lundi 23 novembre 2015

470 Le piège associatif 1901

Quand on veut organiser quelque chose, une fête, par exemple, une fête importante, on s'entend souvent conseiller en France : « il faut une association déclarée selon la loi de 1901 (une ASBL, si c'est en Belgique), avoir un local, trouver des subventions, avoir des soutiens officiels. » Et là, si on suit ces conseils, on s'égare bien souvent et on s'impuissante.

Créer une association consiste à déposer en préfecture des statuts, une liste de deux personnes au minimum, un trésorier et un président, quelques autres documents, et payer son insertion au Journal officiel. Ce qui fait qu'ensuite on croit avoir fait quelque chose : « on a fondé une association ». Il y avait à l'origine deux abrutis avec une idée. À présent, il y a toujours deux abrutis avec une idée. Mais, à présent, ils se prennent pour autre chose : une association. C'est le premier piège. Il y en a d'autres. Mais s'obnubiler sur la démarche « associative » fait partie des aberrations courantes en France. Bien des rêves sombrent avec la création de la sacro-sainte « association ». Qui dit association dit : cotisations, par exemple... Au début, elles rentrent facilement. Ensuite, ça devient plus dur. Et celui qui récolte les cotisations fini par se sentir un peu comme un huissier poursuivant des mauvais payeurs.

Autre travers nuisible de cette aventure dite « associative » : le plus souvent, en France, les associations ont un bureau de trois membres : un président, un secrétaire et un trésorier. Qui dit président dit : pouvoir. Qui ajoute secrétaire dit : bureaucratie. Et avec le trésorier arrivent : l'argent et la finance. C'est tout un cadre, un carcan, mis à l'idée de départ. On a dégagé la nécessité d'un chef, de paperasses et de fric. On n'est plus du tout dans le registre de départ. On voulait faire une fête. À présent on veut un chef, des archives, un budget argent.

Et le local ! Qui dit local dit location, qui dit location dit argent, qui dit argent dit subvention, qui dit subvention dit... aller mendier aux politiques la restitution d'une fraction de l'argent de nos impôts, que le fisc nous a confisqué, pour eux, sous la menace de poursuites en cas de refus. La subvention est à l'association ce que le sucre est au chien. Le chien fait le beau pour obtenir le sucre. L'association fait la belle pour toucher sa subvention. Mais, à la différence du chien, l'association ne reçoit pratiquement jamais son sucre. Ou alors, au prix de la rédaction d'un dossier très ennuyeux à fabriquer, elle reçoit un quart ou un cinquième de sucre.

Certains termes sensés indiquer la marche à suivre brillent par leur caractère au bout du compte erroné. Pour être sûr d'obtenir une subvention, il faut « un dossier en béton ». Comme si c'était une question d'arguments. Pour y arriver il faut trouver « les bonnes personnes ». Comme s'il existait forcément quelque part un responsable attendant le moment pour vous recevoir, vous écouter et satisfaire votre attente.

Quand l'idée de départ s'incarne dans une structure dite « associative », on peut faire rentrer ainsi le loup dans la bergerie. L'initiateur de l'association, celui qui en a été l'âme, va devenir juste un membre parmi d'autres. Résultat : il suffira qu'il soit mis en minorité par le vote pour être, y compris, chassé de l'association qu'il a créé ! Ce genre de mésaventures est arrivé un nombre immense de fois à des personnes ayant cru renforcer leur projet, et l'ayant affaibli avec un cadre associatif.

Moins il y a de pouvoir déclaré, de bureaucratie et d'argent, mieux c'est. Les formidables associations de Carnaval de Dunkerque et des villes alentours ne sont pas toutes déclarées. Et beaucoup d'entre elles ne disposent pas d'un local propre, mais sont basées dans des cafés. Ce qui ne les empêche pas d'être la base d'organisation de parmi les plus formidables des carnavals.

Basile, philosophe naïf, Paris les 18 et 23 novembre 2015

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