacher au regard
d'autrui. Ce qu'on cache est honteux.
On voit ici s'articuler le message : ces petits garçons, ces petites filles, doivent cacher une partie déclarée honteuse d'eux-mêmes. Ce faisant, ils préfigurent l'exemple des adultes. On inculque ainsi aux petits enfants dès très jeune le fait qu'il existerait un domaine particulier, régit par des règles particulières et concernant un organe précis en particulier : le sexe. Alors qu'il n'est nullement question pour eux de « faire l'amour » on sous-entend que les organes dévolus à cette activité sont déjà à cacher. Si on réfléchit bien, on voit que cette manière de présenter les choses est obscène.
A moins de pratiquer le
naturisme ou appartenir à un des rares peuples qui vivent nus, on ne
se retrouve « au naturel » que pour se laver, être
soigné médicalement ou « faire l'amour ». L'obligation
de cacher aux tiers son anatomie, l'interdiction de voir celle des
autres crée un traumatisme qu'on fini par ne plus remarquer, à
force de le vivre, y être habitué. Imaginer que certaines personnes
soient à la base nues dans leurs vêtements paraît même incongru.
Imagine-t-on le pape tout nu ? Il est difficile de l'imaginer
autrement qu'habillé.
Les années passent, et,
après ce premier âge de la sexualité, arrive le deuxième. Vers
onze, douze, treize ans ou plus tard, les garçons et les filles
commencent à être attirés puissamment les uns par les autres.
Va-t-on les autoriser à « faire usage » de leur zizi ?
Pas du tout, ils sont considérés comme trop jeunes pour. On va
procéder avec eux à une sorte de castration provisoire. La loi
elle-même le proclame. Même désirant et consentant, en dessous
d'un certain âge baptisé « majorité sexuelle », toutes
activités sexuelles est prohibées et pourchassées avec une extrême
sévérité.
Arrive enfin, après
nombre d'années, le troisième âge de la sexualité. Le sexe
devient enfin autorisé. Mais en suivant quels exemples, quelles
règles ? On a habitué dès l'enfance les garçons et les filles à
l'idée qu'il existe ici un domaine particulier, régi par des lois
particulières. On va les chercher. Chercher à les suivre. Et ce
faisant on va complètement s'égarer.
Car « le sexe »
est en fait régi par les lois générales du comportement humain et
pas par des règles différentes, spéciales, particulières.
La première des lois
générales à suivre consiste à trouver la réponse à la question
: « qu'est-ce que je veux ? » Ici on la remplacera par
autre chose : l'obligation de suivre telle ou telle règle, quand
bien-même elle nous contrarierait. Ainsi, par exemple, on croit que
si on est d'accord pour « faire l'amour », et qu'on
cherche à le faire, tout va bien. Alors que la question de fond,
niée, bien cachée est : « en ai-je authentiquement
envie ou est-ce juste une approbation d'origine culturelle
? »
La plupart du temps, quand des humains « font l'amour », ils
suivent un raisonnement intellectuel et pas un désir véritable. Et
cette manière de faire ronge et ruine à la longue tout accord
entre les humains concernés. Je suis arrivé à cette conclusion
après cinq dizaines d'années de réflexion. Il ne s'agit nullement
pour moi de condamner l'acte sexuel, ce qui serait absurde et a aussi
déjà été fait. Mais de considérer celui-ci bienvenu seulement
quand existe un désir authentique et non une démarche qui relève
du conditionnement reçu. Ce conditionnement reçu amène
également à croire en la nécessité de se mettre en ménage avec
la personne qu'on a choisi intellectuellement comme partenaire
sexuel.
La source de la confusion
entre sympathie, tendresse et sexe obligatoire avec vie à deux si
« c'est sérieux », vient de l'existence de l'économie
sexuelle. C'est-à-dire du corpus d'implications économiques
qu'on accorde à la sexualité. Dans celui-ci, traditionnellement, la
femme dépend matériellement de l'homme. Elle est également un
objet de consommation, une sorte de meuble appartenant à l'homme.
Il s'agit d'une tradition très ancienne. Ainsi, par exemple, la
femme apparaît dans le dixième commandement biblique comme la
propriété de l'homme : Tu ne convoiteras ni la femme, ni la
maison, ni rien de ce qui appartient à ton prochain. Un âne, un
tapis, une maison, une femme... sont définis comme des propriétés
du « prochain », qui, par définition, est de sexe
masculin. Seul l'homme est propriétaire. La tradition prétend aussi
que si une femme est « infidèle » à l'homme, son
propriétaire, il doit la massacrer. Il le fait avec l'aide, le
soutien et la complicité de la communauté masculine à laquelle il
appartient. L'amour ici est absent. Il s'agit de
possession-domination. L'économie sexuelle ignore l'amour. Vouloir
subordonner ce dernier à elle, c'est le nier.
Le mariage tant vanté
est juste un contrat. La famille est une unité économique
reproductive. Le mariage et la famille peuvent être beaucoup plus
que ça. Mais compter juste sur leur existence administrative pour
assurer le bonheur est un fantasme.
Il existe des problèmes
généraux, des problèmes individuels et également des problèmes
individuels qui sont l'expression de problèmes généraux. On tend
souvent à nier le caractère général de problèmes particuliers
quand il s'agit de la relation homme-femme. Si ça ne marche pas,
c'est qu'on n'a pas « trouvé la bonne personne », « on a trop attendu de l'autre », c'est la faute à « pas
de chance », ce sont les femmes « qu'on n'arrive jamais à
comprendre », ou bien les hommes « qui ne veulent pas
s'engager »... C'est toujours la faute à l'autre, à des
impondérables. Mais, quand les mêmes incidents touchent
simultanément des dizaines, voire des centaines de milliers de
personnes, comment ne pas voir là l'expression d'un phénomène
général vécu au plan individuel ?
Je connais quelqu'un qui
voue un véritable culte à l'institution matrimoniale. Pour cette
personne, le mariage est un acte fabuleux porteur des espoirs les
plus grands, assurant des lendemains qui chantent. J'ai aussi dans
mes connaissances une jeune fille qui considère sa virginité comme
un bien précieux à préserver. Je ne partage pas ces convictions.
Cependant, elles ne me dérangent pas. Simplement je vois les choses
différemment. Peut-être que pour ces personnes effectivement le
mariage est un acte fabuleux et la virginité un bien précieux.
Je ne conteste les
convictions des autres que quand elles portent atteintes à
l'intégrité des gens. Si quelqu'un est pour l'excision des petites
filles ou l'assassinat des femmes accusées d'adultère, je suis
opposé. Car ce sont des positions qui portent atteinte à
l'intégrité des gens.
Une amie m'a dit à
propos de mes convictions concernant l'amour et la sexualité que
j'avais tort de généraliser mes impressions. Que chaque culture
nationale différait, chaque comportement, chaque individu était
unique. Cette manière de présenter les choses à mon avis conduit à
noyer le poisson. Que ça nous plaise ou non, il existe des lois
générales, même si elles sont mal connues, voire niées.
Quand un mariage sur deux
à Paris et un sur trois en province fini par un divorce, ça
signifie quelque chose. Des quantités de gens ont cru avoir vécu
« le plus beau jour de leur vie », qui allait changer
leur existence. Et voilà que tout vole en éclats. Le problème vécu
ici directement par deux personnes est l'expression à leur niveau
d'un problème de société. Et que dire d'autres graves dégâts
surgissant dans les relations homme-femme à grande échelle ?
Dépressions, suicides, crimes « passionnels », viols,
agressions sexuelles, recours à la prostitution, etc.
Pour éviter de réfléchir devant cette situation, c'est trop facile de
renvoyer les victimes à un sort individuel malchanceux. Il existe
autre chose. Des règles à trouver pour éviter tant de souffrances
et de malheurs. J'en propose certaines. Je peux me tromper. Mais en
tous cas le débat doit être et rester ouvert. Et chercher à
comprendre comment et de quelle façon se présentent les problèmes
c'est déjà commencer à les résoudre.
Basile, philosophe
naïf, Paris le 21 août 2014
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