mercredi 9 janvier 2013

59 Pour des magasins gratuits


Quand j'étais petit, ma famille était dans la misère noire. Nous vivions à Paris. Dans les années 1950-1960, ma mère achetait fréquemment du poisson. A l'époque il était souvent très bon marché. Je me souviens encore du prix de la raie, un poisson pas cher que je détestais : 3 francs 15 le kilo.

Quand on achetait du poisson, il existait un rite : entre le moment de payer et celui où le poissonnier finissait de rouler le poisson dans son emballage de papier blanc, il prenait un bouquet de persil et l'ajoutait au poisson. C'était gratuit. Le persil était à l'époque gratuit. Bien plus tard j'ai été surpris quand j'ai vu du persil en vente. Et c'est devenu de nos jours habituel de le payer pour en obtenir.

Et pourquoi ne développerait-on pas demain ou après-demain un système de magasins gratuits où, comme hier pour le persil, on se servirait ou on serait servi sans donner en échange de l'argent ?

« Vous êtes fou ! Diront certains. Si cela arrive, les gens se serviront et videront les magasins pour emporter le plus possible de choses chez eux, du moment que ce sera gratuit ! »

Et pourquoi donc ? Et si ça devenait le cas, on pourrait l'interdire en punissant cette conduite.

Un tel système fonctionne déjà, d'une certaine façon, dans des restaurants chinois avec menu à volonté. Je l'ai vu à Écouen et à Paris. Il est précisé que ceux qui gaspillent de la nourriture en laissant celle-ci pour la poubelle dans l'assiette paie une somme supplémentaire : 5 euros.

Et croyez-vous que le système où on doit payer et où on est puni si on se sert sans payer soit meilleur, plus moral ?

Un homme, une femme qui a faim, ou dont les enfants ont faim et qui n'a pas d'argent, n'a pas le droit de prendre au magasin de la nourriture sans payer. Vous trouvez cela bien ?

Une vieille dame âgée de 94 ans devait 40 000 euros à sa maison de retraite. On vient de la jeter dehors. Les journaux en ont parlé ces jours-ci.

Oui, mais, ils en ont parlé parce que c'est la première vieille dame de France qui est jetée dehors de la sorte. Ou du moins, plutôt la première dont la mésaventure arrive jusqu'aux journaux.

Après, si ça continue dans la logique du MEDEF, du FMI, de la BCE et de la Commission Européenne, c'est à dire du capitalisme, il y en aura d'autres, des dizaines de milliers d'autres.

Et on n'en parlera plus que dans des rubriques spécialisées en pages intérieures du journal, de temps à autre.

Exactement comme pour le premier clochard retrouvé mort de froid dans un parking du 13ème arrondissement de Paris, il y a des années de ça.

Tous les journaux en ont parlé.

Et depuis, chaque année, c'est par dizaines, centaines, que des pauvres meurent  de froid, de faim en France dans la rue. Les journaux n'en parlent plus que de temps en temps pour annoncer un relevé statistique des victimes. On s'est habitué. Avec les vieux jetés dehors des maisons de retraite pour impayés, vous allez voir, ce sera pareil. A moins que tout change.

Basile, philosophe naïf, Paris le 8 janvier 2013

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