mercredi 23 décembre 2015

495 L'apocalypse permanent des trous sur abonnements (TSA)

Notre société est ruinée et minée en permanence par un phénomène culturel tellement ancien et ancré dans les traditions régnantes qu'on n'a même pas le plus souvent conscience de son existence. La relation entre adultes est régie par la règle des trous sur abonnements. Chaque femme est sensée à un moment-donné connaître un homme auquel son vagin sera fourni à discrétion et qu'il devra régulièrement honorer de sa semence. Ce sera littéralement la mise sous abonnement du trou ad hoc. Il y aura l'abonné, l'homme, et le trou sur abonnement. Le drame est que si l'acte sexuel par lui-même relève de la nature, la prétention de le régir ainsi est parfaitement arbitraire. Et comme la Nature n'aime jamais être maltraitée, elle se venge en faisant du désordre. Le trouble engendré sera et est présentement dévastateur.

Comme la planification de l'abonnement, sa jouissance, sa gestion, ses obligations concomitantes sont artificiels et arbitraires, ça va donner par exemple :

Une dame veuve et en manque de câlins : impossible de la caresser, même juste un peu. Pourquoi ? Parce que dès la première caresse va être posé la problématique de l'abonnement. Or, il n'y a pas désir. Et le désir permanent n'existe pas. D'où raisonnable évitement du câlinage de la veuve.

Une jolie jeune fille vit seule. Elle est adorable. Ses formes appellent des caresses... Elles sont hors de question. Car la première caresse posera d'emblée la question de l'abonnement. Or cette jeune fille n'a pas d'attirance sexuelle, de désir existant. D'où pas de câlins, impossibilité d'en échanger.

Une jeune femme jolie et très sympathique déclare à un homme qu'elle va partir en vacances « avec son amoureux ». Cet aimable propos, dans le contexte du règne des TSA (trous sur abonnements) va prendre le sens de : « tes caresses, je n'en veux pas ! » Même si elles ne sont pas à l'ordre du jour, c'est violent et vexant. Je m'explique : imaginons que vous fassiez de la cuisine régulièrement. Si vous croisez quelqu'un que vous ne faites nullement profiter de vos plats, qui va s'exclamer : « ta cuisine ? Il est hors de question que j'y goûte ! » ce sera agressif et vexant quand-même.

Un jeune homme qui se déclare en couple arrange avec douceur la frange d'une collègue de travail. Ce geste aimable et doux, dans le contexte du règne des TSA signifiera : il la drague. Il veut frauder et mettre sa queue dans son trou.

Une dame en couple apprécie visiblement les câlins d'un ami. Celui-ci les évite, car il sait que suivant le règne des TSA, la dame finirait par envisager un ménage à trois. L'ami n'est pas intéressé. Alors, il évite de faire des câlins à la dame.

Une très jolie fille, rigoureusement impossible à caresser, littéralement intouchable. Car elle est partisane à fond du principe des TSA. Elle se trouve un abonné, puis le surveille avec une jalousie terrifiante. Et au premier soupçon le largue aussitôt. Elle a un « compagnon » en ce moment. Ce n'est ni le premier, ni le dernier. Combien de temps l'abonnement va durer ? Nul ne le sait, très probablement ça ne durera pas longtemps.

Deux très jeunes filles rêvent de câlins. Mais ne voient et connaissent que le règne des TSA. Comme elles ne ressentent pas un désir concomitant et aspirent aux caresses, elles pratiquent une valse hésitation. Quand un homme leur plaît, elles cherchent à lui plaire. L'allument à mort et le jettent avant de « conclure ». Tout en rêvant de rencontrer « le bon » qui n'existe que dans leurs rêves.

Une fillette dans le métro parisien bondé est restée debout. Un homme qui est assis voit qu'elle voudrait bien s'asseoir. Mais évite de lui proposer de la prendre sur ses genoux. Motif : dans la culture des TSA régnante ça signifierait... l'initiative douteuse d'un pervers qui cherche à gouter sexuellement un fruit vert. Il existe d'ailleurs hélas des détraqués qui traduisent ainsi le règne des TSA et s'en prennent à des enfants. Ils sont incapables de voir le monde relationnel sans les lunettes déformantes des TSA.

Certains hommes qui manquent de câlins vont apprécier d'autres hommes. Et, comme ils voient le monde avec des lunettes TSA, ils en concluront qu'il s'agit d'une attirance « homosexuelle ».

Un homme et une femme s'entendent à merveille. Voilà qu'un jour l'entente spirituelle amène quelques caresses. La dictature tragique du règne des TSA va inter-agir et progressivement ronger et détruire la très bonne entente de départ. Car s'il y a câlins, la dictature du règne des TSA exigera d'aller au trou et le remplir. En bons petits soldats du cul et aux applaudissements de l'entourage qui ne voit de câlins que mâtinés de cul, les deux amis vont se mettre à l'ouvrage. Sans grand résultat. Leur accord est humain et affectif et pas l'expression d'un accord avec l'artificiel règne des TSA. Les efforts pour se conformer à l'abonnement amèneront des éléments perturbants. La jalousie et également l'angoisse pour l'avenir des enfants à venir, bien sûr ! Finalement, c'est à la veille du mariage que la femme partira en courant, laissant un terrain affectif dévasté. La belle amitié du début a succombé au règne des TSA !

Si on prend conscience du règne aberrant et dévastateur des TSA, reste qu'il apparaît des plus ardus de s'extraire de la gangue de celui-ci. Ne serait-ce qu'exprimer un désir de câlins ne conduisant pas à la mise en place à terme de TSA paraît extrêmement difficile. Ce n'est vraiment pas du tout évident.

Certains croiront éviter le problème des TSA en prétendant s'abonner ouvertement et simultanément à plusieurs trous à la fois. Ils baptiseront parfois cette démarche le « polyamour ». D'autres chercheront à s'abonner à un centre de trous sur abonnements : club libertin ou plage libertine. Mais le problème n'est pas l'exclusivité, mais le principe de l'abonnement. Sur quelle base peut-on décréter que si on s'aime on a forcément envie de baiser et recommencer à baiser ? C'est proclamer un arbitraire relationnel qui ne corresponds pratiquement jamais à la réalité des sens et des sentiments. Si j'ai vraiment envie de faire l'amour avec une personne donnée, au nom de quoi puis-je prétendre que j'en aurais toujours envie dans six mois ou cinq ans ?

Alors, on s'arrange, on ment souvent. Et on souscrit à des théories aberrantes et à la mode, comme celles des zones érogènes. Il y aurait des zones précises qui appelleraient nécessairement le coït si on les sollicite par la caresse. Si on y croit, c'est facile de se suggérer un appétit artificiel pour une chose dont on n'a pas envie. Et baiser sans en avoir vraiment et authentiquement envie. C'est comme manger sans avoir faim. Ça nuit souvent à la santé. Et ça rend au bout du compte la nourriture insipide et écœurante.

Mais, au nom de toutes sortes de théories plus ou moins tirées par les cheveux, on continue à encenser le mythe de l'authenticité du règne des TSA. On verra même faire appel à la psychologie ou aux médicaments pour soigner « les troubles de la libido ». Si vous n'avez pas envie de baiser, ce n'est pas normal, on va vous soigner ! On invente ainsi de nouveaux traitements pour des maladies imaginaires. Ils sont réglé auprès des spécialistes avec des espèces sonnantes et trébuchantes et pas du tout imaginaires. Ce qui fait que ces heureux « thérapeutes » ne s'aviseront généralement pas de vous dire que vous n'avez rien, mais que c'est la société qui est malade du règne des TSA. De toutes façons, comment pourraient-ils identifier un trouble dont ils souffrent eux-mêmes et qu'ils ne croient pas être un trouble ? S'émanciper du règne des TSA c'est aussi s'émanciper du règne d'un certain nombre de charlatans qui prétendent vous apprendre à gérer correctement votre cul.

Basile, philosophe naïf, Paris le 23 décembre 2015

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire