J'avais sept ans. Je
n'allais pas à l'école. Mon temps était très souvent occupé à
partager des activités avec ma sœur de quatre ans plus âgée. Tout
se passait sans anicroches, jusqu'au moment où je réalisais une
chose bizarre, incompréhensible et irritante. A diverses reprises ma
sœur sous prétexte de me soulever de terre, visiblement exprès et
sans m'en dire un mot, prenait dans sa main mon sexe à travers mes
vêtements. J'ignorais absolument tout de la sexualité. Ne m'y
intéressait pas. Le sexe je ne le voyais que comme un organe servant
à uriner. Le geste répété de ma sœur m'a irrité. J'ai décidé
de lui rendre la pareille. Un jour je l'attrape et la soulève de
terre en lui prenant le bas-ventre avec une de mes mains. Elle a
poussé quelques exclamations inarticulés. Je l'ai reposé par
terre. Après cette « revanche » elle n'a pas recommencé
son geste irritant. C'est seulement des décennies plus tard, à la
cinquantaine révolue que j'ai réalisé que le comportement de ma
sœur m'avait traumatisé à l'extrême. J'en souffre encore soixante
ans plus tard. En particulier d'une peur des femmes bien chevillée
au corps.
En quoi ces agressions
sexuelles pouvaient-elles nuire à ce point. Non pas parce que
c'était « sexuel ». Nombre d'enfants à ce que j'ai
entendu dire, jouent à toutes sortes de jeux sexuels entre eux sans
être perturbés par la suite par ces activités. Mais ce qui m'a
déstabilisé, c'était le caractère imposé et dominateur du geste
répété ainsi et qui me ravalait au rang de simple objet passif et
subissant la volonté régalienne de ma sœur. Je n'étais plus un
être humain, un partenaire de jeux. J'étais une chose qu'elle utilisait à sa guise. Cette façon d'être considéré par l'autre, c'est ça
qui vous traumatise. Et il n'y a pas besoin que ce soit forcément
sexuel pour que cette chosification de soi vous fasse très mal.
Ignorer votre dignité d'être humain à part entière, telle est la
base de l'agression sexuelle ou autre.
Quand on est traumatisé
ainsi, on attire l'agression, le non respect et on est attiré par
d'autres victimes. On n'arrive pas ou guère à réaliser de grandes
choses. On est handicapé par une blessure invisible. Sa présence
cachée est durable car généralement on ne la soigne pas. On ignore
même qu'on la porte en soi. Il faut très longtemps pour arriver à
s'apercevoir qu'elle est là. Mais comment peut-on la soigner ?
En se réapprivoisant
au toucher pacifique et respectueux. Ce qui n'est guère possible
dans notre société occidentale, française et parisienne qui a
horreur du toucher entre adultes. Ce toucher est systématiquement et
abusivement étiqueté « sexuel » et qualifié de
« préliminaire » de l'acte sexuel obligatoire. Qui
est sensé si « tout va bien » obligatoirement suivre...
J'ai préconisé
l'organisation de soins tactiles, de caresses thérapeutiques et non
sexualisées. Ce genre de soins est difficile à mettre en œuvre et
ne sera pas organisé, si ça arrive, avant des délais qui peuvent
être très longs. Heureusement il nous reste la solution de la danse
de couple.
Une amie qui n'avait pas
été touchée par un homme et n'en avait pas touché un depuis des
années m'a dit être revenu au toucher grâce à des cours de tango.
Moi-même je commence à retrouver ce chemin perdu grâce à des
cours de danse swing.
Peut-être un jour on
verra des thérapeutes prescrire à leurs patients en psychiatrie des
cours de danses et des bals de danses de couple ? Ce serait moins
triste que des séances de psychothérapie et la prise de drogues
sédatives qui assomment la maladie et le patient avec.
Peut-être un jour on
verra au cœur des services psychiatriques surgir une grande piste
de danses avec un médecin disc jockey ? Il y avait bien jadis
un bal des folles à la Salpetrière.
Basile philosophe naïf,
Paris le 18 mars 2018
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