mercredi 17 juin 2020

1336 Lettre à une amie aimante et aimée

Tu m'as écrit un mail où tu exprimais ta détresse et tes doutes face aux méfaits de la vie dans le domaine créatif, où tu excelle, et professionnel, où tu souffre d'un emploi inintéressant et moralement désolant.

Je vais tenter, par ce message, te venir en aide. Je ne saurais te donner l'emploi dont tu rêves légitimement, mais souhaite très vivement te rendre par mes pensées la vie moins dure à supporter.

Mon futur père a été prisonnier de guerre durant trois années en Allemagne. Il a connu les camps de prisonniers de Sagan, Marktheidenfeld-am-Rhein et Görlitz. Il est rentré ensuite à Paris où il a vécu là où je suis né dans le quatorzième arrondissement.

Il m'a raconté quelquefois des souvenirs du stalag, nom abrégé pour kriegsgefangenenlager, c'est à dire, en allemand : « camp de prisonniers de guerre ».

C'est ainsi qu'il m'a dit un jour qu'au camp il a connu un prisonnier français qui était un boxeur professionnel. Celui-ci lui a expliqué ceci : si tu tends tes muscles abdominaux, même si tu n'es pas du tout spécialement musclé et sportif, et que tu prends un coup de poing dans le ventre, ça ne te fera pas mal. En revanche, si tu as la ceinture abdominale relâchée et que tu prends le même coup au même endroit, ça te fera extrêmement mal.

Il y a presque quarante ans j'ai rencontré un club de boxeurs amateurs très sympathique. J'ai été tenté de m'initier à leur sport pour être en capacité de défendre éventuellement une femme. J'ai pris quelques coups amicaux mais douloureux. Ce qui m'a fait bien vite abandonner l'amorce de ma carrière de terreur des rings. Cependant j'ai appris une chose.

Pour gagner un combat, on doit « monter » sur l'adversaire, c'est à dire venir sur lui. Et, pour y arriver - et en général pour combattre efficacement, - il est autant dire plus important de savoir recevoir les coups que d'en donner.

Dans la vie, c'est la même chose. Savoir recevoir les coups, tendre sa ceinture abdominale quand il faut.
J'ai le sentiment que si ta souffrance est présentement si intense c'est aussi parce que tu prends les coups de la vie pas comme une championne de boxe, mais autrement. Or tu es une personne formidable et une grande championne de boxe. C'est pourquoi je me permettrai ici, par amour pour toi, de tenter quelques conseils.

Je crois ne pas me tromper en pensant que tu as dans la vie des certitudes et tu cherches ton équilibre. Je suit un chemin différent et il me semble mieux me réussir.

La seule certitude que j'ai, c'est celle de mon incertitude. Dans le domaine spirituel, par exemple, je pense que Dieu existe, ou pas, ou autrement, qu'il y a quelque chose. En tous cas j'essaye de faire le bien et sourire à mon prochain. L'amour est une des incertitudes auxquelles je suis le plus attaché.

Trouver mon équilibre ? Sûrement pas, je cherche mon meilleur déséquilibre possible et tente chaque jour de l'affiner. C'est seulement une succession de déséquilibres qui permet d'avancer.

Voilà, la certitude de mon incertitude et la recherche de mon meilleur déséquilibre forment l'assise de ma recherche du bonheur pour moi et pour les autres. Tout au moins ceux qui m'entourent et sont à ma portée.

Tu fais partie de ces personnes amies. Et t'aimer est pour moi une de mes plus chères incertitudes. J'espère par mes mots écrits aujourd'hui que j'aurais amélioré plus encore le déséquilibre positif de nos relations.

Je t'aime infiniment et te souhaite de toute mon âme une bonne santé, un très bon moral, plein de choses positives, le plaisir de te revoir très bientôt et t'envoie mes meilleures ondes à toi, tes proches et ton chat.

Je t'embrasse très affectueusement et fait mille caresses à ton compagnon à quatre pattes.

Ton ami qui pense très fort à toi.

Basile
Paris, le 17 juin 2020

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