samedi 21 novembre 2015

466 La grève des hommes, échos du machisme ordinaire

J'ai connu, il y a bien des années, un philosophe qui écrivait des livres, faisait de la politique, déclarant défendre des causes justes et généreuses, et enseignait à l'université. De son propre aveu, il passait le plus clair de son temps à écrire tard le soir et jusqu'à un peu dans la nuit. Il dormait ensuite et se levait vers onze heures du matin. Sa femme, elle, avait un emploi classique avec des horaires diurnes. J'étais un jour en visite chez ce philosophe, qui avait donc une belle vie très confortable. Le soir arrive, sa femme rentre, fatiguée par sa journée de travail. Le philosophe l'accueille. Et je l'entends lui dire : « Il y a un colis à chercher à la poste. »

Ce philosophe n'avait pas le temps de faire cette commission et y envoyait tranquillement sa... bonniche d'épouse ! Et vive la généreuse philosophie de ce généreux philosophe !

Les machos, et ils forment l'écrasante majorité de la population mâle de notre planète, sont de parfaits feignants. Qui poussent ou contraignent leur femme à réaliser une immense quantité de tâches ingrates, répétitives, ennuyeuses et ménagères. Ils le font avec la plus grande tranquillité d'âme et la plus sereine et parfaite mauvaise foi du monde.

En 1980 en Angleterre, un jour de grand soleil au camping de Brighton, j'ai vu avec une amie une scène frappante et parlante. Une dame sexagénaire, visiblement très fatiguée, s'escrimant avec un très grand bac en bois où elle lavait du linge. Et, juste à côté, sur un lit en toile pliant, un gros monsieur sexagénaire, en short, allongé et prenant le soleil. Mon amie et moi sommes restés un instant scotchés, au point que l'homme s'est aperçu de notre réaction. Et que ça a paru le déranger.

Un vieil ami à moi s'était fait une spécialité quand sa femme lui demandait d'habiller leur petit garçon le soir pour aller dormir : « Je ne sais pas où est le pyjama du petit. » C'était sa phrase fétiche. Et voilà qu'un jour, c'est « le petit », qui, entendant ces mots familiers, lève le bras et indique d'un doigt mal assuré le meuble où était rangé le fameux pyjama ! Sa maman a été horrifiée. Au bout de dix ans de mariage elle a divorcé. En m'expliquant que, mère de deux enfants, elle en avait assez d'en avoir trois à la maison. Le troisième étant son mari.

Aujourd'hui cet homme, par ailleurs très sympathique, fait dans son foyer de la résistance vaisselière. Quand sa compagne lui dit de faire la vaisselle, il trouve tous les moyens dilatoires pour la remettre à plus tard. Tout en espérant qu'à la fin, un autre la fera à sa place. Il a une fois mis la vaisselle à tremper dans une bassine avec de l'eau. Et ensuite a résisté une dizaine de jours sans y toucher. Au point qu'à la fin des moisissures ont commencé à apparaître dans la bassine !

Et avec ça, ce homme est de la plus totale et parfaite mauvaise foi. Il affirme haut et fort ne pas être machiste ! Son père, que j'ai connu, était exactement comme lui. De nos jours, c'est à la mode à Paris de déclarer ne pas être machiste. Alors qu'on l'est jusqu'au bout des ongles. Le grand truc pour éviter les tâches ménagères consistant à trainer pour les faire. Et si on les fait, les faire mal. Un homme que j'ai connu m'a déclaré avec un grand sourire qu'il ne savait jamais où se trouvait les différentes affaires dans sa maison. Ainsi, c'était toujours finalement sa femme qui faisait à la maison toutes les tâches ménagères.

Cette grève des hommes est très ancienne. Elle a pour but de maintenir les femmes dans leur esclavage domestique, en faisant mine d'être incapable d'assumer les tâches domestiques. On connaît le célèbre et féminin : « laisses ça ! Je sais mieux et plus vite le faire que toi ! » Cette grève des hommes est en fait une tradition très ancienne de manipulation de la femme par l'homme. Chez certains hommes, elle apparaît pratiquement comme une « seconde nature ».

Basile, philosophe naïf, Paris le 21 novembre 2015

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