Si quelqu'un a peur de
quelque chose et que vous lui dites partager cette peur, quelque part
vous le rassurez et lui faites plaisir. Pourquoi ? Parce qu'il
se dit : « j'ai bien raison d'avoir peur de cette chose.
Je n'ai pas à avoir de honte de ça. Voici quelqu'un qui est proche
de moi. Ouf ! Tremblons ensemble ! » Tandis que si,
inversement, vous déclarez ne pas avoir peur de ladite chose qui
fait peur à l'autre, vous le mettez mal à l'aise. Il pourra se
dire : « si j'ai peur de ça et pas lui, c'est que je suis
un trouillard. Voici un comportement déshonorant de ma part !
Si j'ai peur et pas lui, ça peut aussi vouloir dire que je ne
comprend pas. Je suis un imbécile ! Et celui-là qui n'a pas
peur est loin de moi, n'a pas d'empathie pour le trouillard et
l'imbécile méprisable que je suis. » Il existe un confort de
la peur. Si je déclare : « comme tout le monde je tremble
devant l'idée de mourir », je rassure. Si je dis : « je
n'ai pas peur de mourir », c'est louche et déstabilisant pour
mon auditoire trembleur. Les personnes profondément pieuses et
croyants dans un au-delà confortable et rassurant dérangent
absolument le matérialiste athée que terrorisé l'idée
de mourir. J'ai été matérialiste athée et j'ai effectivement un
soir été terrorisé tellement l'idée de ma mort me faisait peur. Aujourd'hui et depuis déjà bien des années je suis
devenu croyant et je me fiche des matérialistes fiers de trembler, s'ils me méprisent. Les autres me font pitié.
La peur à laquelle sont
attachés tant de gens offre un marché. Le marché de la peur
nourrit bien des discoureurs s'adressant à des croyants incertains
de leurs croyances. Il y a aussi un marché de la peur via les
médias. Ils vendent de la peur aux gogos et à gogo. Et gare à
celui qui ne ressent pas la tremblotte réglementaire !
Par exemple, quand arrive
le réveillon de Noël ou du Jour de l'an, les médias nous bassinent
avec les fantastiques mesures de sécurité concomitantes. Les télés
nous fournissent des images de policiers et gendarmes sur le terrain.
Il y a des années, le hasard fit que je regardais le programme de
télévision du soir du réveillon en compagnie notamment d'un
retraité de la police. Arrive le discours médiatique habituel,
illustré par un gendarme au clavier de son terminal informatique
dans son fourgon. Il est en bras de chemise. On pourrait penser qu'il
est vêtu ainsi parce que son véhicule est chauffé. Pas du tout, le
retraité de la police, qui connaît bien les uniformes, s'exclame,
parlant du gendarme à l'écran : « mais, il est en tenue
d'été ! Ce bout de film d'actualités a été tourné en
été ! »
Autre marché de la peur
marchandisée : les accidents d'avions, d'autocars, les
carambolages, etc. Les médias adorent nous faire peur et nous font
un pataquès de tous les accidents spectaculaires. Leur bavardage
désagréable et stérile après un accident peut durer des semaines.
Le public en redemande. Il aime avoir peur. De la peur lui est
copieusement servie. Il jouit de sa peur.
Autre domaine de
prédilection des marchands de peur médiatisée : les viols et
agressions sexuelles en général. Ces temps derniers une quantité
énorme d'articles a été consacré à un producteur hollywoodien
agresseur de femmes cherchant un rôle au cinéma. Certes, il est
juste de dénoncer ces crimes. Mais ne serait-il pas utile également
de rappeler que quatre-vingt-dix pour cent des viols sont commis par
un familier ou un proche parent de la victime ? Les marchands de
peur sont beaucoup plus discrets pour le rappeler. De même ils sont
remarquablement discrets pour parler des agressions sexuelles
féminines commises sur des garçons. J'en ai subi, enfant,
adolescent et adulte... on en parle le moins possible. Le jour où la
parole générale sera vraiment libérée, on sera surpris de
l'ampleur du phénomène et des dégâts consécutifs.
Parmi les professionnels
qui nous arrosent de peur, il y a aussi des politiques qui nous
annoncent tous les jours la fin du monde... Pour l'empêcher, est-il
urgent d'agir ? Pas du tout, selon eux il est urgent d'attendre
souvent plusieurs années les prochaines élections, pour voter pour
eux !
Basile, philosophe
naïf, Paris le 1er janvier 2018
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