Du temps de Molière, en
France, on pouvait dire ou écrire à quelqu'un « je vous
aime » sans que ça signifie une quelconque obligation
sexuelle. Un « amant » c'était quelqu'un qui aime
d'amour et est aimé. Un « amoureux » quelqu'un qui aime
d'amour et n'est pas aimé en retour. « Embrasser »
signifiait « prendre dans ses bras ». « Baiser »
signifiait donner un baiser. « Faire l'amour » signifiait
« faire la cour ». Aujourd'hui la langue de l'amour s'est
appauvrit. On ne peut plus dire ou écrire à quelqu'un « je
vous aime » ou « je t'aime » sans que ça ait une
connotation pré-coïtal. « Amant » signifie qu'on a
affaire à quelqu'un avec qui on couche. « Embrasser »
signifie donner un baiser. « Baiser » signifie et
vulgairement réaliser l'acte sexuel. « Faire l'amour » a
la même signification en plus aimable. Il n'existe aucun mot ou
expression pour dire qu'on veut ou on va dormir avec quelqu'un.
Coucher avec quelqu'un, passer la nuit avec quelqu'un, aller au lit
avec quelqu'un, dormir avec quelqu'un a toujours la signification
implicite qu'on va s'accoupler avec. Pourtant on peut très bien
vouloir dormir avec quelqu'un sans réaliser cette activité.
C'est difficile d'y voir
clair quand le langage lui-même est biaisé. Il faudrait redresser
le langage qui nage dans une sexualité sommaire implicite. Par
exemple j'aimerais que « faire l'amour » signifie avoir
une attitude amoureuse sans pour autant nécessairement s'adonner au
sport en chambre.
L'amour « libre »
c'est aussi la liberté de ne pas chercher le coït à tous prix.
Quand le poète Georges Brassens écrit « la bandaison, papa,
ça ne se commande pas », je le cite de mémoire, il montre
qu'il n'a rien compris. L'érection ne signifie nullement forcément
comme il le sous-entend ici, que l'acte sexuel est désiré, que
c'est un besoin immédiat et une chose souhaitable. En dépit des
discours qui le prétendent, l'érection ne signifie absolument pas
forcément qu'il existe un désir concomitant. Quantité de raisons
peuvent la provoquer. Si on se croit intelligent de chercher
l'intromission du membre raidi dans un orifice naturel d'un tiers, sans qu'il y ait un désir véritable et réciproque, on détruit à
terme la relation. Quantité de gens agissent ainsi, y compris de
bonne foi. Tôt ou tard ils se retrouvent seuls. Tant pis pour eux !
Ils l'ont bien cherché ! Comme je le dis : « quantité
de gens font de très grands efforts pour assurer leur malheur... et leurs
efforts sont récompensés ! »
Il faut être à l'écoute
de soi et ne pas suivre les discours obtus à la mode. S'il n'y a
jamais eu autant de gens qui déclarent aujourd'hui « souffrir
de la solitude », il y a bien une raison qui est aussi en eux.
Si la compagnie des personnes âgées de cinquante ans et plus va
souvent m'ennuyer, ce n'est pas parce qu'elles sont vieilles, mais parce
qu'elles sont tristes. A force de faire des bêtises en amour elles
vivent mal leur vie. Heureusement il existe des exceptions. J'espère
en faire partie.
Avant mai 68 il
semblerait que dans le domaine dit « sexuel » tout était
interdit, suspect. Après mai 68 il semblerait que tout ce qui était
interdit, suspect, est devenu obligatoire. On a remplacé l'interdit
par l'obligation. Ce n'est pas mieux. L'obligation, fut-elle baptisée
« amour libre », n'est pas la liberté.
Je me souviens d'un tract
fameux sorti en 1972 qui faisait l'apologie, schéma joint, de l'acte
sexuel. Et de la masturbation qui pouvait « combler l'ennui
d'une heure de classe ennuyeuse ». Je ne me rappelle pas avoir
vu dans ce tract la moindre allusion aux sentiments. L'acte sexuel y
était présenté comme un produit de consommation non relié à une
relation. Et il était réglé comme une horloge. Dans les années
1970, une actrice américaine du nom de Jane Fonda écrivait, je cite
de mémoire : « faire l'amour est un acte hygiénique au
même titre que se brosser les dents. » Le résultat de toute
cette soupe idéologique soixante-huitarde est qu'on a remplacé une
misère par une autre. Au lieu d'être frustré certains se
retrouvent gavés et ne se sentent guère mieux que les frustrés
d'hier. Et comme toujours, ce sont les femmes qui vont souffrir en
premier. Il faut que ça change.
Basile philosophe naïf,
Paris le 21 mars 2018
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