mardi 8 décembre 2015

483 La « programmation » ou l'art de se pourrir la vie

Il existe un moyen des plus simples de se pourrir la vie, que je baptiserais : « la programmation ». Vous avez l'idée d'une chose désagréable à faire. Par exemple : aller dans un endroit désagréable où il y a du pour et du contre pour aller. C'est le soir. Vous vous dites : « bon, demain j'y vais. » Rien ne vous oblige vraiment à le faire. C'est juste une pensée qui vous vient. Le lendemain, vous vous réveillez et levez de très méchante humeur. Une pensée vous obsède et vous poursuit : « il va falloir que j'aille à cet endroit désagréable aujourd'hui ! »

Pourtant, rien ne vous y oblige. Vous pouvez très bien remettre ou annuler ce déplacement. Mais là, vous avez l'impression de ne pas être libre de votre choix. Vous devez y aller. Et comme c'est une perspective désagréable, vous commencez à traîner, angoisser, culpabiliser...

En fait, strictement rien ne vous ôte la liberté d'agir autrement. Par exemple : de remettre cette chose désagréable à plus tard. Vous pouvez très bien respirer et vivre librement votre journée. La seule et unique chose qui vient vous tourmenter, en réalité, c'est la programmation. Le fait que hier soir vous avez « prononcé » mentalement cette phrase : « demain, je dois aller à cet endroit. »

Pour vous débarrasser de cette situation désagréable et vivre pleinement et librement votre journée, il vous suffit de déprogrammer. Vous dire : « si j'ai l'impression de devoir faire ça à présent, alors que rien ne m'y oblige, et même que c'est beaucoup mieux de remettre ça à plus tard, c'est à cause de cette programmation. Je n'ai pas à en tenir compte. » Et ouf ! Ça va beaucoup mieux ! Vous êtes libre.

Si on ajoute que le genre de pensées : « il faut que je fasse ça demain » est classiquement consacrée à un acte désagréable et ennuyeux, on comprend que la programmation vous pourrisse d'autant plus la vie. On s'invente ainsi des obligations qu'on n'a pas. Si, un jour, vous vous tourmentez à cause d'une chose ennuyeuse que vous pensez devoir faire, pensez à vous demander : « mais n'ai-je pas lancé hier soir, ou la semaine dernière, une programmation qui fait que je crois, que j'ai l'impression de devoir absolument faire cette chose maintenant. Alors qu'en fait rien ne m'y oblige ? »

La programmation est une forme de désordre subtil, car elle vous prive de réflexion, sens critique, liberté. C'est juste une affirmation bête : « aujourd'hui avant telle heure, ou : à telle heure, je dois appeler cette emmerdeuse. Ou : aujourd'hui, c'est mardi, je dois aller à cet endroit qui m'emmerde passablement. » Et bien non. Rien ne m'y oblige. Ce sont juste des pensées de programmation parasite que j'ai énoncé mentalement hier soir. Je m'en débarrasse et vis tranquillement ma vie.

La programmation fait partie de ces pensées toxiques au même titre que d'autres. Par exemple : « Ça s'est passé l'année dernière et j'ai l'impression que c'était hier. Comme le temps passe vite ! » Ou bien : « si je fais ça, qu'est-ce qu'on va penser de moi ? » Ça n'a aucune importance. Ce qui compte c'est ce que vous allez penser de vous. Il vaut infiniment mieux avoir raison tout seul que se tromper avec les autres.

Je vois fréquemment des gens dirent : « bon, ils se plaignent de leur situation, mais ne font rien pour que ça change. » Et alors ? Les « gens » sont libres d'être cons. Où est le problème ? Pourquoi n'aurait-on pas la liberté d'être totalement stupide et abruti ? La seule chose que vous avez à faire étant de s'efforcer de ne pas suivre le mauvais exemple. Quantité de gens sont de parfaits ânes. Ils font de très grands efforts pour réussir à être malheureux. Et leurs efforts sont récompensés. Plutôt que s'en désoler, félicitons-les pour leur persévérance. Et rions sous cape de leur bêtise. Nous n'avons pas pour rôle de jouer les Monsieur Propre qui arrangent toutes les affaires du monde.

Basile, philosophe naïf, Paris le 8 décembre 2015

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