jeudi 31 décembre 2015

501 Qu'est-ce que la fête ?

J'ai longtemps déclaré que la fête c'était la rencontre. Et aussi un moment de créations artistiques à cette occasion. Le 28 décembre dernier, j'ai perçu un troisième élément essentiel qui définit la fête : c'est l'oubli, certes momentané, mais l'oubli complet, absolu des soucis.

J'étais ce jour-là invité à participer à une fête médiévale à Paris, avec un groupe musical et costumé. Grâce à l'organisateur, Pascal dit Raspoutine le Viking, nous faisions renaître une vieille tradition interrompue à Paris depuis 1630 : la Fête des Fous. Nous avons déambulé en musique, dansé en ronde à plusieurs reprises : sur un pont, près de la Fontaine des Innocents... Et durant ce temps-là, j'ai remarqué que j'abandonnais complètement les pensées relatives à mes soucis du moment. J'étais bien. Parfaitement heureux et insouciant. Rien que du bonheur. J'en ai parlé à un de ceux qui faisaient partie de notre groupe : « c'est la fête » m'a-t-il répondu comme commentaire. Ce ressenti m'a rappelé les propos de quelques grincheux tristes et aigris qui reprochaient au dix-neuvième siècle aux gens du peuple à Paris d'oublier leurs soucis durant le temps du Carnaval.

La presse, les médias qui prétendent nous « informer », de ce point de vue c'est vraiment à présent l'anti-fête. Ils ne nous parlent que de choses tristes et lamentables. Prétendent faire des problèmes des autres nos problèmes. Comme si ces derniers ne nous suffisaient déjà pas assez pour nous pourrir la vie trop souvent ! Mais heureusement que justement nous arrivons à oublier nos problèmes ! Comme le disait un journaliste parlant de la grande fête de la Mi-Carême parisienne au début du vingtième siècle : « amusons-nous et remettons à demain les affaires sérieuses ! »

Il y a des peuples qui sont très souriants alors que leur vie est très dure. D'autres dont la vie paraît nettement plus confortable et qui font sans arrêts la gueule. Une jeune fille de la campagne parlant des Parisiens en vacances les appelait devant moi : « les tout-tristes », faisant référence au mot « touristes » qu'elle déformait intentionnellement ainsi.

Qu'est-ce qui dans la fête nous aide à oublier ? Des costumes bizarres et inhabituels, de la musique, des rencontres nouvelles ou inhabituelles, de la danse, des échassières, des géants, des marionnettes géantes, et surtout une bonne atmosphère. Ce qui tue la fête ce sont ceux qui ramènent au cœur de celle-ci les soucis habituels, très souvent liés à la recherche du pouvoir et de l'argent. Quand dans une fête n'existe ni tarés obsédés du pouvoir, ni escrocs chercheurs de profits sur le dos des autres, la fête devient un asile, un oasis, un refuge loin des tracasseries habituelles de notre société. Qui est pourrie par la recherche obsessionnelle de l'argent pour l'argent et du pouvoir pour le pouvoir.

Quand la fête est authentique, même très petite, on y respire un air différent de l'air habituel. On se retrouve enfin entre humains. On est tous frères ! Il règne une atmosphère débonnaire de gentillesse partagée. Le Carnaval de Paris et le Carnaval des Femmes que j'organise chaque année est libre, bénévole, gratuit et auto-géré. Auto-géré signifie que chacun, chaque groupe s'organise pour venir. Il n'y a pas de chef, registres, inscriptions, bureaux, administration. On vient faire la fête et c'est tout. Ceux qui découvrent cette façon de fonctionner sont parfois surpris. Mais ils s'y font. Et tout le monde est content.

En qualité d'organisateur j'ai du mal au Carnaval de Paris et au Carnaval des Femmes a oublier mes soucis à ces occasions. Mais au moins je parviens à les faire oublier à d'autres, les rend heureux. Et c'est déjà ça de gagné pour moi, car j'aime les gens. A la fête, arriver à ne pas penser à nos problèmes. Les ignorer. Les oublier. De toutes façons ils sauront bien se rappeler à nous un jour ou l'autre. Que nous le voulions ou non. La fête a donc trois aspects, trois rôles essentiels : l'oubli complet des soucis, la rencontre, et la création artistique dans les domaines les plus divers.

Basile, philosophe naïf, Paris le 31 décembre 2015

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