jeudi 3 janvier 2013

48 Diplomatie secrète


En octobre 2007, lors de l'affaire des caisses noires de l'Union des Industries Métallurgiques et Minières – UIMM, le responsable de cet organisme patronal français déclara que l'argent abondant de celles-ci servaient à « fluidifier les relations sociales », entendez, donner de l'argent aux dirigeants des syndicats de salariés pour obtenir leur complaisance.

Suite à ces déclarations, avec un ensemble remarquable, les médias se contentèrent de questions comptables et évitèrent soigneusement d'entrer dans d'intéressants détails. En particulier chercher qui, comment et pourquoi avait été arrosé financièrement de la sorte et avec quel résultat.

L'existence de ces pratiques financières fait comprendre le mécanisme de nombreux conflits sociaux. Ceux-ci éclatent. Les syndicats prennent la tête et les encouragent. La pression monte. Et, soudain, les syndicats sans raison apparente capitulent et démobilisent les salariés en lutte.

Pourquoi ? Parce qu'après avoir fait monter les enchères, les dirigeants syndicaux ont touché leur premier acompte et, en échange, font ce pourquoi ils ont été payé. Le versement du total a lieu certainement en plusieurs fois. La dernière intervenant après la fin effective du conflit social.

Qui dit versements, dit aussi négociations. Un soir de l'automne 2010, j'étais, avec une amie et sa grande fille, dans un restaurant chinois de l'avenue de la République à Paris. Nous étions en plein dans la période du très puissant mouvement de protestations contre la réforme des retraites qui avait mobilisé beaucoup de monde.

La fille de mon amie s'exclame soudain : « Mais, c'est Laurence X*** ! »

Je me retourne et voit effectivement qu'à une table pas loin est assise la patronne des patrons. Je la reconnaît bien, pour l'avoir vu plus d'une fois interrogée à la télévision. Elle est en conversation avec une jeune femme dont je ne vois pas le visage. Chose très étrange, Laurence est habillée avec des vêtements quelconques qui font « peuple ». On dirait qu'elle s'est déguisée pour passer inaperçue.

Nous commençons tous les trois à l'observer peu discrètement. Laurence, qui s'en aperçoit, paraît furieuse d'avoir été reconnue. Elle abrège sa soirée au restaurant. Quand elle le quitte, le personnel la traite visiblement en habituée.

Durant plus de deux ans, je n'ai pas trouvé d'explication à cette scène où la riche Madame X*** se déguise en pauvre pour rencontrer quelqu'un dans un restaurant certes de bonne qualité, mais pas du tout de grand standing.

L'explication que j'ai finalement trouvé est celle-ci : la patronne des patrons était en conversation avec une personne de confiance de la direction d'une confédération syndicale nationale de salariés. La Bourse du Travail étant d'ailleurs à deux pas. Quand on envoie une personne de confiance qu'on veut discrète, c'est souvent une femme plutôt qu'un homme.

Ce soir-là, mon amie, sa fille et moi, avons accidentellement assisté à un moment de la négociation de la liquidation du mouvement contre la réforme des retraites. Elle portait sûrement sur la façon de « fluidifier » les relations sociales. Elle a abouti peu de semaines après. Le mouvement de protestation a été liquidé par les directions confédérales syndicales nationales de salariés et la réforme des retraites voulue par Nicolas Sarkozy et Éric Woerth a été mise en application.

Basile, philosophe naïf, Paris le 3 janvier 2013

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