samedi 7 novembre 2015

449 À qui profite la liquidation de l'hôpital militaire parisien du Val-de-Grâce ?

Imaginez que demain on annonce officiellement qu'on va raser la cathédrale Notre-Dame, la tour Eiffel et le château de Versailles. Et on annonce le motif, catégorique, définitif, incontournable : « ce sont des bâtiments vétustes. » C'est ainsi qu'en 1945 on traitait l'ensemble des hôtels du quartier du Marais à Paris. Les aspirants démolisseurs disaient : « certes, ces hôtels sont beaux, mais tous les bâtiments qui ont plus de cent ans sont insalubres et doivent disparaître ». Quand vous feuilletez la presse parisienne du XIXème siècle, l'annonce de l'anéantissement d'innombrables merveilles architecturales par la spéculation immobilière haussmannienne est saluée comme la disparition de sombres taudis moyenâgeux. La litanie des hôtels particuliers abattus pour tracer la très quelconque rue de Rennes à Paris est impressionnante. La rue s'arrête à l'église Saint-Germain-des-Prés. Elle devait aller jusqu'à la Seine. On a réussi à stopper le massacre. La vétusté, voilà l'argument choc pour anéantir ce qu'on veut détruire pour d'autres raisons, comme la spéculation immobilière.

Ces jours-ci, un superbe et petit hôpital parisien fini de disparaître sous les outils sophistiqués des démolisseurs : l'hôpital Léopold Bellan. Fermé depuis un certain temps, avec ses bâtiments y compris modernes, il est rasé. Motif : il était... vétuste !

Et à la place va s'élever, devinez quoi ? Un hôtel de luxe, qui rapportera de l'argent à des investisseurs qui ont déjà trop d'argent. Mais, pour eux, l'argent c'est comme une drogue. Ils font penser aux hamsters qui amassent 40 kilos de graines pour l'hiver dans leur terrier. Et ensuite dorment tout l'hiver sans y toucher. Ils font ce qu'Aristote appelait jadis de la chrematistique.

Le coup de l'hôtel de luxe a déjà été fait à Lyon et Marseille avec les hôpitaux Hôtel Dieu de ces villes. A Paris, on a entendu la même ritournelle s'agissant de l'Hôtel Dieu au pied de la cathédrale Notre-Dame : vétuste, on devait le fermer. Ses urgences venaient d'être refaites à neuf ! C'était le seul hôpital de 9 arrondissements parisiens, 12 millions de voyageurs passant régulièrement à proximité, l'infirmerie de la Préfecture de police voisine, destinée à ses nombreux employés, avait été fermé il y a quelques années, motif : il suffisait de traverser la rue pour arriver aux urgences de l'Hôtel Dieu. Ainsi, en catimini, on fermait l'hôpital, qui allait bien sûr, par étapes devenir un super palace de luxe. Un courageux et consciencieux médecin urgentiste, le docteur Gérald Kierzek, a protesté. Il était responsable du SMUR, service mobile d'urgence et de réanimation de l'Hôtel Dieu. Il a été viré de son poste, puni pour avoir défendu la sécurité et la vie de ses patients. C'est-à-dire potentiellement chacun de nous. Qui pouvons malheureusement aboutir un jour aux urgences. Cependant, un autre hôpital a été liquidé plus récemment. Il finira de fermer en 2017 : l'hôpital militaire parisien du Val-de-Grâce. Motif officiel : c'est la « vétusté » bien sûr !

Comme les militaires n'ont officiellement pas le droit de s'exprimer publiquement, l'opération a pu se faire avec les coudées franches pour ceux qui étaient et sont encore à la manœuvre. Ainsi, un des meilleurs hôpitaux de France disparaît sous nos yeux, liquidé par ceux qui avaient la charge d'assurer sa continuité. Pourquoi fait-on ça ? A qui cela profite-t-il ? Il se trouve que j'ai pu interroger un ex médecin et chef de service du Val-de-Grâce. Dégouté, il a quitté le service de santé des armées. Il m'a dit : « Ceux qui ont décidé ça n'avaient pas le droit de le faire. C'est comme si la nouvelle maire de Paris décidait de faire tomber la tour Eiffel. » Et pourquoi alors liquider le valeureux Val-de-Grâce ? « Le Val-de-Grâce, hôpital prestigieux accueillant de nombreuses personnalités, était un hôpital militaire. Il n'avait donc pas de secteur privé. En faisant supprimer les 350 lits d'hospitalisation du Val-de-Grâce, l'Assistance publique, tout au moins son directeur Monsieur Martin Hirsch, compte récupérer les malades prestigieux. Qui seront hospitalisés dans le secteur privé. » C'est donc une affaire d'argent. Moi, Basile, n'en dirais pas plus. Au lecteur de conclure. Quant au bâtiment du Val-de-Grâce... avec son jardin, deviendra-t-il un jour un palace ?

Basile, philosophe naïf, Paris le 7 novembre 2015

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