dimanche 20 décembre 2015

493 L'homme disloqué et horrifié

Notre culture a disloqué l'homme en au moins trois parties. Ce qui fait qu'il ne reconnaît pas son image, la refuse et la juge. Les parties imaginaires entre lesquelles il prétend se diviser sont le sentimental, le sensuel et le sexuel. Ainsi, il pourrait aimer indépendamment de tous contacts réels ou rêvés. Il pourrait être « amoureux » et se morfondre dans son coin de s'en tenir là par la force des choses. Il réussit si bien à s'auto-suggérer cet amour infirme qu'il se rend facilement très malheureux avec. La sensualité décrochée du reste est encore autre chose. Il ignore généralement l'art de donner ou recevoir les caresses et passe tout de suite au troisième segment : le « sexuel ». Il y aurait soi-disant un domaine réservé qui serait lié au coït et indépendant du reste. Pour confirmer cette illusion, il a même créé le métier de prostitué qui baise et s'en tient là en échange d'argent.

Cette dislocation entraine le rejet, le refus, l'insupportabilité de l'image. L'homme refuse généralement la nudité. En a horreur, la trouve scandaleuse. Alors qu'il s'agit simplement de son état naturel. Je me faisais tout dernièrement la réflexion que la phrase : « il aime voir des femmes nues » est absurde. Il devrait suffire de dire : « il aime voir des femmes ». Car voir implique de ne pas avoir son regard empêché par un vêtement. Mais notre société qui a inventé « le corps » pour mieux le haïr a décrété que notre état « normal » c'était d'être habillé. L'horreur de la nudité se concentre sur certaines parties de l'être humain. Le sexe et les fesses de tous et les seins des dames sont exécrés. Le sexe de la femme dont nous sortons tous, ses seins qui nous ont nourri enfant, sont jugés obscènes et dangereux. Notre société est bien malade.

Au pire du pire notre culture a placé l'érection. Celle-ci intervient pour quantité de motifs. Notre culture les a nié tous excepté le coït. L'érection soi-disant appellerait le coït. Cette interprétation qui égare a placé le sexe masculin en érection au sommet de l'horreur. Beaucoup d'histoires délirantes en sont le résultat. L'homme qui bande s'imagine qu'il a envie de baiser et commet des bêtises en fonction de ce délire. Quand un garçon a entre 12-13 et 17 ans il bande avec beaucoup de facilité. On lui en fait honte ou fierté, ce qui n'est pas mieux. Cette facilité le fera fuir des camps naturistes où tout le monde est nu. L'interdit de bander en public n'est inscrit dans aucun règlement de centre naturiste, mais est implicite. Tous naturiste averti se balade en permanence avec une serviette soi-disant pour s'asseoir. En fait pour s'asseoir mais d'abord pour cacher la « honte » de l'érection !

Le drame de la dislocation qui rend horrible la vue du « corps », de la « nudité », c'est-à-dire de lui-même, va amener à juger la « beauté ». Alors que l'homme est naturellement beau et harmonieux quand il est nu, habillé il sera classé. Très beau, beau, pas beau, franchement laid... les belles seront traitées en gibier sexuel harcelées sans cesse par des mâles ahuris et imbéciles. Les vieux, les vieilles, déclarés moches seront considérés comme des rebuts.

La gestion des endorphines va venir poser problèmes. Quand il gâtise amoureux, l'homme sécrète des endorphines et se shoote à l'amour insatisfait. Alternant gâtisme réconfortant et désespoir déstabilisant. Il peut se pourrir ainsi la vie durant dix années et plus. Une grosse contrariété peut l'amener au suicide pour cause de délire contrarié. Drogué, il est bête, vulnérable, exploitable. Quantité de personnes malhonnêtes savent profiter de leur « amoureux » ou « amoureuse ».

Le confinement des caresses dans le pré carré et bien clôturé de « l'amour » conduit à la carence générale, voire la famine de câlins. En attendant l'amour, on va se priver. Durant l'amour on sera le plus souvent insatisfait. Après on sera déçu. Et la dureté de la déception fera qu'on souhaitera éviter de prendre le risque de recommencer. Le sexuel enfin sera la pire des tartes à la crème qu'a inventé notre société. Ce serait soi-disant le bonheur-même prêt à consommer. On mange l'autre. On est mangé. L'égoïsme est porté au pinacle. Résultat on est malheureux. Il faut chercher ailleurs.

Basile, philosophe naïf, Paris le 20 décembre 2015

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