« Nous sommes, à
n'en pas douter, dans une période prérévolutionnaire, au sens de
1789. Les cadres, et d'une façon plus générale, les classes
moyennes, seront demain, comme les bourgeois naguère, les
catalyseurs de la révolution. » … « Il y aura de plus
en plus de revendications et de moins en moins de moyens capitalistes
pour les satisfaire et de moyens policiers pour les endiguer. Une
étincelle suffira pour déclencher des mouvements irréparables. »
… « S'attaquer à des niches sociales, c'est s'attaquer aux
plus démunis en adaptant une terminologie qui donne l'impression
qu'il y a là des privilèges exorbitants, ce qui reste à
démontrer. »
Ces citations ne sont pas
extraites d'un tract revendicatif radical, mais d'un article
intitulé : « À
quand l'étincelle de la révolution ? » paru le 17
septembre 2008 dans le journal « Le Monde », sous la
plume d'un grand patron : Georges Pébereau.
J'ai vécu il y a
cinquante ans mai 1968. J'avais dix-sept ans et m'en souviens très
bien. Je remarque des analogies évidentes avec 2018 :
Une crise sociale diffuse
qui s'étend comme une sorte d'inondation partout. Un sentiment
général d'incertitude, inconfort, crainte sociale. On ne compte
plus sur « la société » pour parvenir à régler notre
sort et celui de nos enfants si nous en avons. Une décrédibilisation
des politiques en place qu'on ne prend plus, par delà leurs défauts,
au sérieux comme des garants valables de notre tranquillité. Et un
ras-le-bol politique vertigineux.
Nos gouvernants, comme
toujours en pareil situation, paraissent totalement dépassés par
les événements. Ils font penser à un équipage de bateau-mouche
qui se trouve subitement confronté à devoir commander un navire
dans une tempête en haute mer. Ils ne savent pas comment faire et
comprennent de moins en moins la situation.
La politique c'est
l'art d'accorder les possibles. Or ils semblent plus attachés
à des dogmes économiques qu'à un réalisme qui commanderait de
reculer sur certains points. Par exemple, ils entreprennent à la
fois une offensive contre les cheminots et contre les étudiants.
Susciter le mécontentement simultané de deux puissants opposants
n'est ni judicieux, ni prudent.
Pour marquer sa
détermination, en plein conflit social, le président entreprend de
faire voter très vite la réforme qui fâche les cheminots. Mais il
se tire une balle dans le pied en agissant ainsi. Car s'il est obligé
de reculer demain, comment fera-t-il ? Il se prive de l'espace
derrière lui permettant d'éventuellement faire machine arrière
sans perdre trop de plumes. Il veut donner l'impression d'être sûr
de gagner. Mais il peut aussi perdre. Et s'il perd il s'ajoute des
ennuis supplémentaires.
Autre exemple fâcheux :
la reconquête du bocage de Notre-Dame-des-Landes par une véritable
armée de deux mille cinq cent militaires. Qui part en campagne
contre une poignée de cabanes habitées située dans des bois que
personne ne revendique plus depuis l'abandon du projet d'aéroport.
Est-ce là une
démonstration de force et d'autorité ? Cette coûteuse
opération qui dure plusieurs jours est plutôt une démonstration de
faiblesse. Car face à des mobilisations revendicatives plus coriaces
et nombreuses tout le monde sait que les moyens officiels sont
limités. Contre quelques dizaines réunir deux mille cinq cent, mais
contre des millions réunir... des dizaines de millions ? À
vouloir démontrer sa force, le président montre son manque de
forces. Dans ce cas reste la négociation. Mais il n'en veut pas non
plus. Où cela nous mène-t-il ? Ce n'est pas une bonne manière
de gérer un pays. Et la France est un très grand pays avec beaucoup
de traditions qui peuvent toujours resurgir.
Basile, philosophe naïf
mais pas trop, Paris le vendredi 13 avril 2018
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