jeudi 17 décembre 2015

492 L'évolution de la société

L'évolution de la société où nous vivons est soulignée par moments par de quasi imperceptibles modifications qu'il faut avoir la présence d'esprit de remarquer. En 1961, en feuilletant une revue soviétique, « Ogoniok », ce qui veut dire en russe « petite flamme », une photo en noir et blanc nous a frappé. Prise dans un parc en Russie, elle montrait un jeune homme assis sur un banc auprès d'une poussette avec un bébé. Et aucune femme à son côté ! C'était visiblement un homme qui veillait seul ici sur un petit enfant ! C'était proprement incroyable ! Surréaliste ! A Paris, voir une pareille chose aurait été invraisemblable ! A croire que cette photo avait été truquée, posée spécialement pour nous faire croire à une telle façon irréelle de vivre ! Mais pourtant, mon frère aîné ayant visité la Russie en 1961 nous a confirmé l'incroyable : oui, il y avait effectivement en Russie dans les parcs des jeunes hommes s'occupant seuls de leur bébé ! A l'époque nous disions : « en Union soviétique », et pas « en Russie ». Mais il s'agissait bien de la Russie. Aujourd'hui voir un homme à Paris accompagnant seul un petit enfant ne surprend personne. Mais du temps a passé depuis 1961.

En 1977, je remontais la rue des Thermopyles, dans le quatorzième arrondissement de Paris. J'ai dépassé deux jeunes gens. Et me suis retourné stupéfait par ce que je venais de voir. Le jeune homme portait un bébé avec un harnais ventral. C'était totalement inhabituel et extrêmement bizarre. A présent c'est courant. Il y a quelques années à Paris je voyais dans un des jardins de l'Observatoire une jeune fille proposer à son copain de s'asseoir sur ses genoux. Il refusait. A quelques temps de là j'observais une scène quasi similaire. Sauf que le jeune homme s'asseyait sur les genoux de la jeune fille. Et l'instant d'après se relevait prestement en riant franchement de la bonne blague qu'il venait de faire ! Il était impensable qu'un jeune homme s'asseye sur les genoux d'une jeune fille. Ça faisait soumission, bébé... Inversement et depuis bien des années il était courant de voir une jeune fille s'asseoir sur les genoux d'un jeune homme. Là également les mœurs ont évolué. Il y a deux ou trois jours je m'en faisais la réflexion, observant un jeune homme qui, sans problème, s'était assis dans le métro sur les genoux de sa copine. Les mœurs évoluent, changent, pas toujours en bien. Et notre monde n'est pas forcément comme nous pourrions le croire. Ainsi, je me disais récemment : il n'est pas étonnant que les jolies filles ne s'intéressent pas à moi, étant donné que je suis pour elles vieux, moche, pauvre et mal logé. Mais voilà que je parle avec un ami. Il est jeune, beau, plutôt riche, a un bel appartement, etc. Bref, a tout ce qui me manque. Il est de plus cultivé, intelligent, généreux, a le sens de l'humour, un travail passionnant et qu'il adore. On imaginerait alors que les femmes l'adorent ? Pas du tout, il est maltraité pareil que s'il était vieux, moche, pauvre et mal logé. S'il offre quelque chose, ce n'est jamais assez bien, etc. Tout ceci pour dire que finalement je pense que quand on a l'impression d'être boycotté par les jolies filles, ça n'est pas forcément toujours simplement parce qu'on a des problèmes, des manques ou des handicaps. Mais ça peut être aussi parce qu'elles ont des problèmes.

Certains hommes vont « jouer les atouts de même couleur » et se proclamer homosexuel. C'est leur droit. Par contre, ce qui me frappe c'est la recherche frénétique de la « reconnaissance sociale » par certains d'entre eux. Au lieu de simplement vivre la vie qu'ils ont choisi, il leur faut brandir leur qualité. Et accéder à une reconnaissance de celle-ci. Pour cela, notamment, faire une déclaration solennelle de leur homosexualité, comme si ça concernait tout l'entourage et au delà. Moi, comme je dis, la démarche sexuelle de mes voisins, par exemple, m'importe peu. Il m'importe infiniment plus qu'ils ne soient pas bruyants la nuit. Qui dit « reconnaissance sociale » dit pression sociale. Être agréé par son entourage dans ses choix intimes n'est pas dépourvu de risques. Ainsi, ayant proclamé haut et fort notre union, une amie et moi, plusieurs années après nous nous séparions. Et bien l'agrément approbatif - pas toujours complètement sincère, - de notre entourage, a certainement contribué à rendre cette rupture plus pénible encore. Car au lieu de nous concerner seulement nous elle prenait une dimension collective et sociale.

Basile, philosophe naïf, Paris le 17 décembre 2015

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