En France, en novembre 2017, une
information propagée par les médias a défrayé la chronique. En
région parisienne, un homme de trente ans a été acquitté par un
tribunal qui le jugeait pour avoir eut à vingt-deux ans une relation
sexuelle avec une fillette de onze ans. Le tribunal a déclaré la
fillette consentante. Ce qui a provoqué de très vives
protestations. Les commentateurs soulignant le fait que la fillette
était un être pur et innocent, très loin de la sexualité. Et que
les jurés de la cour d'assises avaient été d'un autre avis en
prenant leur décision. Le parquet a fait appel à minima. J'ignore
quelle suite a été ou sera donnée à cette affaire.
Cependant, beaucoup de
commentaires indignés m'ont laissé songeur. Que ladite fillette
était précisément un être pur et innocent et très loin de la
sexualité est tout à fait possible. Que le jugement rendu témoigne
d'une indulgence qui, dans ces conditions, ne paraît pas du tout
justifiée, soit. Cela semble bien être ici le cas. Mais les
commentateurs ajoutaient qu'en général toutes les fillettes de onze
ans sont des blanches colombes. Et que quand elles rencontrent la
sexualité, c'est le fait de noirs et très vilains corbeaux.
Devant ce blanc seing
décerné aux fillettes de onze ans du monde entier je reste
songeur pour une bien simple raison. Quand j'avais sept ans j'ai été
violé par une fillette qui avait justement... onze ans. De cet
incident, soixante ans plus tard, je ne me suis toujours pas
totalement remis. Je conserve au fond de moi une peur panique des
femmes que pourtant j'adore. Tout comme j'adorais ma sœur quand elle
s'est très mal conduite avec moi.
Alors, quelle crédibilité
accorder à ces décerneurs systématiques de brevets de pureté angélique à des
êtres pas toujours aussi angéliques que ça ? Et pour
approfondir un peu la question, j'ajouterai quelques éléments.
J'avais onze ans quand ma
famille a reçu la visite d'une dame américaine accompagnée d'une
petite fille également américaine et prénommée April. Elle était
âgée d'environ neuf ans.
Elle a passé la soirée
à me donner de force des baisers sur la bouche. Ce qui me dérangeait
atrocement. J'en étais très mal à l'aise. Et voyant ça, mes
parents et mes deux frères riaient, riaient... Je n'ai jamais revu
April.
Comme je n'allais pas à
l'école, en dehors de ma sœur c'était la première petite fille à
laquelle j'avais affaire.
En 1964 j'avais treize
ans. Ma famille et donc notamment moi habitions dans le deuxième
atelier d'artistes au fond d'une cour du quatorzième arrondissement
de Paris. De part et d'autre de cette cour, séparé à chaque fois
par une grille, était une cour adjacente. Nous étions au numéro 28
d'une rue plutôt paisible. Les deux autres cours étaient
respectivement celle du 26 et celle du 30.
Comme l'été je restais
à prendre le frais dans la cour du 28, je ne me souviens pas
comment, j'avais sympathisé avec des jeunes voisins du 30. Il y avait là
trois sœurs, de treize, quinze et je crois dix-huit ans, un jeune
garçon de onze ou douze ans et une fillette de six ans.
Je n'avais autant dire
pas de contacts avec l'aînée des trois sœurs. Celle de treize ans
m'attirait. Celle de quinze ans me séduisait. Il n'y avait rien
entre nous. À l'époque j'avais déjà des érections humides et une
sexualité réduite à la masturbation, que j'avais découvert tout
seul. Et ne risquais pas d'en parler à qui que ce soit. C'était
pour moi une activité honteuse et irrésistible à laquelle je
m'adonnais régulièrement une fois par jour, très rarement deux, et
toujours absolument en cachette.
Un jour que j'étais près
de la grille séparant la cour du 28 de celle du 30, dans la cour du 30 la fillette de six ans vient vers moi.
Elle prend un air bizarre et, en insistant, me demande d'approcher.
Intrigué je m’exécute. Et voilà que subitement la main de la
fillette jaillit à travers la grille et vient sur mon sexe !
Choqué, j'ai pris peur et suis parti en courant. Je me souviens que
ma réaction immédiate a été une érection avec émission d'un peu de
ce liquide que bien des décennies plus tard j'apprendrais être baptisé
« pré-coïtal ».
Gêné et intrigué par
cet incroyable incident complètement inattendu, j'ai regardé du
côté de la cour du 30. L'appartement des trois sœurs et leurs
parents avait ses fenêtres au quatrième ou cinquième étage.
C'est là que j'ai aperçu
la sœur de mon âge, treize ans, qui regardait, installée à sa
fenêtre. J'ai compris alors que c'était elle qui avait manigancé
l'incident en demandant à la fillette de six ans de me toucher ainsi
par surprise.
Je n'ai jamais rien dit à
personne de cette agression sexuelle. À l'époque, j'ignorais jusqu'à
la définition de ce qui venait de m'arriver.
Ça se passait quatre ans
avant mai 1968 et son « interdit d'interdire ».
Donc en 1964, très précisément. Depuis, le sexe a largement envahi
bien des domaines de la société. Mais, comme on le voit ici, les
agressions sexuelles, ici commises par des filles, existaient déjà
bel et bien.
Les blanches colombes ne
sont pas toujours aussi blanches que ça. Et les noirs et très
vilains corbeaux ne sont parfois pas si noirs et si vilains qu'on
le dit.
Ce texte est une contribution
au débat sur les colombes et les corbeaux.
Basile philosophe naïf,
Paris le 2 avril 2018
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