mardi 1 décembre 2015

476 Le mythe laïque du Sergent recruteur

Affiche ancienne de recrutement.

Il y a plus de deux cents ans, on trouvait dans le royaume de France des hommes qui étaient chargés de recruter de la chair à canon pour alimenter les guerres. Qui sont, comme chacun sait, la distraction préférée des rois. La gloire d'un roi se mesure au nombre de maisons pillées et incendiées, civils et militaires tués ou estropiés, et femmes et jeunes filles violées en marge des victoires ou des défaites. Plus un roi a semé la mort et la désolation par ses caprices conquérants, plus il est « grand ». Et, quand il passe sa vie durant à emmerder le monde entier avec ses appétits de « conquêtes », il accède au titre envié de « grands conquérants ». Pour avoir ruiné des contrées entières avec son appétit stupide, Alexandre II de Macédoine est devenu « Alexandre le Grand ». Et la gloire du Roi Soleil Louis XIV se mesure en large partie avec les malheurs que ses fantaisies guerrières ont causé à des dizaines de milliers de gens qui ne lui avaient rien demandé. Si ce n'est de leur foutre la paix.

Donc, pour assurer la prospérité de la connerie des rois, il fallait des soldats. Or, en ces temps-là, point de conscription pour rafler à domicile tous les jeunes hommes valides. Il fallait aller les chercher. Pour cela fonctionnaient les « Sergents recruteurs ».

Ils se promenaient dans le pays. Invitaient à boire les jeunes gens. Leur vantaient le prestige et la beauté de la vie militaire. Et s'efforçaient surtout de leur faire signer un engagement. Signer, pour des hommes analphabètes consistant à tracer une croix en bas d'un document imprimé.

Une fois la croix tracée, ils étaient « engagés ». Et s'ils ne suivaient pas leur engagement, les soldats du roi se chargeaient de les attraper comme déserteurs et envoyer aux galères.

Toute la subtilité de la chose consistait à faire croire aux malheureux qui avaient signé, souvent en état de complète ébriété, qu'ils étaient responsables de leur sort. Car ils avaient signé. Tel est le mythe laïque du Sergent recruteur. En fait, ce papier n'était strictement rien. Juste un peu de cellulose avec des traces d'encre dessus. Mais, soi-disant, ce morceau de papier commandait et ôtait sa liberté à l'homme ainsi « engagé ». La réalité était qu'en fait l'engagement reposait sur la chasse aux réfractaires, qui, ayant stupidement barbouillé d'une croix le bas d'une feuille, prenait conscience de leur intérêt et fuyaient.

Faire croire qu'un bout de papier barbouillé d'encre commande aux humains est un mythe toujours vivant. Il a eu des conséquences odieuses et étonnantes dans les années 1830 en Algérie. Les Français colonisant l'Algérie arrivaient dans un pays de droit oral et pas de droit écrit. Avisant de belles propriétés agricoles, ils interrogeaient ceux qui étaient visiblement les propriétaires : « c'est à vous ? » « Oui », répondaient les propriétaires. « Vous avez des titres de propriétés ? Des documents écrits attestant que c'est à vous ? » Ils n'en avaient pas. Et on leur confisquait leurs propriétés.

Aujourd'hui, quand on détruit tranquillement tout ce qui fonctionne dans un certain nombre de pays, c'est toujours au nom du mythe du Sergent recruteur. Si on doit foutre en l'air ce qui assure la qualité de la vie en France et pas seulement, c'est parce qu'on a « signé les traités européens ». Et demain parce qu'on aura signé le TAFTA et le TISA entre l'Europe et les USA, versions modernes de la croix tracée au bas de l'engagement militaire de jadis. Mais que valent ces signatures ?

En fait, elles n'ont aucune réalité. Quand le gouvernement hongrois a décidé de reprendre le contrôle de la banque centrale de Hongrie, il y a peu d'années de ça, les « Européens » ont poussé des cris d'orfraie. Puis se sont écrasés. Le mythe du Sergent recruteur n'a pas plus de réalité que la croyance qu'on accorde à la valeur magique d'un peu d'encre au bas d'un morceau de papier.

Basile, philosophe naïf, Paris le 1er décembre 2015



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