Bonjour. Je vous remercie
d'être venu m'écouter. Je vais essayer d'être clair et
compréhensible par tous. Si vous ne comprenez pas quelque chose,
vous pourrez me demander un éclaircissement dans le débat qui va
suivre ma conférence. Le sujet de ma conférence c'est « Les
coulisses du Carnaval ». Je vous donne tout d'abord le plan que
je vais suivre.
Pour commencer je vais me
présenter. Dire qui je suis et quel est mon lien avec le Carnaval.
Je parlerai beaucoup du Carnaval de Paris. Vous verrez vite pourquoi.
Je parlerai de la
renaissance du Carnaval de Paris. Et notamment de la vingt-et-unième
édition du cortège de la Promenade du Bœuf Gras, qui a été un
très grand succès le dimanche 11 février 2018.
Puis j'aborderai des
aspects philosophiques, théoriques et pratiques du Carnaval de Paris
et de la fête vivante et populaire en général.
Enfin je reviendrai sur
la théorie et la pratique du Carnaval en vue de l'action : que
pouvons nous faire en nous amusant aujourd'hui pour augmenter la joie
partagée et la convivialité ?
Dans le débat qui suivra
je pourrai vous donner beaucoup d'autres éléments. Et notamment des
informations sur le prestigieux passé du Carnaval de Paris et ses
grands moments.
J'espère que vous
prendrez du plaisir à m'écouter.
Donc, je vais pour
commencer me présenter :
Je me nomme Basile
Pachkoff. Je suis né le 3 avril 1951 à Paris 14ème. J'ai reçu
dans ma famille des influences culturelles diverses. Mes parents sont
venus de Russie en France après la Révolution d'Octobre 1917. Mon
père et ma mère étaient des riches ruinés par les événements de
1917, et des intellectuels devenus artistes. Je n'ai pas été à
l'école et suis donc autodidacte. J'ai obtenu en 1984 le diplôme de
peinture de l’École des Beaux-Arts de Paris. Et suis artiste
peintre, poète, photographe, philosophe et carnavaleux. C'est cette
dernière détermination qui va nous intéresser aujourd'hui.
Le Carnaval de Paris fut
un des plus importants et beaux du monde et a prospéré durant cinq
siècles à partir des années 1500. Il a succédé à la Fête des
Fous qui prospérait elle au moins dès le onzième siècle dans tout
Paris. Il y a donc une tradition de grande fête de Paris qui s'est
poursuivie durant au moins un millier d'années. Paris qui est depuis
au moins le douzième siècle une très grande ville.
Le Carnaval de Paris n'a
jamais été rejeté par les Parisiens et n'a jamais été non plus
calamiteux et violent. Il a au contraire toujours été très joyeux
et pacifique ; Ce qui lui a valu d'être aimé de l'immense
masse des Parisiens. Et notamment de ceux qui y exerçaient et
exercent encore les fonctions de police. Le Carnaval de Paris a
contribué au prestige de Paris dans le monde.
Des années 1960 jusqu'à
1998 le Carnaval de Paris s'éclipse. La disparition progressive du
tissu social festif des goguettes, petites sociétés chantantes,
fait que le Carnaval de Paris recule à partir des années 1930. Ses
grandes manifestations spectaculaires, bals masqués et défilés,
vont disparaître. Un grand cortège défile encore le jeudi de la
Mi-Carême 28 mars 1946. Le défilé du Bœuf Gras sort à petite
échelle dans le quartier de La Villette en 1951 et 1952. Cependant,
en dépit de ce recul de la festivité parisienne, la fête reste
vivante dans le cœur des Parisiens. Et le joyeux feu pacifique et
convivial du Carnaval dort sous la cendre et ne demande qu'à être
réveillé. Nous avons là le potentiel de ce qui sera demain très
certainement une des plus belles, sinon la plus belle fête du monde.
Le réveil du Carnaval de Paris commence en 1993. A l'époque ces
mots « Carnaval de Paris » relèvent pratiquement de
l'archéologie. Pour un Parisien, le mot « Carnaval »
évoque alors plutôt Nice ou Rio. Dans les années 1950-1960 à
Paris on parle plutôt du « Mardi Gras ». Ces mots
figurent alors sur le calendrier des PTT distribué par les facteurs
parisiens.
J'ai pris l'initiative de
la renaissance du Carnaval de Paris fin septembre 1993. À
l'époque j'ignorais parfaitement l'ampleur du défi. C'est seulement
au bout de deux ans d'efforts très intenses que j'ai commencé à
réaliser l'ampleur gigantesque, démesurée, de mon ambition. Mais
j'avais déjà investi tant d'efforts dans cette œuvre que je ne me
voyais pas y renoncer. N'étant pas passé par l'école, je n'ai pas
cultivé l'art de la soumission et du renoncement face à « ceux
qui dominent et qui savent ». Après l'été 1995, je me disais
sur le ton de la blague, pensant à la renaissance du Carnaval de
Paris : « à quoi bon faire grand quand on peut faire
gigantesque ? »
Durant cinq ans mon
projet a été bloqué du fait de sa nature. Je le portais moi,
inconnu, sans argent, ni relations, ne cherchant pas à gagner de
l'argent avec mon projet et souhaitant faire renaître rien moins que
la principale fête de Paris. Face à moi le statut administratif
d'exception d'une très grande ville. Ce statut indique que, hormis
pour quelques très rares endroits, l'autorisation d'occupation de la
voie publique à Paris, Lyon et Marseille relève de l'autorité
gouvernementale via une Préfecture de police et le Ministère de
l'Intérieur. Le gouvernement se méfie de Paris, Lyon et Marseille
et n'a jamais aimé le Carnaval. Le Maire de Paris a une influence
sur le pouvoir du Préfet de police de Paris sur la voie publique
parisienne. Mais il faut savoir que les politiques parisiens n'ont
jamais aimé le Carnaval de Paris. C'est aussi une tradition. Elle
dure depuis cinq cent ans.
J'étais donc dans la
situation d'un moucheron cherchant à déranger un troupeau de
brontosaures. Je ne devais pas leur paraître antipathique. Mon
projet était bon enfant. Mais faire défiler dans Paris un cortège
de Carnaval avec en tête une vraie vache vivante ! Mes
courriers nombreux se traduisaient par des réponses aussi positives
que fallacieuses : « on vous écrira », « votre
projet sera étudié »... et, bien sûr, les félicitations
d'usage qui ne coûtent rien, et sont rentables électoralement. J'ai
cru à ces courriers faussement positifs. Ça a duré jusqu'à fin
1996. J'ai finalement compris que les officiels ne voulaient pas de
mon projet. Projet auquel je croyais toujours. Je me disais en
pensant aux officiels : « avec eux, sans eux ou contre eux
le Carnaval de Paris renaîtra ».
La situation s'est
débloqué en octobre 1997 quand j'ai rencontré Alain Riou. Alain
Riou était Conseiller de Paris du vingtième arrondissement de
Paris. Il souhaitait faire naître un Carnaval dans son quartier,
c'était : « le Carnaval de Saint-Fargeau ». Je l'ai
informé de l'existence passée du Carnaval de Paris et mes efforts
pour le faire renaître. Nos deux projets ont fusionné.
Alain était têtu et
aimait la fête. Il avait un ami, Jean-Yves Autexier, alors
Conseiller spécial du ministre de l'Intérieur Jean-Pierre
Chevènement, c'est-à-dire son premier collaborateur pour toute la
France et les Départements et Territoires d'Outre-mer. Jean-Yves
Autexier a donné son appui au projet et la situation bloquée depuis
des années s'est débloquée. L'autorisation de défiler est
arrivée ! Le cortège du Carnaval de Paris Promenade du Bœuf
Gras qui n'était plus sorti depuis le dimanche 20 avril 1952 a
recommencé à défiler en 1998 . Il défile depuis chaque année. Sa
vingt-et-unième édition à ce jour s'est déroulée le dimanche 11
février 2018. Alain Riou étant malheureusement prématurément
décédé en décembre 2004, c'est moi qui suis à présent
responsable de l'événement.
L'édition 2018 du
Carnaval de Paris a été un très grand succès. En dépit du temps
glacial et exécrable qu'il a fait durant les jours précédents,
nous étions cinq mille à défiler. L'essentiel est que règne à
cette occasion l'esprit de la fête authentique, vivante et
populaire.
Le but de la fête n'est
pas d'être nombreux, riche ou célèbre, mais d'être heureux
ensemble dans le cadre d'une belle tradition et d'une ville unique au
monde : Paris. Et de ses quartiers populaires. Nous défilons à
Belleville et Ménilmontant, partant de la place Gambetta pour
aboutir place de la République. Les Champs-Élysées ne nous
conviendraient pas du tout. La rue du Faubourg-du-Temple ou le
boulevard de Belleville où nous passons nous conviennent infiniment
mieux !
Le Carnaval de Paris est
une fête libre, bénévole, gratuite, indépendante, apolitique et
autogérée. Le placement est libre dans le cortège. Aucune
inscription n'est nécessaire pour participer. On peut se décider au
dernier moment de venir ou ne pas venir. On peut être à tous
moments au choix spectateur ou acteur. On peut prendre le cortège en
route ou se contenter d'y assister. On peut le quitter quand on veut,
à la fin du parcours ou avant. Le thème du Carnaval est un thème
libre. On est libre de le suivre ou pas. D'être costumé ou pas.
Tout est libre. Les groupes participants sont invités à se doter
d’accompagnateurs qui veillent à la bonne marche de leur groupe,
notamment à éviter que se creuse un écart trop grand entre leur
groupe et celui qui précède ou qui suit. Le cortège est formé de
groupes constitués auxquels se joignent des individuels ou des
groupes plus petits comme des familles.
Nous avons des
participants venus de loin. Cette année une troupe de Boliviens est
venue de Barcelone pour défiler. L'année dernière des Boliviens
sont venus d'Allemagne, Belgique et Italie.
Des Boliviens venus d'Italie l'année dernière sont revenus cette année. D'autres sont venus de Londres. En février 2018 le cortège comprenait une quantité de batucadas, ensembles de percussions de style brésilien. Certaines batucadas sont des habituées du Carnaval de Paris comme Batala, Batuka de Sciences Po Paris, Sambinho, Pernambucongo, Maracuja, etc. Il y avait au moins deux groupes antillais. Des Équatoriens qui depuis 2017 rejoignent les Boliviens, deux géants : celui du Théâtre aux Mains Nues et celui de la Compagnie Carnavalesque Basque de Paris, etc.
Des Boliviens venus d'Italie l'année dernière sont revenus cette année. D'autres sont venus de Londres. En février 2018 le cortège comprenait une quantité de batucadas, ensembles de percussions de style brésilien. Certaines batucadas sont des habituées du Carnaval de Paris comme Batala, Batuka de Sciences Po Paris, Sambinho, Pernambucongo, Maracuja, etc. Il y avait au moins deux groupes antillais. Des Équatoriens qui depuis 2017 rejoignent les Boliviens, deux géants : celui du Théâtre aux Mains Nues et celui de la Compagnie Carnavalesque Basque de Paris, etc.
Je ne saurais mentionner
tous les groupes participants. D'autant plus qu'aucune inscription
n'étant nécessaire pour venir défiler, je ne connais pas les noms
de tous les groupes présents.
Cette fête très réussie
est une démonstration de l'efficacité du mode de fonctionnement
autogéré. La structure organisationnelle est horizontale et tout le
monde est responsabilisé. Pourquoi faudrait-il indiquer par exemple
à chaque groupe où il devrait se placer dans le cortège ? Le
groupe de tête a changé quatre fois en cours de route, où est le
problème ? Un groupe nous rejoignait et se mettait devant. Je
me souviens il y a trois ou quatre ans un brave accompagnateur qui
vient me voir affolé : « il y a un groupe qui vient de se
mettre devant ! » Je lui ai répondu : « et
alors ? Si ça leur fait plaisir ! »
Moi de mon côté si je
suis en tête du cortège c'est parce que la police qui nous
accompagne souhaite pouvoir me trouver facilement si elle a besoin de
me joindre. En quatorze ans, depuis la mort d'Alain Riou, que la
police veuille me joindre durant la fête n'est arrivé que deux
fois.
Le Carnaval de Paris se
passe très bien chaque année. Tout le monde a le sourire. Les
policiers qui nous accompagnent nous disent qu'ils ont l'impression
d'être en vacances. Même qu'ils ont envie de danser. Ce qui ne les
empêche pas d’assurer très bien leur tâche de sécurisation du
cortège par rapport à la circulation automobile que notre défilé
interrompt.
Le moteur de notre fête
c'est le cœur, pas l'argent. Le but n'est pas le nombre mais la
qualité. Il vaut mieux que nous soyons cinq mille souriants que cinq
cent mille qui fassent la tête.
La qualité c'est aussi
que la préparation soit agréable de même que la réalisation. La
base de la fête c'est nous tous. Notre volonté de réussir la fête
est collective. Juste avant le Carnaval on me dit : « tu
dois être très occupé, avoir plein de réunions, de courriers ».
Ce ne sont pas forcément les mots employés, mais le sens y est. En
fait il n'y a presque pas de courriers et c'est très bien ainsi.
Et des réunions pour
quoi faire ? Il y a des années je croyais utile d'en tenir une
par mois pour préparer le Carnaval de Paris. Je me souviens de la
délégation de la fanfare des étudiants de l’École
Polytechnique. Cette délégation est venue deux fois. C'était
sympa de la voir. Ses membres m'ont dit : « on a déjà
peu de temps pour répéter notre musique. Pour nous c'est difficile
de venir. On n'a pas trop de temps. » A quoi servaient ces
réunions ? À rien
finalement. Pour se retrouver au Carnaval de Paris elles n'ont aucune
utilité. Bien sûr, si on rêve de pouvoir et de gloire, en
organisant une fête on a besoin de telles réunions. Mais la fête,
elle, n'en a pas besoin.
C'est pareil pour le
placement des groupes dans le cortège. Il n'y a pas besoin d'en
imaginer un. Ce qui est d'autant plus difficile à faire qu'on ne
sait pas jusqu'au jour de la fête qui vient ou ne vient
pas.
L'essentiel est qu'il y ait le jour venu au moins deux groupes prêts à défiler. Avec deux groupes on peut faire un cortège.
L'essentiel est qu'il y ait le jour venu au moins deux groupes prêts à défiler. Avec deux groupes on peut faire un cortège.
Il arrive que l'on me
demande de venir me voir « dans mes bureaux ». Il n'y en
a pas. Pourquoi aurions-nous besoin de bureaux ? Pour une fête
autogérée telle que la nôtre ce genre de choses, très coûteuses
à Paris, ne servirait à rien. Bien sûr, ma notoriété dans le
Carnaval de Paris est d'autant plus réduite. Mais mon but n'est pas
de me faire admirer. Mon but c'est que la fête réussisse et que
tout le monde s'amuse. Quitte à ce qu'on ignore y compris mon
existence et mon œuvre.
On parle beaucoup en
France du célèbre Carnaval de Rio. C'est un spectacle magnifique.
Mais sait-on qu'il se déroule dans une sorte de stade en béton
baptisé sambodrome, où le public est confiné dans des
gradins ? Et pour y accéder il faut payer, et très cher, pour
assister durant les trois premiers jours au défilé des écoles de
samba les plus prestigieuses. Résultat : le spectacle est alors
plus accessible au touriste étranger qu'au Brésilien passionné de
carnaval mais fauché. Cette organisation ne me plaît pas. Je
préfère la joie partagée gratuitement entre le public de la rue et
une batucada qui défile rue du Faubourg-du-Temple. C'est moins
grandiose que Rio mais c'est la vraie fête populaire.
Quand on parle de fête,
il est courant qu'on vous dise : « il faut demander une
subvention. » C'est souvent là le plus sûr moyen de se
perdre. D'abord parce que la manne céleste de la subvention peut ne
pas arriver. Ensuite parce que si elle arrive elle est souvent
riquiqui et surtout qu'en échange vous renoncez à votre liberté.
Et le jour où la subvention disparaît, votre projet disparaît
avec. Quantité de fêtes et festivals qui comptait sur la subvention
pour exister ont disparu en France ces dernières années. Comme par
exemple le Carnaval de Cherbourg ou de Carcassonne, ou le Festival de
Musique classique de Strasbourg. Le Carnaval de Paris se porte très
bien. Il ne reçoit pas et ne demande pas un centime de subvention.
Des donateurs apportent un soutien financier depuis 2017 à
l'association « Droit à la Culture », 415 euros pour
2017 et 565 pour 2018. Mais cette association fondée par Alain Riou
et que je préside depuis 2004, avec un intermède de 2010 à 2013 où
elle a été présidée par Alexandra Bristiel, n'engrange rien de
plus comme financement. Ce n'est pas beaucoup pour faire sortir cinq
mille personnes en 2018 et plus de cinq mille personnes en 2017 !
La base du Carnaval
vivant c'est qu'il est organisé. C'est la rencontre du cœur et de
l’organisation. C'est la rencontre de la vapeur de la joie
collective et de la chaudière de la locomotive de l'organisation
pour tirer le train du carnaval. Présentement la base organisée du
Carnaval de Paris est faite de la convergence d'associations qui
viennent défiler ensemble le jour de la fête. La base
traditionnelle du Carnaval et de la fête populaire en général, ce
sont des sociétés festives, dont le but est la fête. En France,
c'était les goguettes, du temps où le Carnaval prospérait partout,
dans les villes, villages et hameaux.
Les goguettes
s'appelaient ainsi ou autrement. Il y en avait des dizaines de
milliers. C'était des petites sociétés chantantes. Leur but était
de se réunir chaque dimanche pour passer un moment agréable
ensemble, chanter, créer des chansons. Quand le Carnaval arrivait,
ces petites sociétés le rejoignaient. Elles assuraient ainsi sa
prospérité et son authenticité à Paris comme ailleurs.
Les goguettes ont
pratiquement toutes disparues du fait de l'ambition de grandir. À
l’origine elles faisaient toutes moins de dix-neuf membres.
Jusqu'en 1835 c'était interdit d'aller au delà. Puis ça était
autorisé. Résultat les goguettes ont voulut faire grandes, riches,
avoir un théâtre privé, un piano. La politique et les ambitions
s'en sont mêlées. Et aujourd'hui il n'y a autant dire plus rien.
Seule exception :
Dunkerque et les villes avoisinantes où le Carnaval est énorme et
magnifique. Les sociétés festives sont toujours là par dizaines et
assurent la réussite du Carnaval. On les appelle « sociétés
philanthropiques et carnavalesques ». Il y en a d'autres qui ne
portent pas de noms et se rassemblent juste à l'occasion du
Carnaval. Qu'est-ce qui a assuré la pérennisation des sociétés
festives de Dunkerque et des villes alentour ? À
par quelques-unes qui regroupent une cinquantaine de membres elles
font toutes douze membres. Elles ont conservé pour modèle celui des
équipages des navires morutiers dunkerquois qui partaient chaque
année à la pêche au large de l'Islande et de Terre Neuve. Le
Carnaval de Dunkerque a d'abord été un carnaval de marins.
Aujourd'hui, j'ai pu le constater, pour un Dunkerquois qu'une société
de carnaval soit forcément petite paraît évident.
La clé de la renaissance
de la fête populaire partout en France et ailleurs est là :
c'est « la règle des dix-neuf ». Il nous faut partout de
petites sociétés chantantes de moins de vingt membres. Ce n'est pas
difficile à créer. Ça ne coûte pas d'argent. Ça assure la joie
partagée toute l'année. Et le jour du Carnaval ou d'une autre
grande ou petite fête locale ça assure son succès.
J'ai recréé deux
goguettes à Paris où jadis il y en avait des centaines. Il s'agit
de la « Goguette des Machins Chouettes » et de la
« Goguette des Enfants de Priape ». Une amie a créé une
goguette à Saint-Ouen. Je parle autour de moi et à vous aujourd'hui
de la renaissance des goguettes. Imaginons que demain, à Clamart ou
ailleurs, naissent quatorze goguettes de dix habitués. Au total nous
avons cent-quarante joyeux festifs rassemblés. Ils font venir des
amis, des proches : les voilà trois cents. Il y a là largement
de quoi assurer la réussite d'un défilé de Carnaval. Sans se
donner de peine ni spécialement dépenser de l'argent. Il faut le
dire et le répéter : la renaissance des goguettes c'est
l'avenir du Carnaval et de la fête populaire vivante en général.
Ces goguettes pourront se doter de bigophones, instrument
carnavalesque bon marché, très bruyant et au jeu à la portée de
tous.
Au plan mondial, je
souhaite la mondialisation de la teuf. Par la mise en réseau
des sociétés festives pour assurer des voyages et échanges
festifs, à l'image des Boliviens venus de Barcelone au dernier
Carnaval de Paris. Mais surtout à l'image de la Corda Fratres,
société fraternelle et festive étudiante, ni politique, ni
religieuse, qui prospéra depuis 1898 jusqu'à 1914. Elle regroupait
des dizaines de milliers d'adhérents sur les cinq continents. Elle
manque aujourd'hui. Elle peut renaître demain.
Comment ? Un
exemple : il existe une société festive à Sciences Po Paris :
la Batuka. Il existe des cercles festifs étudiants à l'Université
Libre de Bruxelles - ULB. Dans l'esprit de la Corda Fratres la Batuka
contacterait les cercles festifs étudiants. Pour venir à la grande
fête étudiante bruxelloise de la Saint Verhaegen. Et la Batuka de
son côté pourrait inviter les cercles bruxellois de l'ULB au
Carnaval de Paris. Les jeunes pourraient s'héberger les uns chez les
autres. Ça ne coûterait pas cher.
Tout cela et bien
d'autres initiatives festives sont possible. L'essentiel est d'avoir
la bonne orientation. Avec une bonne orientation et vingt-cinq ans
d'efforts je fais sortir dans la rue et défiler au Carnaval de Paris
cinq mille personnes. En prenant moins de temps il est possible
d'arriver à quantité de très beaux et très joyeux moments
festifs. Le but est de s'amuser. C'est le but le plus beau et le plus
noble qui soit. Que renaissent par milliers goguettes et sociétés
bigophoniques ! Que renaisse la Corda Fratres ! Vive la
Fête ! Amusons-nous pour et par la fête, la joie et la
fraternité !
Basile Pachkoff, Paris
les 18, 19, 20 et 21 février 2018
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